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Tribunal administratif de Nice, 14 février 2004, n° 0400650, M. Jean-Marie Le Pen c/ Directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes

Si M. Le Pen dispose d’un local sis 5 rue Trachel à Nice, loué en vertu d’un bail professionnel, il n’établit pas, en l’état de l’instruction, ni même ne soutient, que l’aménagement de ce local permettait au 1er janvier 2004 de l’affecter à l’habitation, pour justifier, en application de l’article 3798 du code général des impôts, son inscription au rôle de la taxe d’habitation.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NICE

N° 0400650
_________

M. Jean-Marie Le Pen
c/ Directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes
___________

M. FOUCHET
Président-délégué
___________

Audience du 13 février 2004
Lecture du 14 février 2004
___________

RREPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le président de la Vème chambre,

Juge des référés délégué auprès du Tribunal Administratif de Nice

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice, le 12 février 2004 à 17h 06, sous le n° 0400650, présentée pour M. Jean-Marie Le Pen ;

Le requérant demande au juge des référés, d’une part, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision, en date du 10 février 2004, par laquelle le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer l’attestation d’inscription au rôle des contributions directes de la commune de Nice au 1er janvier 2004, d’autre part, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du même code, d’enjoindre le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes de lui délivrer l’attestation sollicitée, dans un délai de 24 heures à compter de la réception de l’ordonnance par télécopie, sous peine d’une astreinte de 15000 euros par jour de retard, enfin sur le fondement de l’article L. 761-1 dudit code, de condamner l’Etat à lui verser une somme de 3 000 euros ;

Il fait valoir qu’il est titulaire, en son nom propre, d’un bail à Nice, 5 rue Trachel, pour lequel la taxe d’habitation est improprement établie au nom du "Front National" ; qu’il a saisi le directeur des services fiscaux le 6 février 2004, afin de se faire délivrer l’attestation selon laquelle il aurait dû être inscrit au rôle d’une des contributions directes au 1er janvier 2004 ; que, par décision du 10 février 2004, reçue le lendemain, sa demande a été rejetée ;

Il soutient que les conditions d’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies ; qu’en premier lieu, il a été porté atteinte à la liberté fondamentale de pouvoir se présenter à une élection politique, à celles de connaître sa propre situation au regard de l’impôt et du code électoral ; qu’en second lieu, cette atteinte est grave et manifestement illégale du fait de sa candidature à l’élection régionale à intervenir et eu égard à l’illégalité de la décision qui ne respecte pas les dispositions de l’article 1408 du code général des impôts, dès lors que le bail est établi en son nom personnel et qu’il acquitte les charges afférentes à l’occupation des locaux ; qu’au regard de la jurisprudence, un local à usage de bureau doit être regardé, au sens de l’article 1407 du code général des impôts, comme un local meublé affecté à l’usage d’habitation et qu’il en a une jouissance pleine et entière ; qu’enfin, l’urgence est établie au regard du très bref délai dont il dispose pour déclarer sa candidature ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 13 février 2004, présenté par le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes, qui conclut à l’irrecevabilité des conclusions aux fins d’injonction, à la légalité de la décision attaquée et s’en remet à la sagesse du Tribunal pour les autres moyens de la requête ;

Il soutient que les locaux qui font l’objet du bail professionnel dont est titulaire M. Le Pen, ne sont pas à usage d’habitation ; qu’il est précisé, dans ce bail : "le bien loué est destiné à l’exercice par le preneur de sa profession de président du Front National", "… sans pouvoir en changer la destination…" ; qu’ainsi, les dispositions des articles 1407 et 1408 du code général des impôts ont été respectées par l’administration ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe le 13 février 2004, présenté pour M. Le Pen qui répond aux mesures d’instruction en indiquant qu’il n’a pas de domiciliation fiscale dans un autre département de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et qu’il n’est pas inscrit sur une liste électorale d’une des communes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2004, présenté par le préfet Provence-Alpes-Côte d’Azur qui informe le Tribunal que M. Le Pen est inscrit à ce jour sur la liste électorale de la commune de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) ;

Lors de l’audience publique du 13 février 2004 à 16 heures 30, les parties dûment convoquées, le président-délégué après avoir prononcé son rapport, a entendu les observations :

- de Me Wagner et Me Zironi, pour M. Jean-Marie Le Pen ; ils explicitent les moyens contenus dans leur requête et mémoire et font valoir, en outre, que la déclaration de candidature de M. Le Pen aux élections régionales de 1998 avait été enregistrée alors qu’elle mentionnait pour domicile 5 rue Trachel à Nice ; ils produisent une pièce supplémentaire ;

- de M. Vincent directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes et de M. Ferrali, directeur départemental des services fiscaux ; ils exposent sur le plan technique, pour le premier, et l’aspect jurisprudentiel, pour le second, les moyens qui justifient la position de l’administration ;

Le président délégué informe les parties que l’instruction reste ouverte jusqu’au 14 février 2004 à 10h ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 février 2004 à 19h 35, présenté par le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu, enregistrée le 14 février 2004, les pièces produites par le préfet des Alpes-Maritimes en réponse à une mesure d’instruction adressée au préfet de Provence-Alpes Côtes d’Azur ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2004 à 9h 55, présenté pour M. Le Pen qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et qui soutient, en outre, que le bail professionnel empêche le changement de destination des locaux sis 5 rue Trachel, mais que la jurisprudence retient la notion d’affectation qui, elle, résulte d’une situation de fait ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les demandes de pièces pour compléter l’instruction adressées, le 13 février 2004 par le greffier en chef au requérant, au directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes et au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

