CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 263399
M. H.
Mlle Courrèges
Rapporteur
M. Stahl
Commissaire du gouvernement
Séance du 26 mai 2004
Lecture du 16 juin 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Bernard H. ; M. H. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 24 octobre 2003 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant, pour la première, à l’annulation de l’arrêté du 17 janvier 2001 du préfet du Val-de-Marne le réintégrant dans ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 29 janvier au 10 mai 2000, le plaçant en congé longue durée d’office du 11 mai 2000 au 10 novembre 2001 et le mettant à mi-traitement pendant cette période, pour la deuxième, 1) à l’annulation de l’arrêté du 28 février 2001 par lequel le préfet du Val-de-Marne l’a réintégré dans ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 29 janvier au 10 mai 2000, l’a placé en congé longue durée d’office du 11 mai 2000 au 10 novembre 2001 et l’a mis à mi-traitement à partir du 11 janvier 2001, 2) à ce que soit ordonné au préfet du Val-de-Marne de le rétablir dans l’intégralité de ses droits patrimoniaux et statutaires à compter du 20 novembre 2000 dans un délai de trois mois et sous astreinte de 1 000 F (152, 45 euros) par jour de retard, 3) à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 50 000 F (7 622, 45 euros) en réparation de son préjudice moral et la même somme au titre de son préjudice matériel, 4) à ce que soit mise à la charge de l’Etat une somme de 10 000 F (1 524, 49 euros) en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, pour la troisième demande, 1) à l’annulation de l’arrêté du 16 novembre 2001 par lequel le préfet du Val-de-Marne a prolongé son congé de longue durée pour une période d’un mois, 2) à ce que soit ordonné au préfet du Val-de-Marne de le rétablir dans l’intégralité de ses droits patrimoniaux et statutaires à compter du 20 novembre 2000, 3) à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 1 524, 50 euros pour résistance abusive et malveillante et 4) à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme de 762, 24 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2° à ce que soit mise à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mlle Courrèges, Auditeur,
les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. H.,
les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. H., secrétaire administratif de préfecture, a été placé en congé de longue durée du 29 mars 1999 au 28 janvier 2000 ; qu’ayant sollicité sa réintégration à l’issue de ce congé, il a été placé en mi-temps thérapeutique du 29 janvier 2000 au 28 juillet 2000 puis du 29 juillet 2000 au 28 janvier 2001 ; que le préfet du Val-de-Marne, par arrêté du 17 janvier 2001, l’a réintégré dans ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 29 janvier au 10 mai 2000, l’a placé en congé longue durée d’office du 11 mai 2000 au 10 novembre 2000 et l’a mis à demi-traitement pendant cette période ; que, par arrêté du 28 février 2001, le préfet a rapporté son précédent arrêté et a réintégré M. H. dans ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 29 janvier au 10 mai 2000, l’a placé en congé longue durée d’office du 11 mai 2000 au 10 novembre 2000 et l’a mis à demi-traitement à partir du 11 janvier 2001 ; que le congé de longue durée de M. H. a ensuite été prolongé par arrêté du 16 novembre 2001 pour la période du 11 novembre au 11 décembre 2001 ; que, par une première requête, l’intéressé a demandé au tribunal administratif de Melun l’annulation de l’arrêté du 17 janvier 2001 ; que, par une deuxième requête, il a demandé l’annulation de l’arrêté du 28 février 2001, à ce qu’il soit enjoint au préfet de le rétablir, sous astreinte et dans un délai de trois mois, dans l’intégralité de ses droits patrimoniaux et statutaires à compter du 20 novembre 2000, ainsi que la condamnation de l’Etat à la réparation du préjudice qu’il aurait subi ; que, par une troisième requête, il a demandé l’annulation de l’arrêté du 16 novembre 2001, à ce que soit ordonné au préfet du Val-de-Marne de le rétablir dans l’intégralité de ses droits patrimoniaux et statutaires à compter du 20 novembre 2000 et la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 1 524, 50 euros ; que, par un jugement en date du 24 octobre 2003, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a, après avoir joint les trois requêtes, rejeté les demandes présentées par M. H. ; que l’intéressé se pourvoit directement en cassation devant le Conseil d’Etat contre ce jugement ;
