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Conseil d’Etat, Assemblée, 5 mars 1999, M. Rouquette et autres.

Le législateur, en subordonnant à une condition de ressources le bénéfice des allocations familiales, a entendu maintenir l’équilibre financier de la branche famille de la sécurité sociale, qui est un objectif d’utilité publique, et s’est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens ou méconnaîtraient le principe de non-discrimination dans le droit au respect des biens qui résulte des stipulations combinées de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention.

Vu 1°), la requête présentée par M. Rémi Rouquette et Mme Hélène Lipietz, demandant au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 98-108 du 26 février 1998 relatif aux allocations familiales et modifiant le code de la sécurité sociale ;

Vu 2°), la requête présentée par M. Emmanuel du Besset, demandant au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-108 du 26 février 1998 relatif aux allocations familiales et modifiant le code de la sécurité sociale et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 200 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces des dossiers ; la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 ; le code européen de la sécurité sociale fait à Strasbourg le 16 avril 1964 ; le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ouvert à la signature à New York le 19 décembre 1966 ; le code de la sécurité sociale ; la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale ; la loi n° 91-647 du l0 juillet 1991 ; l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant que les requêtes émanant, d’une part, de M. Rouquette et Mme Lipietz et, d’autre part, de M. du Besset sont dirigées contre le même décret ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 23 de la loi du 19 décembre 1997 : "Les allocations familiales sont attribuées à partir du deuxième enfant à charge. Ces allocations (...) sont attribuées au ménage ou à la personne dont les ressources n’excèdent pas un plafond qui varie en fonction du nombre d’enfants à charge" ;

Sur le moyen tiré de l’incompatibilité entre les dispositions introduites à l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale par la loi du 19 décembre 1997 et les stipulations du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (articles 2, 9 et 10) et du code européen de la sécurité sociale (articles 39 et 45) :

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, publié au Journal officiel de la République française du 1er février 1981 : "Les Etats parties au présent pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur (...) la fortune" ; qu’aux termes de l’article 9 : "Les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à la sécurité sociale, y compris les assurances sociales" ; qu’aux termes de l’article 10 : "Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille" ; qu’aux termes de l’article 39 du code européen de la sécurité sociale, publié au Journal officiel de la République française du 9 avril 1987 : "Toute partie contractante pour laquelle la présente partie du code est en vigueur doit garantir aux personnes protégées l’attribution de prestations aux familles" ; qu’aux termes de l’article 45 : "Lorsque les prestations consistent en un paiement périodique, elles doivent être accordées pendant toute la durée de l’éventualité" ; qu’aux termes de l’article 40, cette éventualité est "la charge d’enfants" ; que ces stipulations, qui ne produisent pas d’effets directs à l’égard des particuliers, ne peuvent être utilement invoquées à l’appui de conclusions tendant à l’annulation du décret attaqué ;

Sur le moyen tiré de l’incompatibilité entre les dispositions introduites à l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale par la loi du 19 décembre 1997 et les stipulations de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article premier du premier protocole additionnel à cette convention :

Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : "La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur (...) la fortune" ; qu’aux termes de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens" ;

Considérant que le législateur, en subordonnant à une condition de ressources le bénéfice des allocations familiales, a entendu maintenir l’équilibre financier de la branche famille de la sécurité sociale, qui est un objectif d’utilité publique, et s’est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de leurs biens ou méconnaîtraient le principe de non-discrimination dans le droit au respect des biens qui résulte des stipulations combinées de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention ;

Considérant que le législateur a prévu une majoration du plafond de ressources institué pour l’attribution des allocations familiales lorsque les deux conjoints exercent une activité professionnelle productrice de revenus ; qu’ainsi les requérants ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que les dispositions de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale pénaliseraient l’exercice d’une activité professionnelle par la mère et introduiraient quant au droit au respect des biens de chacun des conjoints une discrimination selon le sexe qui serait contraire aux stipulations combinées de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article premier du premier protocole additionnel à la convention ;

Sur le moyen tiré du principe de confiance légitime :

Considérant que les dispositions de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi du 19 décembre 1997, ne sont pas au nombre des actes pris par les autorités nationales pour la mise en oeuvre du droit communautaire ; qu’ainsi, et en tout état de cause, les requérants ne sauraient valablement soutenir, en se référant au droit issu du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne, que le Conseil d’Etat devrait écarter l’application de l’article L. 521-1 du code précité au motif qu’il serait contraire au principe de confiance légitime ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance par le décret attaqué du rapport annexé à la loi du 19 décembre 1997 :

Considérant qu’aux termes de l’article L.O. 111-3, ajouté au code de la sécurité sociale par la loi organique du 22 juillet 1996 : "Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale : 1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale" ; qu’en vertu de l’article L.O. 111-4, ajouté au code précité par la même loi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année est accompagné d’un "rapport présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale" ;

Considérant que les orientations et les objectifs présentés par le rapport accompagnant la loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas revêtus de la portée normative qui s’attache aux dispositions de celle-ci ; que, par suite, M. du Besset ne saurait utilement soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les indications contenues dans le rapport annexé à la loi du 19 décembre 1997 ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret attaqué porterait atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques :

Considérant, d’une part, que le principe de l’attribution des allocations familiales sous une condition de ressources résulte des termes mêmes de la loi ; qu’il n’appartient pas au Conseil d’Etat statuant au contentieux d’apprécier la conformité de la loi au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques ;

Considérant, d’autre part, que le décret attaqué met en oeuvre la différence de traitement établie par la loi selon des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi, en particulier en ce qui concerne la nature des charges susceptibles d’être déduites des revenus imposables ; que ces dispositions réglementaires ne méconnaissent pas le principe général d’égalité devant les charges publiques ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d’une rétroactivité illégale :

Considérant que l’autorité réglementaire agissant dans sa sphère de compétence peut prévoir que le respect des conditions mises à l’octroi d’une prestation de sécurité sociale sera apprécié par référence à une période antérieure à celle au titre de laquelle cette prestation est servie, sans que soit méconnu le principe général de non-rétroactivité des actes administratifs, dès lors que les effets de droit attachés à cette prise en compte ne valent eux-mêmes que pour l’avenir ;

Considérant que le décret du 26 février 1998, publié au Journal officiel de la République française du 27 février 1998, dispose dans son article 4 qu’il s’applique pour la détermination des droits au bénéfice des allocations familiales à compter du 1er mars 1998 ; qu’ainsi, et alors même que les revenus pris en compte pour apprécier le respect de la condition de ressources posée par la loi correspondent à une période antérieure à sa date d’entrée en vigueur, le décret ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret qu’ils attaquent, qui n’est entaché d’aucune illégalité externe ;

Sur les conclusions de M. du Besset tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. du Besset la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : Les requêtes de M. Rouquette, de Mme Lipietz et de M. du Besset sont rejetées.

 


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