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Conseil d’Etat, 17 mai 2002, n° 232359, M. René Hoffer et autres

Dès lors que sa ratification est opérée par le législateur, une ordonnance acquiert valeur législative à compter de sa signature. Il suit de là qu’en cas de ratification, la légalité d’une ordonnance ne peut plus en principe être utilement contestée devant la juridiction administrative. Il ne pourrait en aller autrement que dans le cas où la loi de ratification s’avérerait incompatible avec une convention internationale, et notamment dans un domaine entrant dans le champ d’application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avec les stipulations de cet article, au motif qu’en raison des circonstances de son adoption, cette loi aurait eu essentiellement pour but de faire obstacle au droit de toute personne à un procès équitable.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N°s 232359,233434,233436

M. HOFFER et autres

M. Herondart, Rapporteur

Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement

Séance du 10 avril 2002

Lecture du 17 mai 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux

Vu 1°), sous le N° 232359, la requête, enregistrée le 9 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. René HOFFER, demeurant BP 13722 à Punaauia (98717), Polynésie Française ; M. HOFFER demande au Conseil d’Etat

1°) d’annuler pour excès de pouvoir les articles L. 111-1, L. 712-1 et L. 712-2 du code monétaire et financier annexé à l’ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000, promulgué en Polynésie française par arrêté du haut commissaire de la République en Polynésie française du 9 janvier 2001 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 20 000 F, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 233434, la requête, enregistrée le 8 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Ramon MARZA, demeurant, Punaaula B.P. 3349 à Papeete (98713) ; M. MARZA demande au Conseil d’Etat

1°) d’annuler pour excès de pouvoir les dispositions des articles L. 111-1, L. 512-1, L. 622-9, L. 712-1 à L. 712-4 du code monétaire et financier annexé à l’ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 3°), sous le N° 233436, la requête, enregistrée le 8 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Tauatomo MAIRAU, demeurant 75, avenue du chef Vairaatoa à Papeete (98713) ; M. MAIRAU demande au Conseil d’Etat

1°) d’annuler pour excès de pouvoir les dispositions des articles L. 111-1, L. 512-1, L. 622-9, L. 712-1 à L. 712-4 du code monétaire et financier annexé à l’ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 notamment ses articles 38, 55, 72, 74 et 88-2 ;

Vu la loi n° 57-880 du 2 août 1957 autorisant à ratifier notamment le traité instituant la Communauté économique européenne et ses annexes, ensemble le décret n° 58-84 du 28 janvier 1958 qui en porte publication, notamment l’article 227 3° de ce traité, devenu l’article 299 ;

Vu la loi n° 92-1017 du 24 septembre 1992 autorisant la ratification du traité sur l’Union européenne, ensemble le décret n° 94-80 du 18 janvier 1994 portant publication de ce traité ;

Vu la loi n° 99-229 du 23 mars 1999 autorisant la ratification du traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, ensemble le décret n° 99-438 du 28 mai 1999 portant publication ;

Vu la décision 91/482/CEE du Conseil en date du 25 juillet 1991 ;

Vu le règlement (CE) 974/98 du Conseil du 3 mai 1998 concernant l’introduction de l’euro ;

Vu la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 portant habilitation du gouvernement à procéder par ordonnances à l’adoption de la partie législative de certains codes, ensemble la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 du Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques ;

Vu la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ;

Vu l’ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier, ensemble le rectificatif publié au Journal officiel de la République française du 17 mars 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Herondart, Auditeur,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de MM. MAIRAU et MARIA tendent à l’annulation des dispositions des articles L. 111-1, L. 512-1, L. 622-9, L. 712-1 à L. 712-4 du code monétaire et financier annexé à l’ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 ; que la requête de M. HOFFER est dirigée contre les articles L. 111-1, L. 712-1 et L. 712-2 du même code ; qu’il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

Considérant que l’article L. 111-1 du code monétaire et financier dispose que la monnaie de la France est l’euro ; que l’article L. 512-1 du même code prévoit que les banques mutualistes ou coopératives sont soumises au régime des fusions, scissions et apport des sociétés anonymes prévues par le livre II du code du commerce ; que l’article L. 622-9 est relatif aux pouvoirs de décision, de contrôle et de sanction du conseil des marchés financiers ; que l’article L. 712-1 dispose que "les signes monétaires libellés en francs CFP ont cours légal et pouvoir libératoire en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna" ; que l’article L. 712-2 dispose qu’en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna, la France conserve le principe de l’émission monétaire selon les modalités établies par la législation nationale. Elle est seule habilitée à déterminer la parité du franc CFP" ; que l’article L. 712-3 prévoit que le service de l’émission monétaire en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna est assuré par l’Institut d’émission d’outre-mer ; que l’article L.712-4 prévoit que cet institut est un établissement public dont les statuts sont fixés par décret en Conseil d’Etat et que les opérations de cet institut comportent l’escompte de crédits à court et moyen terme et l’exécution des transferts entre la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, le territoire des îles Wallis-et-Futuna et la métropole ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

