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Conseil d’Etat, 9 juin 2004, n° 222069, Luc L.

L’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 222069

M. L.

M. Lenica
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 mai 2004
Lecture du 9 juin 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Luc L. ; M. L. demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 7 avril 2000 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à obtenir la levée de la prescription quadriennale opposée le 7 septembre 1999 à sa demande de remboursement d’une quote-part de loyer indûment perçue par l’autorité militaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Le Chatelier , Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu’il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif ; que dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi./ Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l’Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier (.)" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, saisi le 7 décembre 1999, sur le fondement des dispositions précitées, d’une demande de relèvement de la prescription quadriennale qui avait été opposée à M. L. le 9 septembre 1999, le ministre de la défense s’est borné, ainsi qu’il ressort de la motivation de la décision attaquée, à fonder son refus sur l’unique motif tiré de ce que la prescription avait été opposée à bon droit, sans se prononcer sur le bien-fondé des raisons invoquées devant lui par M. L. et qui justifiaient, selon ce dernier, qu’il soit fait droit à sa demande ; qu’ainsi, le motif retenu dans la décision attaquée est entaché d’erreur de droit ;

Considérant toutefois que le ministre invoque dans son mémoire en défense, pour établir que la décision attaquée était légale, un autre motif tiré de ce que les raisons invoquées par M. L. ne pouvaient conduire à le relever de la prescription qui lui avait été opposée ; qu’il résulte de l’instruction que le ministre aurait pris la même décision s’il avait entendu initialement se fonder sur ce motif, qui était de nature à fonder légalement la décision attaquée et qui n’a pas été contesté par le requérant après la communication de la substitution de motif sollicitée par le ministre ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision attaquée ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. L. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Luc L. et au ministre de la défense.

 


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