COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
N° 99BX02263
Mme R. A.
M. Chavrier
Président
Mme Jayat
Rapporteur
Mme Boulard
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 3 juin 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
(3ème chambre)
Vu la requête enregistrée le 23 septembre 1999 au greffe de la cour administrative d’appel de Bordeaux, présentée pour Mme R. A. ; Mme R. A. demande que la cour :
1) annule le jugement en date du 16 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Mamoudzou a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat et de la collectivité territoriale de Mayotte à lui verser les sommes de 1 020 000 F et 1 000 000 F en réparation des préjudices subis à la suite de la remise à un huissier de justice d’une indemnité d’expropriation qui lui était destinée, de la désignation fautive de cet huissier et de l’absence de surveillance exercée sur les agissements dudit huissier
2) et condamne l’Etat et la collectivité territoriale de Mayotte à lui verser la somme de 1 022 985,25 F représentant l’indemnité d’expropriation à laquelle elle pouvait prétendre, augmentée des intérêts à compter du 4 mars 1997 et des intérêts des intérêts capitalisés après échéance d’une année, ainsi que la somme de 150 000 F en application de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel au titre des frais exposés tant en première instance qu’en appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 ;
Vu la loi n° 79-1113 du 22 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 47-1047 du 12 juin 1947 ;
Vu l’arrêté du 8 février 1971 du Président du Conseil de Gouvernement des Comores rendant exécutoire l’acte n° 70-29/CHD du 31 décembre 1970 de la chambre des députés des Comores relatif aux huissiers et aux agents d’exécution ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mai 2003 :
le rapport de Mme Jayat, premier conseiller,
les observations de Me Lammens, avocat de Mme R. A. ;
et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le tribunal de première instance de Mamoudzou a prononcé, le 31 mai 1997, l’expropriation d’un bien appartenant à Mme R. A. au profit de la collectivité territoriale de Mayotte en vue de la réalisation d’un projet de port déclaré d’utilité publique par arrêté du préfet en date du 10 octobre 1988 ; que, par arrêt du 4 mars 1997, le tribunal supérieur d’appel de Mamoudzou a fixé à 1 020 000 F le montant de l’indemnité d’expropriation due à Mme R. A. ; que, le 22 septembre 1997, le préfet, représentant du Gouvernement à Mayotte, a fait procéder au versement de la somme représentant le montant de l’indemnité d’expropriation sur le compte d’un huissier de justice après présentation par celui-ci d’une copie de l’arrêt du 4 mars 1997 ; que cet huissier de justice a détourné la somme qui lui a été ainsi versée ; que Mme R. A. fait appel du jugement en date du 16 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Mamoudzou a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat et de la collectivité territoriale de Mayotte à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu’elle a subis à la suite de ce détournement ;
Considérant, d’une part, que Mme R. A. demande l’indemnisation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite du versement, par le préfet, représentant du Gouvernement à Mayotte, sur le compte d’un huissier de justice intérimaire s’étant faussement présenté comme mandaté par l’intéressée, de l’indemnité d’expropriation fixée par le tribunal supérieur d’appel de Mamoudzou ; que la faute ainsi alléguée par la requérante se rattache à l’exécution d’une décision judiciaire et au règlement d’une indemnité d’expropriation dont le contentieux ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, c’est à tort que le tribunal administratif de Mamoudzou s’est reconnu compétent pour examiner les conclusions de Mme R. A. ; que, dès lors, il y a lieu d’annuler sur ce point le jugement attaqué et, statuant par voie d’évocation, de rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de Mme R. A. tendant à la condamnation de la collectivité territoriale de Mayotte à lui verser une indemnité en réparation d’une faute commise dans le paiement, par l’autorité exécutive de la collectivité, de l’indemnité d’expropriation ;
Considérant, d’autre part, que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par Mme R. A. tendant à la réparation d’un préjudice né de la nomination et du défaut de surveillance de l’huissier de justice qui a encaissé l’indemnité d’expropriation versée par la collectivité ; que la requérante ne conteste pas l’irrecevabilité qui lui a été ainsi opposée ; qu’elle n’est ainsi pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Mamoudzou a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Considérant que les dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat et la collectivité territoriale de Mayotte, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à Mme R. A. la somme que celle-ci demande en application dudit article ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 16 juin 1999 du tribunal administratif de Mamoudzou est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions de Mme R. A. tendant à la réparation du préjudice né d’une faute du préfet représentant la collectivité territoriale de Mayotte dans le paiement d’une indemnité d’expropriation.
Article 2 : Les conclusions de Mme R. A. présentées devant le tribunal administratif tendant à la condamnation de la collectivité territoriale de Mayotte à lui verser une indemnité en réparation d’une faute commise dans le paiement, par l’autorité exécutive de la collectivité, d’une indemnité d’expropriation sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme R. A. est rejeté.