AUDIENCE DU 26 Avril 2002
AFFAIRE N° 02/00728
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BREST
JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT RENDU LE VINGT SIX AVRIL DEUX MIL DEUX
Par M. LOUVEL, Président, Juge de l’Exécution,
Assisté de Melle LE GAG, Greffier divisionnaire,
ENTRE
PARTIE DEMANDERESSE :
Monsieur Christian B.
représenté par Me Alain CASTEL, avocat au barreau de BREST
ET
PARTIE DEFENDERESSE :
LE CENTRE HOSPITAUER UNIVERSITAIRE (C.H.U) DE BREST, pris
en la personne de son directeur général
5 Avenue Foch
29200 BREST
représenté par Me Patrick LANLARD, avocat au barreau de BREST
MAÎTRE BERNARD LEGRAND, HUISSIER DE JUSTICE
6 Rue de lyon
29200 BREST
représenté par Me Patrick LANLARD, avocat au barreau de BREST
DEBATS :
L’affaire a été plaidée le 24 Avril 2002, et mise en délibéré pour jugement être rendu le 26 Avril 2002.
Il est constant que, en exécution d’un arrêt de la cour administrative d’appel de NANTES du 12 juillet 2001, il a été procédé, le 29 mars 2002, à l’expulsion de Monsieur B. des locaux situés à l’Hôpital de la Cavale Blanche et mis à sa disposition par nécessité absolue de service en vertu d’un arrêté du 31 juilîlet 1996 du directeur du C.H.U de BREST pour la durée des fonctions d’attaché de direction de Monsieur B.
Ces fonctions ayant pris fin par l’effet d’un arrêté de révocation ministériel du 10 août 1999, et le juge judiciaire s’étant déclaré incompétent par ordonnance du il octobre 1999 pour statuer sur l’expulsion de Monsieur B. en raison de la nature administrative du litige, cette expulsion a en définitive été prononcée par l’arrêt de la cour administrative d’appel ci-dessus évoqué.
Par assignation délivrée devant le juge de l’exécution le 18 avril 2002 au C.H.U de BREST et à Maître LEGRAND, huissier de justice ayant procédé à l’expulsion, Monsieur B. demande qu’il soit jugé que celle-ci est irrégulière dès lors que le commandement de quitter les lieux lui a été délivré le 24 janvier 2002 et qu’il a saisi le juge de l’exécution d’une demande de délais de grâce le 24 mars 2002, soit dans le délai de deux mois prévu par l’article 62 de la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédures civiles d’exécution, lequel délai serait suspensif d’exécution.
Monsieur B. réclame en conséquence 5.000 euros de dommages et intérêts, outre 68,54 euros correspondant à la mise en fourrière de son véhicule, les frais de garde-meubles et de déménagement devant en outre être supportés par les défendeurs.
Monsieur B. demande encore la désignation d’un huissier pour vérifier s’il subsiste des meubles dans le local dont il a été expulsé et pour procéder à l’inventaire de ceux évacués par Maître LEGRAND.
Monsieur B. demande enfin 1.000 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Le directeur du C.H.U de BREST et Maître LEGRAND concluent au déboutement de Monsieur B. et à sa condamnation au paiement de 800 euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
En effet, la demande de délais de grâce n’a été reçue au greffe que le 27 mars 2002, soit après l’expiration du délai de 2 mois invoqué, lequel ne serait d’ailleurs pas suspensif d’exécution.
A l’audience du 24 avril 2002, le juge de l’exécution a soulevé d’office, en application des articles L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, 92 du Nouveau Code de procédure civile, et 8 et 10 du décret du 31 juillet 1992, le moyen d’ordre public tiré de la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la difficulté d’exécution de l’arrêt de la cour administrative d’appel de NANTES du 12 juillet 2001 qui fait l’objet du présent litige.
Monsieur B. a estimé en réponse que, s’agissant d’un litige lié à l’expulsion d’un logement, il résulterait de la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédures civiles d’exécution, et de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, un “bloc de compétence” en faveur du juge judiciaire, et donc du juge de l’exécution.
SUR CE
L’article L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que le juge de l’exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires (ce que sont les décisions des juridictions de l’ordre administratif selon l’article 3 de la loi du 9 juillet 1991) et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. C’est sous cette même réserve que le juge de l’exécution est également compétent pour connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution dommageable des mesures d’exécution forcée.
Or, la compétence juridictionnelle détermine aussi les règles applicables au fond.
Reconnaître compétence au juge judiciaire pour statuer sur la difficulté d’exécution invoquée en l’espèce reviendrait donc à rendre applicable au présent litige l’ensemble des règles civiles protectrices des personnes expulsées.
Cependant, il est constant que les locaux occupés par Monsieur B. lui ont été concédés par arrêté, ainsi qu’il a été rappelé plus haut, “par nécessité absolue de service”, ce dont il résulte un régime juridique spécial relevant du droit administratif, motif pour lequel le juge judiciaire s’est déjà déclaré incompétent pour connaître de la demande d’expulsion elle-même, et pour lequel la juridiction administrative s’est au contraire déclarée compétente.
Pour le même motif tiré des nécessités spécifiques du service public et du régime juridique particulier qui peut en résulter, c’est à la juridiction administrative elle-même qu’il appartient d’apprécier dans quelle mesure les principes du droit commun applicables aux expulsions prononcées par les juridictions judiciaires peuvent être transposés à l’expulsion de locaux concédés par nécessité absolue du service public selon que ces principes sont ou non compatibles avec cette dernière.
En effet, il ne résulte d’aucune disposition de la loi du 9 juillet 1991 ou de celle du 29 juillet 1998 que le législateur ait réservé au juge judiciaire la totalité du contentieux de l’expulsion de logements, quels
qu’ils soient, en vue de leur appliquer le droit civil exclusivement et intégralement.
En conséquence, les règles ordinaires de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction sont applicables, et il appartient donc au juge administratif seul de définir quelles sont les règles qui régissent l’expulsion de locaux concédés par nécessité absolue du service public, et de statuer consécutivement sur les difficultés soulevées par l’exécution d’une telle expulsion.
Le juge de l’exécution se déclarera donc incompétent.
Les dépens seront laissés à la charge du demandeur et les autres frais d’instance réservés à l’appréciation du juge compétent.
PAR CES MOTIFS
LE JUGE DE L’EXECUTION
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Se déclare incompétent et renvoie les parties à mieux se pourvoir.
Laisse les dépens à la charge du demandeur.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,