format pour impression
(imprimer)

DANS LA MEME RUBRIQUE :
Tribunal des conflits, 22 octobre 2001, n° 03254, Société BNP Paribas c/ Union des groupements d’achats publics (UGAP)
Conseil d’Etat, 27 juillet 2001, n° 229566, Compagnie Générale des Eaux
Cour administrative d’appel de Nantes, formation plénière, 30 juillet 2003, n° 02NT01384 , Ville de Rennes, Communauté d’agglomération de Rennes Métropole et Société Clear Channel More France
Conseil d’Etat, 19 novembre 2003, n° 257100, Ville de Nîmes c/ Société Dalkia France
Conseil d’Etat, 28 avril 2003, n° 239839, Union nationale des services publics commerciaux et industriels et autres
Cour administrative d’appel de Paris, 22 avril 2004, n° 99PA01016, Société Bouygues et autres
Conseil d’Etat, 8 août 2008, n° 309652, Centre hospitalier Edmond Garcin
Tribunal des conflits, 17 décembre 2001, n° 3262, Société Rue Impériale de Lyon c/ Société Lyon Parc Auto
Conseil d’Etat, 2 avril 2008, n° 277302, Société BPVR
Conseil d’Etat, 25 juin 2004, n° 221563, Commune de Gap




Conseil d’Etat, 10 décembre 2003, n° 248950, Institut de recherche pour le développement

L’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement la nullité dudit contrat. Il appartient au juge de l’exécution, saisi d’une demande d’un tiers d’enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d’en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l’acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l’intérêt général.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 248950

INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT

Mme Touraine
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 novembre 2003
Lecture du 10 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 25 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT, dont le siège est 213 rue Lafayette à Paris Cedex 10 (75480) ;

1°) d’annuler l’arrêt du 2 avril 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, à la demande de la SA Chantiers Piriou, lui a enjoint, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai de trois mois suivant la notification dudit arrêt, de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat passé avec la société OCEA pour la construction d’un navire de recherche océanographique ;

2°) de condamner la SA Chantiers Piriou à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Touraine, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT et de Me Odent, avocat de la SA Chantiers Piriou,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêt en date du 30 décembre 1996, devenu définitif, la cour administrative d’appel de Paris a annulé pour excès de pouvoir la décision du 6 décembre 1993 par laquelle l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT a attribué le marché de construction d’un navire de recherche océanographique à la société OCEA et la décision du 4 février 1994 rejetant l’offre présentée par la SA Chantiers Piriou ; que, par un arrêt en date du 2 avril 2002 rendu à la demande de cette dernière qui avait saisi la cour sur le fondement de l’article L. 911-4 du code de justice administrative, elle a enjoint à l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT, responsable de ce marché, de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; que l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT se pourvoit en cassation contre ce dernier arrêt ;

Considérant que, pour s’opposer devant la cour à la mesure d’exécution demandée par la société Chantiers Piriou, l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT faisait valoir notamment que des considérations d’intérêt général imposaient le maintien du contrat, eu égard aux missions qui lui étaient dévolues et au contentieux existant avec le constructeur en raison des défectuosités du navire livré ; que la cour n’a pas répondu à ce moyen en défense, qui n’était pas inopérant ; que, ce faisant, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; que, par suite, l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT est fondé à en demander l’annulation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que l’annulation d’un acte détachable d’un contrat n’implique pas nécessairement la nullité dudit contrat ; qu’il appartient au juge de l’exécution, saisi d’une demande d’un tiers d’enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d’en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l’acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l’intérêt général ;

Considérant que par l’arrêt du 30 décembre 1996 dont la SA Chantiers Piriou a demandé l’exécution, la cour administrative d’appel de Paris a annulé pour excès de pouvoir la décision portant attribution du marché litigieux à la société OCEA au motif que l’offre de cette société de réaliser un navire multicoque ne pouvait être regardée comme une variante, au sens du règlement de l’appel d’offres, et n’était, ainsi, pas conforme à l’objet de l’appel d’offres qui portait sur la construction d’un navire monocoque ; que ce motif, contrairement à ce que soutient l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT, n’est pas un motif de procédure, mais concerne l’objet même du marché ; qu’ainsi, alors même qu’elles ne porteraient pas sur la décision de signer le marché, mais sur la décision l’attribuant à la société OCEA et sur celle rejetant l’offre de la SA Chantiers Piriou, ces annulations impliquent nécessairement la nullité du contrat sans que puisse y faire obstacle la circonstance que le contrat aurait été entièrement exécuté ; que si l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT fait valoir qu’une telle nullité compliquerait le règlement des différents litiges auxquels a donné lieu la livraison du navire, cette seule circonstance n’est pas de nature à démontrer une atteinte excessive à l’intérêt général, qui ne peut non plus être déduite du seul fait que le responsable du marché exerce des missions de service public ; que la SA Chantiers Piriou est, par suite, fondée à demander au juge de l’exécution de l’arrêt du 30 décembre 1996 d’ordonner à l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat en cause ; qu’il y a lieu, dans cette affaire, de prononcer contre l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT, à défaut pour lui de justifier de la saisine du juge du contrat dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 300 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SA Chantiers Piriou, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SA Chantiers Piriou au titre des mêmes dispositions et de condamner l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT à lui verser la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt en date du 2 avril 2002 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT de saisir le juge du contrat afin de faire constater la nullité du contrat passé avec la société OCEA pour la construction d’un navire de recherche océanographique.

Article 3 : Une astreinte est prononcée à l’encontre de l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT s’il ne justifie pas avoir saisi le juge du contrat dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision. Le taux de cette astreinte est fixé à 300 euros par jour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT est rejeté.

Article 5 : L’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT versera à la SA Chantiers Piriou la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT et à la SA Chantiers Piriou.

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site