COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
N° 00PA03052
Mme V. D.
M. MERLOZ
Président
M. ALFONSI
Rapporteur
M. HAÏM
Commissaire du Gouvernement
Séance du 16 janvier 2003
Lecture du 13 février 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
( 4ème chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 octobre 2000, présentée par Mme Annie V. D., demeurant en Polynésie Française ; Mme V. D. demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 6 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’éducation nationale a refusé de reconnaître ses qualifications professionnelles d’enseignant obtenues aux Pays-Bas, à ce que le ministre de l’éducation nationale procède à une rectification de sa situation rétroactivement depuis 1991 et à la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité égale à la différence entre la rémunération de maître auxiliaire 3ème catégorie et celle de maître auxiliaire 2ème catégorie depuis février 1994 jusqu’au rétablissement de ses droits, voire même égale à la différence entre celle de maître auxiliaire de 2ème catégorie et celle à laquelle elle avait droit en fonction de ses qualifications et de son ancienneté depuis le 26 août 1991 ainsi qu’une indemnité de 100.000 F au titre du préjudice moral ;
2°) d’annuler pour excès de pouvoir ladite décision implicite de refus ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la différence de rémunération entre un contractuel de la 2ème catégorie ou toute catégorie dans laquelle elle doit être reclassée et un contractuel de la troisième catégorie dans laquelle elle a été déclassée et une somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi ;
4°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 5.000 F au titre des frais irrépétibles ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le traité instituant la communauté européenne ;
VU la directive n° 89/48/CEE du conseil des communautés européennes du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans ;
VU la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
VU la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
VU le décret n° 62-379 du 3 avril 1962 modifié ;
VU le décret n° 94-741 du 30 août 1994 ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 janvier 2003 :
le rapport de M. ALFONSI, premier conseiller,
et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme Annie V. D., ressortissante française titulaire du baccalauréat, a enseigné pendant douze ans aux Pays-Bas dans l’enseignement secondaire après avoir obtenu le 23 juin 1978 le " certificat d’aptitude A à enseigner la langue française dans l’enseignement secondaire ", diplôme néerlandais ; qu’elle a été recrutée le 26 août 1991 par le vice-rectorat de Polynésie française en qualité de maître auxiliaire de 3ème catégorie pour exercer des fonctions d’enseignement au collège catholique d’Atuona, établissement privé sous contrat des Iles Marquises ; que par un arrêté du ministre territorial de l’éducation et de l’enseignement technique de la Polynésie Française du 21 avril 1993, elle a été placée à titre rétroactif, à compter de cette date, dans la 2ème catégorie des maîtres auxiliaires à la suite de l’avis émis le 8 juillet 1992 par le ministre de l’éducation nationale (direction des personnels enseignants des lycées et collèges) selon lequel le diplôme néerlandais dont elle est titulaire sanctionne un niveau d’études post-secondaires de trois années l’autorisant à concourir pour l’obtention du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré ; que, par un arrêté en date du 15 décembre 1993, le ministre territorial a rapporté cette décision et l’a de nouveau reclassée dans la 3ème catégorie des maîtres auxiliaires à compter du mois de février 1994, après un nouvel examen par les services du ministère de l’éducation nationale de son diplôme de droit néerlandais, pour le motif que ce diplôme devait en réalité être comparé à un diplôme français sanctionnant au maximum deux années d’études supérieures ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme V. D. tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’éducation nationale pendant plus de quatre mois sur sa lettre en date du 8 septembre 1996 sollicitant la reconnaissance de ses qualifications professionnelles et le rétablissement de sa situation administrative de maître auxiliaire de 2ème catégorie à compter du 26 août 1991 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, d’une part, la demande adressée le 8 septembre 1996 par Mme V. D. au ministre de l’éducation nationale et reçue le 25 septembre 1996 tendait à la reconnaissance de ses qualifications professionnelles d’enseignant obtenues aux Pays-Bas dans le respect des dispositions de la directive n° 89/48 CEE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans ; que s’il ressort des pièces produites devant les premiers juges que Mme V. D. a présenté cette demande exclusivement en vue d’obtenir du ministre territorial de l’éducation nationale et de l’enseignement technique de Polynésie française son reclassement dans la 2ème catégorie des maîtres auxiliaires à compter du 26 août 1991, date de son recrutement par le vice-rectorat de Polynésie française, le tribunal administratif n’a pas statué au delà des conclusions de la requérante tendant à l’annulation de cette décision implicite en relevant, pour faire reste de droit alors même que l’intéressée ne sollicitait pas une telle mesure, qu’aucune disposition prise pour l’application de la directive précitée ne lui conférait de droit à être reclassée dans le corps des professeurs certifiés ; que, d’autre part, le jugement attaqué, qui n’a pas omis de répondre à ceux des moyens de la requérante qui n’étaient pas inopérants, est suffisamment motivé ;
