CONSEIL D’ETAT
N°s 267005, 267006
COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE
M. V.
Mme Carine Moreau-Soulay
Rapporteur
M. Didier Chauvaux
Commissaire du Gouvernement
Séance du 16 juin 2004
Lecture du 30 juin 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat,
(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux
Vu, enregistré le 28 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’arrêt du 15 avril 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Douai :
1°) a rejeté la requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 7 octobre 2003 en tant qu’il a déchargé M. Michel V. de la somme de 1 704, 36 euros mise à sa charge par l’état exécutoire émis le 23 février 2000 et à la condamnation de M. V. à lui verser une somme de 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative,
2°) avant de statuer sur la requête de M. V. tendant à l’annulation de l’article 1er du jugement du 7 octobre 2003 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de l’arrêté du 2 juin 1999 par lequel le maire de la commune de Lille l’a mis en demeure de faire cesser le péril imminent résultant de l’état de l’immeuble sis 17, rue Jean Moulin à Lille, ainsi qu’à l’annulation des états exécutoires des 28 juillet 1999 et 24 décembre 1999 par lesquels le maire de Lille l’a constitué débiteur des sommes de 99 911, 07 F (15 231, 34 euros) et 10 854 F (1 654, 68 euros) et à la décharge desdites sommes, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante :
"Le litige relatif aux deux états exécutoires contestés par M. V. et correspondant d’une part au coût des travaux réalisés d’office par la commune de Lille sur l’immeuble de M. V. faisant l’objet d’un arrêté de péril imminent, et, d’autre part, aux frais d’expertise mis à la charge de l’intéressé, en application de la législation sur les bâtiments menaçant ruine, figure-t-il au nombre des litiges énumérés au 9° de l’article R. 222-13 du code de justice administrative sur lesquels le tribunal administratif est compétent pour statuer en premier et dernier ressort ?"
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Carine Moreau-Soulay, Auditeur,
les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
REND L’AVIS SUIVANT :
I. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de la construction et de l’habitation : "Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique".
En vertu des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3 du même code, le maire peut mettre en demeure le propriétaire d’effectuer dans un délai déterminé les travaux de réparation ou de démolition de l’immeuble menaçant ruine. Il peut également, après autorisation donnée par le tribunal administratif en cas de péril ou de sa propre initiative en cas de péril imminent, faire procéder aux travaux d’office et aux frais du propriétaire si cette exécution n’a pas eu lieu dans les délais impartis. Aux termes de l’article L. 511-4 du même code : "Lorsque, à défaut du propriétaire, le maire a dû prescrire l’exécution des travaux ainsi qu’il a été prévu aux articles L. 511-2 et L. 511-3, le montant des frais est avancé par la commune ; il est recouvré comme en matière d’impôts directs (.)".
II. Le contentieux des litiges relatifs à l’exercice, par le maire, de son pouvoir de police spéciale au titre des bâtiments menaçant ruine est régi par les dispositions des articles R. 222-13 et R. 811-1 du code de justice administrative.
Aux termes de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, issu de l’article 10 du décret du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d’appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : (.) 9º Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine".
L’article R. 811-1 du même code, issu de l’article 11 du décret du 24 juin 2003 relatif aux cours administratives d’appel et modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative, dispose que "toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu’elle n’aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1º, 4º, 5º, 6º, 7º, 8º et 9º de l’article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort (.)".
Il ressort des termes mêmes de l’article R. 222-13 du code de justice administrative que l’expression "litiges relatifs aux immeubles menaçant ruine" a une portée générale. Elle recouvre aussi bien les différends relatifs aux arrêtés de péril que les litiges relatifs aux états exécutoires émis par le maire afin de recouvrer, auprès du propriétaire de l’immeuble concerné, les créances de la commune nées de l’application de la législation relative aux bâtiments menaçant ruine.
Dès lors, l’article R. 811-1 du code de justice administrative, qui prévoit que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relevant du 9° de l’article R. 222-13 du même code, est applicable au contentieux du recouvrement des dépenses se rattachant à la mise en œuvre, par le maire, de ses pouvoirs de police spéciale en matière de bâtiments menaçant ruine.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d’appel de Douai, à la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, à M. Michel V., à la commune de Lille, au ministre de l’équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.