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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 18 décembre 2003, n° 99BX01695, Jean-François LE L.

L’administration peut imposer à un praticien de récupérer les gardes effectuées alors même que celui-ci n’a pas donné son accord.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 99BX01695

M. Jean-François LE L.

M. Choisselet
Président

Mme Le Gars
Rapporteur

M. Bec
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 18 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

(1ère chambre)

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 1999 au greffe de la Cour, présentée pour M. Jean-François LE L. par Me Gout-Dias ;

M. Jean-François LE L. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 3 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur du centre hospitalier de Tulle du 29 mai 1996 et à ce que le défendeur soit condamné à rémunérer les gardes effectuées ;

2°) d’annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Tulle du 29 mai 1996 ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Tulle à lui verser la somme de 252.424 F, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 1er avril 1996 ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Tulle à lui verser la somme de 15.000 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de santé publique ;

Vu l’arrêté du 17 février 1973 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 novembre 2003 :
- le rapport de Mme Le Gars, conseiller,
- et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du directeur du centre hospitalier de Tulle :

Considérant que par la décision attaquée, le directeur du centre hospitalier a refusé de revenir sur sa décision imposant au Docteur LE L. la récupération des gardes effectuées, au lieu de les indemniser ;

Considérant qu’aux termes de l’article 28 du décret du 24 février 1984 : " Les praticiens hospitaliers perçoivent après service fait : (...) 2. des indemnités correspondant aux gardes et astreintes assurées en plus du service normal et qui n’ont pas donné lieu à récupération, dans les conditions fixées par arrêté des ministres chargés de l’intérieur, du budget, de la sécurité sociale et de la santé. " ; qu’aux termes de l’ article 12 de l’arrêté du 17 février 1973 modifié : " Compte tenu de la participation au service de garde déterminée par les tableaux mensuels nominatifs, le directeur de l’établissement ou, selon le cas, le directeur de l’établissement annexe, dresse, pour chaque mois, le tableau général de service. " ; qu’il résulte de ces dispositions que l’administration peut imposer à un praticien de récupérer les gardes effectuées alors même que celui-ci n’a pas donné son accord ;

Considérant en premier lieu qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au directeur du centre hospitalier la consultation de la commission médicale d’établissement ou de la commission spécifique des gardes et astreintes avant de décider du mode de compensation des gardes effectuées par les praticiens hospitaliers ;

Considérant en second lieu que M. LE L. n’établit pas se trouver dans la même situation que ses collègues, notamment que le Docteur Jardel, chef de service, au regard de l’intensité de son activité liée aux obligations de service de jour ; que la circonstance alléguée qu’il participe comme les autres aux tours de garde est sans influence sur les obligations de service précitées ; que le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité doit donc être écarté ; que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ; que, M. LE L. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions dirigées contre cette décision ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier au paiement des gardes effectuées :

Considérant que M. LE L. soutient qu’il n’a pas pu récupérer les gardes effectuées depuis le 1er avril 1996 ; que si le directeur du centre hospitalier a, par lettres en date du 9 avril 1996 et du 29 mai 1996 invité le Docteur LE L. à prévoir la récupération de ses gardes dans son emploi du temps, et à établir son tableau de service en conséquence, M. LE L. n’a donné aucune suite à ces demandes et n’a formulé aucune proposition ; qu’en application des dispositions sus mentionnées, il appartenait alors au directeur d’établissement d’établir le tableau général de service en tenant compte des gardes effectuées par le Docteur LE L. ; que l’administration n’établit pas l’impossibilité d’élaborer un tableau général de service tenant compte des journées de récupération du Docteur LE L. ; que la participation aux gardes par le Docteur LE L. et le montant réclamé au titre de ces gardes ne sont pas contestés ; que, par suite, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Tulle à verser à M. LE L. la somme qu’il demande au titre des gardes effectuées non récupérées, soit 48.596,86 euros ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Jean-François LE L. est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. LE L., qui n’est pas la partie perdante, soit condamné à verser au centre hospitalier de Tulle une somme au titre des frais irrépétibles ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Tulle à verser à M. LE L. une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ;

D E C I D E :

Article 1er : Le centre hospitalier de Tulle versera à M. LE L. une somme de 48.596,86 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le centre hospitalier de Tulle versera à M. LE L. une somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles ; les conclusions du centre hospitalier de Tulle tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 


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