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Conseil d’Etat, Avis, 2 octobre 2002, n° 247767, Haut-Commissaire de la République française en Polynésie

En réglementant l’immersion des déchets dans les eaux territoriales de la Polynésie française, l’assemblée de la Polynésie française a donc exercé en matière d’environnement et de lutte contre la pollution marine la compétence de droit commun qui lui est attribuée par l’article 5 de la loi organique du 12 avril 1996.

CONSEIL D’ETAT

N° 247767

HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE EN POLYNESIE

M. Mochon
Rapporteur

Mme Mitjavile
Commissaire du Gouvernement

Séance du 11 septembre 2002
Lecture du 2 octobre 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Conseil d’Etat

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 11 juin 2002, le jugement en date du 28 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Papeete, avant de statuer sur la demande du HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE tendant à l’annulation de la délibération n° 2001-42/APF de l’Assemblée de la Polynésie française du 30 mars 2001 portant réglementation de l’immersion des déchets dans les eaux territoriales, a transmis, en application de l’article 113 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si ladite délibération fait une exacte application de la répartition des compétences entre l’Etat et les autorités de la Polynésie française ;

Vu la délibération n° 2001-42/APF de l’Assemblée de la Polynésie française du 30 mars 2001 portant réglementation de l’immersion des déchets dans les eaux territoriales ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2002, par lequel le président de l’Assemblée de la Polynésie française s’en remet à ses observations présentées devant le tribunal administratif de Papeete ;

Vu les observations, enregistrées le 19 juillet 2002, par lesquelles le ministre de l’outre-mer conclut d’une part à ce que le Conseil d’Etat annule l’article 1er du jugement du tribunal administratif de Papeete et d’autre part déclare que la délibération contestée a méconnu la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mochon, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

REND L’AVIS SUIVANT

I. Aux termes de l’article 5 de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut de la Polynésie française : "Nonobstant toutes dispositions contraires, les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’Etat par les dispositions de l’article 6 de la présente loi ou aux communes par la législation applicable sur le territoire". L’article 6 de la même loi énumère les matières dans lesquelles l’Etat reste compétent, sans citer parmi ces matières l’environnement ni la lutte contre la pollution marine. En réglementant l’immersion des déchets dans les eaux territoriales de la Polynésie française, l’assemblée de la Polynésie française a donc exercé en matière d’environnement et de lutte contre la pollution marine la compétence de droit commun qui lui est attribuée par l’article 5 de la loi organique du 12 avril 1996.

II. Aux termes de l’article 7 de la loi organique du 12 avril 1996 : "Le domaine public maritime du territoire comprend, à l’exception des emprises affectées à la date de publication de la présente loi à l’exercice des compétences de l’Etat et sous réserve des droits des tiers, (...) le sol et le sous-sol des eaux territoriales." Si cette disposition, qui transfère aux autorités de la Polynésie française les compétences jusqu’alors exercées par l’Etat sur le domaine public maritime, n’évoque pas le régime de la masse des eaux, c’est parce que cette dernière chose commune, n’a jamais été incorporée au domaine public maritime. L’Etat ne peut, par suite l’invoquer pour soutenir qu’elle ferait obstacle, dès lors qu’elle maintiendrait sous sa souveraineté la masse des eaux territoriales, à l’exercice par la Polynésie française de se compétences en matière d’immersion des déchets.

III. En vertu du 1° de l’article 6 de la loi organique du 12 avril 1996, les autorités de l’Etat sont compétentes en matière de relations extérieures. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la Polynésie française soumette les immersions de déchet à autorisation du président du gouvernement de la Polynésie française ou en cas de force majeure, à notification à cette autorité. Mais l’exercice de ces attributions de la Polynésie française doit être organisé de manière à permettre à l’Etat de disposer immédiatement des informations recueillies afin qu’il exerce les compétences de notifications aux organisations internationales et aux autres parties contractantes que lui imposent les stipulations des conventions internationales auxquelles il est partie, au nombre desquelles figurent le protocole sur la prévention de la pollution de la région du Pacifique Sud résultant de l’immersion des déchets annexé à la convention de Nouméa du 25 novembre 1986 dans son article 7 et son article 9 ainsi que la convention pour la prévention de la pollution marine par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs signée à Oslo le 15 février 1972 dans son article 8-1 et la convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets ouverte à la signature à Londres, Moscou et Washington du 29 décembre 1972 au 31 décembre 1973 en son article VI.4.

IV. En vertu du 5° de l’article 6 de la loi organique du 12 avril 1996, les autorités de l’Etat sont compétentes en matière de défense. Aux termes du 6° du même article, les autorités de l’Etat sont compétentes en matière de "police et sécurité en matière de navigation aérienne et maritime (...) ; préparation des mesures de sauvegarde, élaboration et mise en oeuvre des plans opérationnels de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes et coordination des moyens concourant à la sécurité civile". La délibération contestée a, par son article 13, procédé à l’abrogation de "toutes dispositions antérieures contraires (...) et notamment les dispositions de la loi n° 76-599 du 7 juillet 1976", sans faire expressément réserve ni de la compétence de l’Etat en matière d’immersions effectuées par des navires et aéronefs militaires ni de la compétence de l’Etat en matière de police et sécurité de la navigation et élaboration et mise en couvre des plans opérationnels et de secours. Aux termes de l’article 15 de la loi du 7 juillet 1976 : "Le contrôle de l’application des dispositions de la présente loi aux navires et aéronefs militaires français est exercé par les agents relevant du ministère de la défense". L’article 16 de la même loi prévoit les mesures d’urgence que doit prendre l’Etat en cas d’avarie ou d’accident en mer survenu à un navire, engin ou plate-forme ayant à son bord des substances nocives, dangereuses ou des hydrocarbures. Si la délibération contestée peut être regardée, compte tenu des termes employés par son article 13, comme n’ayant pas abrogé les dispositions des articles 15 et 16 de la loi du 7 juillet 1976, elle ne méconnaît pas la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française.

V. En vertu du 8° de l’article 6 de la loi organique du 12 avril 1996, les autorités de l’Etat sont compétentes en matière de procédure pénale, Pour l’application de cette règle, des dispositions habilitant des agents à constater des infractions à une réglementation territoriale pénalement sanctionnée ressortissent à la procédure pénale. Par suite, l’article 12 de la délibération du 30 mars 2001 de l’assemblée de la Polynésie française, qui habilite sous certaines conditions des agents territoriaux à constater les infractions aux dispositions de la délibération, méconnaît la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie française.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Papeete, au HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANCAISE, au président du Gouvernement de la Polynésie française, au président de l’Assemblée de la Polynésie française et au ministre de l’outre-mer. Il sera publié au Journal officiel de la Polynésie française.

 


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