COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI
N° 00DA01298
Société Baudin Châteauneuf
Mme Lemoyne de Forges
Rapporteur
M. Michel
Commissaire du Gouvernement
Audience du 25 février 2003
Lecture du 11 mars 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI
2ème chambre
Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2000 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentée pour la société anonyme Baudin Châteauneuf dont le siège social est 60, rue de la Brosse BP 19 à Châteauneuf sur Loire (45110), représentée par son président-directeur général, par Me Anne Raphaël-Leygues de Yturbe, avocat ; la société Baudin Châteauneuf demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 20 septembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Lille et de la S.A.E.M. Euralille à lui payer les sommes de 385 276,32 francs hors taxes au titre des intérêts moratoires, 500 452,19 francs hors taxes au titre de la majoration sur intérêts moratoires non mandatés avec le principal, 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement et 20 000 francs au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
2°) de condamner solidairement la commune de Lille et la S.A.E.M. Euralille à lui verser les sommes de 385 276,32 francs hors taxes au titre des intérêts moratoires et de 500 452,19 francs hors taxes au titre de la majoration sur intérêts moratoires non mandatés, d’ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 11 octobre 1999 sur lesdites sommes et une nouvelle capitalisation ;
3°) de condamner solidairement la commune de Lille et la S.A.E.M. Euralille à lui payer 150 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive au paiement et 40 000 francs au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 février 2003
le rapport de Mme Lemoyne de Forges, président-assesseur,
les observations de Me Raphael-Leygues de Yturbe, avocat, pour la société Baudin Châteauneuf, Me Dutat, avocat, membre de la SCP Dutat Lefevre et associés, pour la commune de Lille et Me Arnaud Ducrocq, avocat, membre de la SCP SELAFA HSD ERNST et YOUNG, pour la S.A.E.M. Euralille,
et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Baudin Châteauneuf fait appel du jugement en date du 20 septembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Lille et la S.A.E.M. Euralille soient condamnées solidairement à lui payer des intérêts moratoires en raison des retards apportés dans le règlement des décomptes mensuels qu’elle a présentés dans le cadre d’un marché de travaux publics en vue de la réalisation d’un centre de congrès, expositions, spectacles et du parking y afférent dénommé Congrexpo ;
Considérant qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 : " L’entrepreneur doit, dans un délai de 45 jours compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d’œuvre revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché " ; que les intérêts moratoires dont ces dispositions permettent la discussion même après la signature du décompte général sont exclusivement ceux qui courent le cas échéant sur le solde résultant de ce décompte ; qu’eu égard au caractère définitif du décompte accepté, ces dispositions ne sauraient, en revanche, concerner les intérêts moratoires afférents à des acomptes inclus dans le décompte général ; qu’ainsi, en cas de contestation desdits intérêts moratoires, l’entreprise doit respecter la procédure prévue à l’article 13-44 précité ;
Considérant, en l’espèce, qu’il résulte de l’instruction que le décompte général établi le 21 juillet 1995 et notifié le 24 juillet 1995 ne faisait pas mention des intérêts moratoires ; que le 27 juillet 1995, la société Dumez, mandataire du groupement d’entreprises, a notifié ledit décompte général à la société Baudin Châteauneuf qui l’a reçu le 31 juillet 1995 et n’a émis ni contestation ni réserves ; qu’ainsi, faute pour elle d’avoir, en application des dispositions précitées de l’article 13-44 du cahier des clauses administratives générales, renvoyé dans le délai de 45 jours le décompte général au maître d’œuvre en faisant valoir que ledit décompte ne reprenait pas les intérêts moratoires dont elle demandait le paiement, ce décompte est devenu définitif et ne peut donc plus faire l’objet de contestation devant le juge du contrat sur aucun point y compris sur les intérêts moratoires afférents aux acomptes inclus dans le solde général ; que, dès lors, et ainsi que le font valoir la S.A.E.M. Euralille et la commune de Lille, la société Baudin Châteauneuf n’était pas recevable à saisir le tribunal administratif d’une demande de paiement d’intérêts moratoires ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires ;
Considérant qu’il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également les conclusions de la société Baudin Châteauneuf tendant au versement d’une somme de 150 000 francs (22 867,35 euros) pour résistance abusive au paiement ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lille et la S.A.E.M. Euralille qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à la société Baudin Châteauneuf la somme qu’elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société Baudin Châteauneuf à payer à la commune de Lille et à la S.A.E.M. Euralille une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Baudin Châteauneuf est rejetée.
Article 2 : La société Baudin Châteauneuf versera à la commune de Lille et à la S.A.E.M. Euralille une somme de 1 500 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Baudin Châteauneuf, à la S.A.E.M. Euralille, à la commune de Lille et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Copie sera transmise au préfet du Loiret et au préfet du Nord.