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NOTES ET COMMENTAIRES :
Chronique de Francis DONNAT et Didier CASAS, Obligations de la juridiction administrative saisie d’une question préjudicielle renvoyée à elle par l’autorité judiciaire, AJDA 2003, p.2028

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Conseil d’Etat, Section, 17 octobre 2003, n° 244521, M. François B. et autres

En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n’appartient pas à la juridiction administrative lorsqu’elle est saisie d’une question préjudicielle en appréciation de validité d’un acte administratif, de trancher d’autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l’autorité judiciaire. Lorsque la juridiction de l’ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d’aucun autre, fût-il d’ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l’encontre de cet acte ; que ce n’est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l’ordre judiciaire n’a limité la portée de la question qu’elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu’il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l’instance judiciaire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 244521

M. B. et autres

Mme Touraine
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 3 octobre 2003
Lecture du 17 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu l’ordonnance du 14 mars 2002, enregistrée le 27 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Marseille a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par M. François B. et autres ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, présentée pour M. François B. ; Mme Périne C. ; Mme Danielle F. ; Mme Chantal D. ; M. Jean-Claude T. ; l’ASSOCIATION ADIV, dont le siège est 1, rue de la Farigoule la Brianne lot 16 à Venelles (13770), Mme Marie-Louise B. ; M. Jean-Michel M. ; M. B. et autres demandent à la cour administrative d’appel :

1°) d’annuler le jugement du 28 mars 2000 par lequel le tribunal administratif de Marseille, statuant sur la demande de la société d’aménagement urbain et rural (SAUR) en exécution de six jugements du 16 février 1996 du tribunal d’instance d’Aix-en-Provence, a déclaré non fondée l’exception d’illégalité du contrat d’affermage signé le 8 novembre 1983 entre la commune de Venelles et la SAUR et visé le 24 novembre 1983 et de ses avenants ;

2°) de déclarer que ce contrat et ses avenants sont illégaux ;

3°) d’ordonner aux frais avancés de la SAUR une expertise pour déterminer si ce qui est qualifié de surtaxe par le contrat d’affermage correspond à un service rendu et si le montant de cette surtaxe est proportionnel auxdits services rendus ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Touraine, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. B. et autres et intervenant pour la commune de Venelles, et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société d’aménagement urbain et rural,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n’appartient pas à la juridiction administrative lorsqu’elle est saisie d’une question préjudicielle en appréciation de validité d’un acte administratif, de trancher d’autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l’autorité judiciaire ; qu’il suit de là que, lorsque la juridiction de l’ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d’aucun autre, fût-il d’ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l’encontre de cet acte ; que ce n’est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l’ordre judiciaire n’a limité la portée de la question qu’elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu’il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l’instance judiciaire ;

Considérant que par jugements en date du 16 février 1996, le tribunal d’instance d’Aix-en-Provence, saisi d’un litige opposant M. B. et cinq autres usagers du service de distribution publique d’eau potable, de la commune de Venelles, à la société d’aménagement urbain et rural (SAUR), a sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle de la validité des modifications apportées au traité d’affermage relatif au service public de distribution d’eau potable passé entre la commune et la SAUR le 21 février 1974 par des avenants en date du 28 novembre 1983, 18 mars 1991, 18 novembre 1992 et 29 décembre 1994 ; qu’avant de surseoir à statuer, le juge du tribunal d’instance a relevé dans les motifs de ses jugements que les requérants soutenaient que le prix de l’eau ne correspondait pas seulement au service rendu et constituait dans cette mesure une imposition que la commune n’avait pas compétence pour instituer ; qu’en mentionnant ce moyen et lui seul, le tribunal a défini et limité l’étendue de la question qu’il entendait soumettre à la juridiction administrative ; que, dès lors, - et quels que soient par ailleurs les termes utilisés dans la suite des motifs et dans le dispositif des jugements - il n’appartient pas à la juridiction administrative de connaître d’autres questions que celle, définie ci-dessus, qui lui a été renvoyée ;

