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Cour administrative d’appel de Paris, 31 décembre 2003, n°03PA01938, Haut Commissaire de la République en Polynésie Française c/ Territoire de la Polynésie française

Si le principe de la laïcité de la République posé à l’article 1er de la Constitution implique une stricte neutralité en matière religieuse, il ne s’oppose pas à ce qu’une collectivité publique apporte, en vue de satisfaire un objectif d’intérêt général, une contribution financière au fonctionnement d’un culte. La loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat n’est pas applicable au territoire de la Polynésie française et qu’aucune des dispositions spécifiques applicables à ce territoire n’interdit une telle contribution.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

N° 03PA01938

Haut Commissaire de la République en Polynésie Française
c/ Territoire de la Polynésie française

M. SIMONI
Président

Mme DESCOURS-GATIN
Rapporteur

Mme FOLSCHEID
Commissaire du Gouvernement

Séance du 19 novembre 2003
Lecture du 31 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS

(3ème Chambre A)

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 14 mai 2003, la requête présentée par le HAUT COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE ; le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 02-006 en date du 25 février 2003 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté pour forclusion son déféré tendant à l’annulation de l’arrêté n° 801/CM du 4 juin 2001 par lequel le président du gouvernement de la Polynésie française a autorisé, à titre dérogatoire, l’attribution d’une subvention d’investissement de 8 500 000 F CFP à l’Eglise évangélique de Polynésie française pour financer la construction d’un presbytère à Fetuna, commune de Tumaraa ;

2°) de statuer par voie de conséquence sur le déféré tendant à l’annulation de l’arrêté n° 801/CM du 4 juin 2001 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour l’application de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives et modifiant le code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 novembre 2003 :
- le rapport de Mme DESCOURS-GATIN, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme FOLSCHEID, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue de l’article 4 du décret du 22 novembre 2000 susvisé, rendu applicable en Polynésie française en vertu de l’article 6 du même décret : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l’autorité compétente vaut décision de rejet " ; que, toutefois, l’article 21 de la loi susvisée du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui dispose que " le silence gardé pendant plus de deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet " n’est, en vertu du premier alinéa de l’article 41 de cette même loi, applicable en Polynésie française qu’aux administrations de l’Etat et de leurs établissements publics ; qu’ainsi, demeurent applicables dans ce territoire, s’agissant du délai au terme duquel le silence de l’administration vaut décision de rejet, les dispositions en vigueur antérieurement à l’intervention du décret précité du 22 novembre 2000 et aux termes desquelles : le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une réclamation par l’autorité compétente vaut décision de rejet ;

Considérant que, par lettre reçue le 11 juillet 2001, LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE avait demandé au président du gouvernement de la Polynésie française de lui adresser divers documents et de lui apporter des précisions relativement à l’arrêté n° 801/CM en date du 14 juin 2001 décidant l’attribution d’une subvention d’investissement à l’Eglise évangélique de Polynésie française, afin de lui permettre d’exercer le contrôle de la légalité de cet acte ; que le silence gardé par l’autorité territoriale sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 11 novembre 2001 ; que, par suite, le déféré du Haut-commissaire, introduit devant le tribunal administratif de Papeete le 9 janvier 2002, soit avant l’expiration du délai de recours contentieux ouvert contre ladite décision implicite, était recevable ; qu’il suit de là que LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable ; qu’ainsi le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 25 février 2003 doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE devant le tribunal administratif de Papeete ;

Considérant que le HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE demande, d’une part, l’annulation du refus implicite du président du gouvernement de la Polynésie française de lui communiquer les pièces nécessaires au contrôle de légalité de l’arrêté en conseil des ministres n°801/CM en date du 14 juin 2001 par lequel le président du gouvernement de la Polynésie française a autorisé l’attribution d’une subvention d’investissement à l’église évangélique de Polynésie française pour financer la construction d’un presbytère à Fetuna, et, d’autre part, l’annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l’arrêté du président du gouvernement de la Polynésie française en date du 14 juin 2001 :

Considérant, en premier lieu, que si le principe de la laïcité de la République posé à l’article 1er de la Constitution implique une stricte neutralité en matière religieuse, il ne s’oppose pas à ce qu’une collectivité publique apporte, en vue de satisfaire un objectif d’intérêt général, une contribution financière au fonctionnement d’un culte ; que la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat n’est pas applicable au territoire de la Polynésie française et qu’aucune des dispositions spécifiques applicables à ce territoire n’interdit une telle contribution ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté n° 782/CM du 4 août 1997, le Territoire de la Polynésie française peut accorder des subventions d’investissement à des personnes morales ou physiques de droit privé afin de contribuer " à assurer leurs dépenses d’investissement et à les encourager ... à réaliser les investissements d’intérêt général de leur compétence " ; que la subvention litigieuse devait permettre la reconstruction du presbytère de l’église évangélique de Fetuna, sur l’île de Raiatea, qui avait été détruit par le passage d’un cyclone en 1998 ; qu’il n’est pas contesté par le ministre de l’outre-mer qu’en Polynésie française l’église évangélique prend en charge de nombreuses activités socio-éducatives, notamment dans les îles éloignées, comme l’île de Raiatea, et que le presbytère n’est pas réservé à un usage exclusivement privatif, mais est ouvert à tous, en particulier lors des cyclones ; que, d’ailleurs, le presbytère de Fetuna avait, à l’occasion des évènements climatiques des dernières saisons, hébergé plusieurs familles sinistrées ; qu’ainsi, la décision attaquée n’est pas intervenue en méconnaissance des dispositions de l’arrêté du 4 août 1997 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 14 juin 2001 par lequel le président du gouvernement de la Polynésie française a autorisé l’attribution d’une subvention d’investissement à l’Eglise évangélique de Polynésie française en vue de financer la construction d’un presbytère à Fetuna ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 25 février 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée au tribunal administratif de Papeete par LE HAUT-COMMISSAIRE DE LA REPUBLIQUE EN POLYNESIE FRANÇAISE est rejetée.

 


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