Vu les pièces constatant la notification aux parties des requête et des mémoires ;

Vu la décision du 29 décembre 2003 du président du tribunal administratif portant désignation des magistrats délégués pour statuer en matière d’urgence ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures" ;

Sur la condition d’urgence :

Considérant qu’en distinguant au titre II du livre V du code de justice administrative différentes hypothèses d’intervention du juge des référés statuant en urgence, le législateur a entendu répondre à des situations distinctes ; que les conditions auxquelles est subordonnée la mise en œuvre de ces procédures ne sont pas les mêmes, non plus que les pouvoirs dont dispose le juge des référés ; que, s’agissant plus particulièrement de la condition relative à l’urgence, celle-ci doit, au regard de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, être appréciée en fonction de la référence faite par le législateur, à la nécessité qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale soit prise - sous réserve que les autres conditions posées par le même article soient également remplies - dans les 48 heures ; que, toutefois, l’urgence, appréciée selon les circonstances de l’espèce, justifie que soient prononcées toutes mesures nécessaires, au sens des dispositions précitées, lorsque l’atteinte à une liberté fondamentale est d’une telle gravité que l’intérêt public impose la sauvegarde de cette liberté, sans délai ;

Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. Le Pen dispose d’un local à usage de bureaux, sis 5 rue Trachel à Nice, en vertu d’un bail professionnel signé le 31 juillet 1997, précisant que ce local est destiné à l’exercice "de sa profession de président du Front National" ; que, depuis la signature du bail, l’administration fiscale a assujetti le parti politique "Front National" à la taxe d’habitation pour ces locaux, en estimant qu’il en avait la jouissance effective ; que, depuis l’origine de la location des locaux, ni M. Le Pen ni le parti politique "Front National" n’ont contesté ce choix de la personne imposable ; que M. Le Pen a demandé le 6 février 2004, au directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes, la délivrance d’une attestation indiquant qu’il aurait dû être inscrit au rôle d’une contribution directe au 1er janvier 2004 du fait de son bail ; que, cette demande ayant été rejetée le 10 février 2004, le requérant soutient que la situation d’urgence est établie dès lors qu’il ne dispose que d’un très bref délai pour déclarer sa candidature aux élections régionales ;

Considérant, d’une part, que le requérant ne s’est jamais préoccupé de faire établir à son nom la taxe d’habitation relative au local sis 5 rue Trachel à Nice, jusqu’au 6 février 2004, soit dix jours seulement avant la date de dépôt des candidatures aux élections régionales ; que, d’autre part, il résulte de l’instruction que, lors des dernières élections régionales du 15 mars 1998, sa candidature avait été enregistrée alors qu’il avait déclaré être domicilié 5 rue Trachel à Nice ; qu’enfin, si le requérant invoque des articles de presse faisant état de son éventuelle inéligibilité du fait de l’absence de domiciliation fiscale dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les dispositions de l’article L. 351 du code électoral lui permettent de contester le refus éventuel d’enregistrement de sa déclaration de candidature, par le préfet de région, devant le Tribunal administratif compétent qui devra statuer dans les trois jours ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’atteinte aux libertés fondamentales dont se prévaut M. Le Pen n’est pas telle, à la supposer établie, que des mesures soient prises dans le délai de 48 heures pour sauvegarder ces libertés ; qu’ainsi, le requérant n’établit pas l’existence d’une situation d’urgence, au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Sur l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

Considérant qu’aux termes de l’article 1407 du code général des impôts : "I. la taxe d’habitation est due : 1° pour tous les locaux meublés affectés à l’habitation ; 2° pour les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la taxe professionnelle…" ; qu’aux termes de l’article 1408 du même code : "I. la taxe est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition du local ou la jouissance des locaux imposables" ;

Considérant que si M. Le Pen dispose d’un local sis 5 rue Trachel à Nice, loué en vertu d’un bail professionnel, il n’établit pas, en l’état de l’instruction, ni même ne soutient, que l’aménagement de ce local permettait au 1er janvier 2004 de l’affecter à l’habitation, pour justifier, en application de l’article 3798 du code général des impôts, son inscription au rôle de la taxe d’habitation ; que, par suite, il n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, prise le 10 février 2004 par le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes, est manifestement illégale ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de suspension de la décision contestée doivent être rejetées ;

Considérant, que par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce que le directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes lui délivre, dans le délai de 24 heures, l’attestation demandée, ne peuvent qu’être rejetées ; qu’en tout état de cause, ces conclusions aux fins d’injonction sont irrecevables, le juge des référés ne pouvant statuer, en application de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, que par des mesures provisoires ;

Considérant que les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par le requérant, partie perdante, ne peuvent qu’être rejetées.

O R D O N N E

Article 1er : La requête n° 0400650 présentée par M. Jean-Marie Le Pen est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Marie Le Pen et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Copie sera adressée au directeur des services fiscaux des Alpes-Maritimes, au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

 


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