Considérant qu’il en résulte d’une part que M. B. et autres ne sont pas recevables à soumettre au Conseil d’Etat l’appréciation de la validité du traité d’affermage du réseau public d’assainissement et de ses avenants ; qu’ils ne sont d’autre part recevables à soumettre à l’examen du juge administratif ni le moyen tiré de ce que les avenants au traité d’affermage du service de distribution d’eau potable seraient illégaux au motif que les délibérations du conseil municipal autorisant le maire à les conclure n’avaient pas été transmises avant leur signature, au représentant de l’Etat, ni celui tiré de ce que le traité d’affermage aurait dû, à l’issue de la période de douze ans pour laquelle il a été conclu, faire l’objet d’un appel d’offres en 1995, en conformité avec les dispositions du code des marchés publics alors en vigueur, ni enfin celui tiré de ce que la facturation établie par la SAUR ne permettrait pas aux usagers de contrôler si le prix de l’eau correspond effectivement à un service rendu ;

Considérant qu’aux termes de l’article 31 du traité d’affermage : "Le fermier sera tenu de percevoir gratuitement pour le compte de la collectivité une surtaxe s’ajoutant au prix de l’eau ; le montant de cette surtaxe sera fixée par délibération de la collectivité qui le notifiera au fermier deux mois avant la date prévue pour la facturation" ; qu’aux termes de l’article 32 du même traité, modifié par les avenants des 28 mai 1991 et 22 décembre 1992 : "Le fermier est autorisé à vendre l’eau aux particuliers au tarif maximal de base suivant, auquel s’ajouteront, d’une part, la surtaxe définie à l’article 31 du contrat initial et, d’autre part, les divers droits et taxes additionnels au prix de l’eau" ;

Considérant que les tarifs qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers d’un service public à caractère industriel et commercial en vue de couvrir les dépenses d’investissement et de fonctionnement relatives à la fourniture de ce service, -y compris les dépenses correspondantes à son renouvellement et à sa modernisation, - doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, que l’avenant n° 2 au contrat d’affermage, en date du 18 novembre 1992, prévoit le versement d’une participation du fermier de 1,8 million de francs, affectée au remboursement d’annuités d’emprunts souscrits par la commune pour financer les travaux de modernisation et d’extension du réseau de distribution d’eau potable ; que la "surtaxe", dont le montant est fixé par le conseil municipal et qui est perçue par le fermier pour le compte de la collectivité sert à compléter le financement des dépenses d’investissement nécessaires à la commune pour assurer l’ensemble des opérations de renouvellement et d’extension du réseau ; qu’ainsi la redevance, qui inclut la "surtaxe", trouve sa contrepartie directe dans le service rendu aux usagers du service public de distribution d’eau potable de Venelles ; que, par suite, en dépit de la dénomination retenue sur ce point par le traité d’affermage, la "surtaxe" n’a que le caractère d’un complément de redevance et ne saurait être regardée comme ayant celui d’une imposition qui aurait été créée incompétemment par la commune ; qu’il en résulte que le moyen tiré de ce que la commune de Venelles aurait créé irrégulièrement une taxe n’est pas pertinent et que l’exception d’illégalité ainsi soulevée devant le tribunal d’instance d’Aix-en-Provence n’est pas fondée ;

Considérant, dès lors, que M. B. et autres ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société SAUR qui n’est pas, dans la présente espèce, la partie perdante, soit condamnée à verser à M. B. et autres la somme de 3 000 euros qu’ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner M. B. et autres à verser à la société SAUR la somme de 3 000 euros en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :


Article 1er : La requête en appel de M. B., Mme C., Mme F., Mme D., M. T., l’association ADIV, Mme B. et M. M. est rejetée.

Article 2 : M. B., Mme B., Mme C., Mme F., Mme D., M. T., l’association ADIV et M. M. verseront solidairement la société SAUR la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. François B., à Mme Marie-Louise B., à Mme Périne C., à Mme Danielle F., à Mme Chantal D., à M. Jean-Claude T., à M. Jean-Michel M., à l’association ADIV, à la commune de Venelles, à la société d’aménagement urbain et rural (SAUR) et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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