Sur la compétence du Conseil d’Etat :
Considérant qu’il résulte des dispositions du deuxième alinéa ajouté à l’article R. 811-1 du code de justice administrative par l’article 11 du décret du 24 juin 2003, combinées avec celles de l’article R. 222-13 du même code, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics, à l’exception de ceux concernant l’entrée au service, la discipline ou la sortie du service ; que, toutefois, les conclusions indemnitaires présentées dans cette matière restent en principe susceptibles d’appel devant la cour administrative d’appel dès lors que les sommes demandées sont supérieures au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que l’article R. 222-14 fixe ce montant à 8 000 euros ; qu’enfin, l’article R. 222-15 précise que celui-ci est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d’instance et que les demandes d’intérêts et celles présentées en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont sans effet sur la détermination de ce montant ; qu’est, de même, sans incidence sur la détermination des voies de recours la circonstance que le premier juge a estimé devoir statuer par un seul jugement sur des conclusions à fin d’indemnité présentées dans des requêtes distinctes ;
Considérant, d’une part, que les conclusions aux fins d’annulation et d’injonction présentées par M. H. devant le premier juge soulèvent un litige relatif à la situation individuelle d’un agent public qui n’entre dans aucune des exceptions mentionnées ci-dessus et dont, par suite, le tribunal administratif connaît en premier et dernier ressort ;
Considérant, d’autre part, que les conclusions indemnitaires contenues dans le recours formé devant le tribunal administratif à l’encontre de l’arrêté du 28 février 2001 ont été chiffrées par le requérant, dans sa requête introductive d’instance, à 50 000 F (7 622, 45 euros), au titre de son préjudice moral ; que les sommes demandées se situent ainsi en deçà du seuil à partir duquel un appel devant la cour administrative d’appel reste possible, sans que puissent être prises en compte, pour la détermination du seuil, les sommes demandées par M. H., dans un mémoire complémentaire, au titre de son préjudice matériel ;
Considérant, enfin, que les conclusions indemnitaires présentées par M. H. dans sa requête introductive d’instance dirigée contre l’arrêté du 16 novembre 2001 sont inférieures au montant fixé à l’article R. 222-14 ; qu’ainsi, elles ne sont pas davantage susceptibles d’appel ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de M. H. tendant à l’annulation du jugement précité du 24 octobre 2003 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a, dans son ensemble, le caractère d’un pourvoi en cassation ; qu’il appartient, dès lors, au Conseil d’Etat d’en connaître ;
Sur le pourvoi :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux " ;
Considérant que, pour demander l’annulation du jugement qu’il attaque, M. H. soutient qu’en se bornant à constater que le préfet du Val-de-Marne était en droit, par l’arrêté du 28 février 2001, de le placer en congé de longue durée, sans rechercher si l’arrêté du préfet comportait l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement, le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa décision ; qu’en estimant qu’il avait été mis à même d’assurer sa défense dans la procédure qui a conduit à sa mise en congé longue durée d’office, le premier juge a entaché sa décision d’erreur de droit et de dénaturation ; qu’en jugeant que le préfet du Val-de-Marne avait pu légalement le placer rétroactivement et pour une durée de 18 mois en congé de longue durée, le tribunal administratif a méconnu les dispositions du décret du 14 mars 1986 ; qu’en énonçant qu’il avait été arrêté pour raisons médicales à compter du 11 mai 2000 et n’avait pas repris ses fonctions ensuite, il a dénaturé les pièces du dossier ; qu’en estimant que son congé de longue durée pouvait être renouvelé par l’arrêté du 16 novembre 2001 pour une durée d’un mois, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; qu’en affirmant que cette prolongation était justifiée par l’avis du comité médical, le premier juge a entaché sa décision d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier ;
Considérant qu’aucun de ces moyens n’est de nature à permettre l’admission de la requête ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. H. n’est pas admise.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard H..
Copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.