Sur la légalité de la décision implicite du ministre de l’éducation nationale :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret susvisé du 3 avril 1962 : " Les maîtres auxiliaires sont répartis en quatre catégories... " ; qu’aux termes de l’article 3 du même décret : " Appartiennent à la catégorie II : les maîtres auxiliaires des enseignements généraux pourvus de la licence d’enseignement... Appartiennent à la catégorie III : les maîtres auxiliaires des enseignements généraux pourvus du baccalauréat "
Considérant que Mme V. D., qui détient un certificat A d’aptitude à enseigner la langue française délivré aux Pays-Bas lui ayant permis d’occuper un poste de professeur de français dans un collège néerlandais de 1976 à 1988 exerce en Polynésie française une activité salariée d’enseignante dans un établissement privé d’enseignement sous contrat d’association, sans être titulaire de la licence d’enseignement délivrée par les autorités françaises ; que, comme il a été dit ci-dessus, sa demande adressée le 8 septembre 1996 par le ministre de l’éducation nationale tendait à la reconnaissance de son diplôme néerlandais avec la licence d’enseignement en vue de son reclassement sur le fondement des dispositions susmentionnées dans la deuxième catégorie des maîtres auxiliaires ;
Considérant toutefois qu’aux termes de l’article 299 du traité instituant la communauté européenne : " 3. Les pays et territoires d’outre-mer dont la liste figure sur l’annexe II du présent traité font l’objet du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie de ce traité " ; que suivant l’article 186 du même traité : " Sous réserve des dispositions qui régissent la santé publique, la sécurité publique et l’ordre public, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les Etats-membres et des travailleurs des Etats membres dans les pays et territoires sera réglée par des conventions ultérieures qui requièrent l’unanimité des Etats membres " ; que ces dispositions renvoient la mise en œuvre de cette liberté dans les pays associés, dont font partie les territoires d’outre-mer français, à des conventions ultérieures qui requièrent l’unanimité des Etats-membres ; que, par suite, en l’absence de telles conventions, Mme V. D. ne peut utilement invoquer le principe de liberté de circulation des travailleurs à l’encontre de la décision implicite par laquelle le ministre de l’éducation nationale a refusé de reconnaître l’équivalence du diplôme néerlandais qu’elle détient avec la licence d’enseignement pour l’application des dispositions précitées du décret du 3 avril 1962 ; que les dispositions de la directive n° 89/48 CEE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans ne sont pas davantage applicables aux ressortissants des Etats membres voulant exercer à titre salarié une activité professionnelle en Polynésie française ; qu’il suit de là, sans qu’il y ait lieu de rechercher si les attestations des autorités néerlandaises produites par la requérante apportent la preuve que le diplôme qu’elle détient sanctionne une formation d’une durée minimale de trois ans permettant d’exercer la même activité aux Pays-Bas, que Mme V. D. n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet prise par le ministre de l’éducation nationale ;
Sur la responsabilité de l’Etat :
Considérant qu’en rejetant implicitement la demande tendant à la reconnaissance de ses qualifications professionnelles d’enseignant acquises aux Pays-Bas présentée par Mme V. D. en vue d’obtenir du ministre territorial de l’éducation et de l’enseignement technique de Polynésie française son reclassement dans la deuxième catégorie des maîtres auxiliaires, le ministre de l’éducation nationale n’a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard de la requérante et à lui ouvrir droit à une indemnité en réparation du préjudice subi ;
Considérant qu’il suit de là que Mme V. D. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur l’application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative :
Considérant que le présent arrêt, qui confirme le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme V. D. n’appelle aucune mesure d’exécution ; que, par suite les conclusions de Mme V. D. tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre de l’éducation nationale sur le fondement des dispositions susvisées de lui verser l’intégralité de la rémunération à laquelle elle aurait pu prétendre au titre des services qu’elle a accomplis si elle avait été classée dans la 2ème catégorie des maîtres auxiliaires ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme V. D. la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme V. D. est rejetée.