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Conseil d’Etat, 20 décembre 1995, Vedel et Jannot

L’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date.

Vu 1°), sous le n° 132183, la requête enregistrée le 4 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Christine Vedel, (...) ; Mme Vedel demande que le Conseil d’Etat annule pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l’abrogation des articles 1er, 2, 10, 11, 12, 13 et 21 du décret du 27 avril 1939 réglementant l’admission des Français, sujets et protégés français et des étrangers dans les Établissements français de l’Océanie ;

Vu 2°), sous le n° 142913, la requête enregistrée le 24 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Jérôme Jannot, (...) ; M. Jannot demande que le Conseil d’Etat annule pour excès de pouvoir la décision du 6 novembre 1992 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l’abrogation du décret du 27 avril 1939 réglementant l’admission des Français, sujets et protégés français et des étrangers dans les Établissements français de l’Océanie, en tant qu’il subordonne au dépôt d’une garantie de rapatriement l’accès des citoyens français au territoire de la Polynésie française ;

Vu le traité de Rome ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et son protocole n° 4 ;

Vu la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 ;

Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée par la loi n° 90-612 du 12 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant que les requêtes de Mme Christine Vedel et de M. Jérôme Jannot présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Considérant que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; que Mme Vedel a demandé au Premier ministre d’abroger les articles 1er, 2, 10 à 13 et 21 du décret du 27 avril 1939 en tant qu’ils réglementent l’admission et le séjour des Français sur le territoire de la Polynésie française ; que M. Jannot a demandé à la même autorité d’abroger les dispositions du même décret en tant qu’elles imposent aux ressortissants français se rendant sur ce territoire le dépôt d’une garantie de rapatriement ; que les requérants attaquent, respectivement, la décision implicite acquise le 17 septembre 1991 et la décision expresse en date du 6 novembre 1991 par lesquelles le Premier ministre a rejeté leurs demandes ;

Sur l’intervention du territoire de la Polynésie française :

Considérant que le territoire de la Polynésie française a intérêt au maintien des décisions attaquées ; qu’ainsi son intervention est recevable ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des départements et territoires d’outre-mer :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a été fait application des dispositions susmentionnées du décret du 27 avril 1939 à Mme Vedel et M. Jannot, citoyens français résidant en Polynésie française ; qu’ils justifient, dès lors, d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l’annulation du refus d’abroger les dispositions du décret du 27 avril 1939 relatives à l’admission et au séjour des Français sur le territoire de la Polynésie française ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant que l’article 1er du décret du 27 avril 1939 prévoit que, pour être admis dans la colonie des établissements français de l’Océanie, devenue le territoire de la Polynésie française, les citoyens français doivent produire une pièce d’identité datant de moins d’un an, un extrait de casier judiciaire, et "un récépissé du Trésor du port d’embarquement constatant le dépôt de la garantie de rapatriement dont le montant sera déterminé par arrêté du gouverneur" ; que les articles 2 et 10 définissent des catégories de personnes qui sont dispensées de tout ou partie de ces obligations ; que l’article 11 oblige tout voyageur français ou étranger à remplir, avant son embarquement, une "fiche spéciale d’identité" ; qu’en vertu de l’article 12 les voyageurs acceptés à bord sans avoir satisfait aux obligations prévues par le décret ne seront pas admis à débarquer ; que l’article 13 donne compétence au représentant de l’Etat dans le territoire pour fixer le montant de la garantie de rapatriement et ses conditions de réception et de remboursement ; qu’enfin l’article 21 punit d’une amende de 100 à 500 F et d’un emprisonnement de deux à six mois toute personne qui aura pénétré sur le territoire sans se conformer aux dispositions du décret ;

Considérant que les obligations faites à tout Français se rendant en Polynésie française par les articles 1er et 11 du décret du 27 avril 1939 de présenter une pièce d’identité datant de moins d’un an alors que la validité des cartes d’identité et des passeports est fixée respectivement à dix ans et à cinq ans, de produire un extrait de son casier judiciaire, de déposer une garantie de rapatriement et de remplir pour les autorités de police "une fiche spéciale d’identité" apportent à la liberté de circulation des citoyens sur le territoire de la République des restrictions qui ne sont pas, à la date des décisions attaquées, justifiées par des nécessités propres à ce territoire d’outre-mer ; qu’ainsi le refus du Premier ministre d’abroger l’article 1er du décret du 27 avril 1939 et les dispositions de son article 11 en tant qu’elles s’appliquent aux citoyens français, ainsi que, par voie de conséquence, le refus d’abroger l’article 2 et, en tant qu’elles concernent les citoyens français, les dispositions des articles 10, 12, 13 et 21 du même décret sont entachés d’illégalité ; qu’il suit de là que Mme Vedel et M. Jannot sont fondés à demander l’annulation des décisions attaquées ;

D E C I D E :

Article premier.- L’intervention du territoire de la Polynésie française est admise.

Article 2.- La décision implicite acquise le 17 septembre 1991 et la décision expresse en date du 6 novembre 1991 par lesquelles le Premier ministre a rejeté les demandes de Mme Vedel et de M. Jannot sont annulées.

 


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