Vu la requête et le mémoire complémentaire présentés pour le Président de l’Assemblée Nationale et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 mars 1994 qui a annulé - la décision du 8 octobre 1991 par laquelle le Président de l’Assemblée Nationale a déclaré infructueux l’appel d’offres relatif à l’équipement audiovisuel de cette Assemblée, ainsi que la décision de rejet implicite du recours gracieux présenté le 7 décembre 1991 par la société Gilaudy électronique, - le marché négocié relatif à la réalisation de l’équipement audiovisuel de l’Assemblée Nationale conclu par cette dernière avec le groupement composé des sociétés AVS, Philips-BTS et Thomson ainsi que la décision de rejet implicite du recours gracieux présenté le 22 mai 1992 par la société Gilaudy électronique, - le marché relatif à la gestion de l’équipement audiovisuel de l’Assemblée Nationale conclu entre cette dernière et la société Télédiffusion de France, ainsi que la décision de rejet implicite du recours gracieux présenté le 18 juillet 1992 par la société Gilaudy électronique - les décisions de passer ces deux marchés ;
2°) décide qu’il sera sursis à l’exécution de ce jugement ;
3°) rejette les conclusions de première instance ;
4°) condamne la société Gilaudy électronique à verser à l’Assemblée Nationale une somme de 30 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ; la Constitution du 4 octobre 1958 ; l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 ; le code des marchés publics ; le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que les marchés conclus par les assemblées parlementaires en vue de la réalisation de travaux publics ont le caractère de contrats administratifs ; que, dès lors, et sans qu’y fassent obstacle les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée, il appartient à la juridiction administrative de connaître des contestations relatives aux décisions par lesquelles les services de ces assemblées procèdent au nom de l’Etat à leur passation ; qu’il en va de même des décisions relatives aux marchés conclus en vue de l’exploitation des installations des assemblées lorsque ces marchés ont le caractère de contrats administratifs ;
Considérant que les demandes introduites devant le tribunal administratif par la société Gilaudy électronique tendaient à l’annulation de décisions relatives à la passation de deux marchés portant respectivement sur l’installation et sur l’exploitation des équipements audiovisuels de l’Assemblée Nationale ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le Président de l’Assemblée Nationale n’est pas fondé à soutenir que la juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître de telles demandes ;
Sur la légalité des décisions contestées :
Considérant qu’en l’absence de réglementation particulière édictée par les autorités compétentes de l’Assemblée Nationale, les contrats litigieux sont régis par les prescriptions du code des marchés publics ;
Considérant, s’agissant du marché relatif à l’installation des équipements audiovisuels, qu’aux termes de l’article 97 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : "L’administration ne peut rejeter des offres dont le prix lui semble anormalement bas, sans avoir demandé, par écrit, des précisions sur la composition de l’offre et sans avoir vérifié cette composition en tenant compte des justifications fournies" ; qu’il ressort des pièces du dossier que le prix de l’offre de la société Gilaudy électronique a été regardé comme anormalement bas par l’administration de l’Assemblée Nationale, sans que cette décision ait été précédée d’une demande écrite de précision à la société Gilaudy électronique ; qu’ainsi la décision du 8 octobre 1991 par laquelle le Président de l’Assemblée Nationale a déclaré infructueux l’appel d’offres lancé en vue de la passation de marchés publics d’installation d’équipements audiovisuels et de gestion de ces équipements est intervenue à la suite d’une procédure irrégulière ; que l’irrégularité de cette décision entraîne par voie de conséquence l’illégalité de celle par laquelle le Président de l’Assemblée Nationale, après avoir déclaré infructueux l’appel d’offres, a procédé par voie de marché négocié à la conclusion du contrat relatif à l’installation de ces équipements ; que le Président de l’Assemblée Nationale n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 8 octobre 1991 ainsi que sa décision de passer le marché d’installation des équipements audiovisuels de l’Assemblée Nationale ;
Considérant, s’agissant du marché relatif à l’exploitation de ces équipements, que selon l’article 94 ter du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Le délai accordé pour remettre les offres ne peut être inférieur à vingt-et-un jours à compter de l’envoi de l’avis. En cas d’urgence ne résultant pas de son fait, la personne responsable du marché peut décider de ramener ce délai à quinze jours au moins" ; que, pour fixer à une durée inférieure à vingt-et-un jours le délai accordé aux entreprises pour remettre leurs offres, les services de l’Assemblée Nationale se sont fondés sur des impératifs résultant de la date d’ouverture de la session parlementaire ; qu’il leur appartenait de prendre en temps utile les mesures nécessaires pour que les marchés en cause fussent passés avant cette date ; que la circonstance invoquée n’est ainsi pas de nature à constituer un cas d’urgence au sens des prescriptions de l’article 94 ter du code des marchés publics ; que le Président de l’Assemblée Nationale n’est, par suite, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision de passer le marché d’exploitation des équipements audiovisuels de l’Assemblée Nationale ;
Considérant, enfin, que, si la demande de la société Gilaudy électronique devant le tribunal administratif tendait à l’annulation des décisions, détachables des marchés, de passer ceux-ci, elle n’était pas dirigée contre les marchés eux-mêmes ; que le tribunal administratif a, dès lors, statué au-delà des conclusions dont il était saisi en prononçant l’annulation de ces marchés ; que le Président de l’Assemblée Nationale est fondé à demander sur ce point l’annulation de son jugement ;
Sur l’application de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la société Gilaudy électronique, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser la somme de 30 000 F demandée par le Président de l’Assemblée Nationale au titre du remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat (Assemblée Nationale) à verser à la société Gilaudy électronique la somme de 30 000 F à ce titre ;
Décide :
Article Premier : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 mars 1994 sont annulés en tant qu’ils procèdent à l’annulation des marchés publics relatifs à l’équipement audiovisuel de l’Assemblée Nationale et à l’entretien de cet équipement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Président de l’Assemblée Nationale est rejeté.
Article 3 : L’Etat (Assemblée Nationale) est condamné à payer à la société Gilaudy électronique la somme de 30 000 F en application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.