Considérant qu’aux termes de l’article 38 de la Constitution : "Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par une loi dans les matières qui sont du domaine législatif." ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions de la Constitution que, dès lors que sa ratification est opérée par le législateur, une ordonnance acquiert valeur législative à compter de sa signature ; qu’il suit de là qu’en cas de ratification, la légalité d’une ordonnance ne peut plus en principe être utilement contestée devant la juridiction administrative ; qu’il ne pourrait en aller autrement que dans le cas où la loi de ratification s’avérerait incompatible avec une convention internationale, et notamment dans un domaine entrant dans le champ d’application de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avec les stipulations de cet article, au motif qu’en raison des circonstances de son adoption, cette loi aurait eu essentiellement pour but de faire obstacle au droit de toute personne à un procès équitable ;

Considérant que la ratification de tout ou partie des dispositions d’une ordonnance intervenue à la suite d’une loi d’habilitation prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution peut résulter d’une loi qui, sans avoir cette ratification pour objet direct, l’implique nécessairement ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, le législateur n’a pas entendu par les lois du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ratifier l’ensemble des articles du code monétaire et financier annexé à l’ordonnance du 14 décembre 2000 ;

Considérant, toutefois, que la loi du 15 mai 2001 qui modifie, par son article 16, l’article L. 622-9 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 14 décembre 2000, a eu pour effet de ratifier les dispositions non modifiées de cet article ; que la loi du 15 novembre 2001 qui complète, par son article 71, l’article L. 712-5 du code monétaire et financier relatif aux missions de l’institut d’émission d’outre-mer a eu pour effet de ratifier les dispositions des articles L. 712-3 et L. 712-4 de ce même code qui prévoit l’existence, le régime et certaines attributions de cet institut ; que, dans les circonstances de l’espèce et compte-tenu des intentions du législateur, les lois du 15 mai 2001 et du 15 novembre 2001 n’ont pas contrevenu au droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, même si ces lois n’ont pas été rendues applicables en Polynésie française, la valeur législative qu’elles confèrent aux articles du code monétaire et financier n’est pas limitée à leur champ d’application territorial et s’impose en conséquence à tous ; que, par suite, les articles L. 622-9, L. 712-3 et L. 712-4 ne sont plus susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative ; qu’il en résulte que les conclusions de MM. MARZA et MAIRAU tendant à l’annulation de ces articles sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des articles L. 111-1 et L. 512-1 :

Considérant que les requérants n’invoquent aucune qualité particulière leur donnant intérêt à demander l’annulation des dispositions des articles L. 111-1 et L. 512-1 du code monétaire et financier ; que, par suite, leurs conclusions tendant à l’annulation de ces dispositions ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article L. 712-1 :

Considérant que le règlement (CE) n° 974/98 du 3 mai 1998 concernant l’introduction de l’euro, dont les dispositions sont reprises à l’article L. 111-1 du code monétaire et financier, n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, dès lors que ces derniers sont des pays et territoires d’outre-mer relevant du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie du traité instituant la Communauté européenne, conformément à l’article 299 de ce traité ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’euro devrait avoir cours légal sur le territoire de la Polynésie française ne peut qu’être écarté ; que, le moyen tiré de ce que l’article L. 712-1, qui prévoit que le franc CFP a cours légal et libératoire en Polynésie française, serait incompatible avec l’article L. 111-1, qui dispose que l’euro est la monnaie de la France ne peut qu’être écarté dès lors que ce dernier article n’est pas applicable en Polynésie française ; que les conclusions tendant à l’annulation de l’article L. 712-1 doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article L. 712-2 :

Considérant que le protocole n° 27 sur la France annexé au traité instituant la Communauté européenne stipule que "la France conservera le privilège d’émettre des monnaies dans ses territoires d’outre-mer selon les modalités établies par sa législation nationale, et elle sera seule habilitée à déterminer la parité du franc CFP" ; que le moyen tiré de ce que ce protocole, qui ne prévoit pas que la parité entre le franc CFP et l’euro serait irrévocable, serait contraire à d’autres dispositions du droit international n’est assorti d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé et ne peut qu’être écarté, sans qu’il soit nécessaire de saisir la cour dé justice des communautés européennes d’une question préjudicielle sur ce point ; qu’eu égard à la place de ces stipulations dans la hiérarchie des normes, l’article L. 712-2 du code monétaire et financier, qui se borne à les reproduire, n’a pas d’effet juridique et ne fait donc pas grief ; que les conclusions tendant à son annulation doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer aux requérants la somme que ces derniers demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de MM. MARIA et MAIRAU dirigées contre les dispositions des articles L. 622-9, L. 712-3 et L. 712-4 du code monétaire et financier.

Article 2 : La requête de M. HOFFER et le surplus des conclusions des requêtes de MM. MARIA et MAIRAU sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. René HOFFER, à M. Ramon MARIA, à M. Tauatomo MAIRAU, au Premier ministre, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de l’outre-mer.

 


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