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Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, n° 243557, M. Patrick D.

S’il résulte de l’article R. 411-1 du code de justice administrative que les requêtes présentées au juge administratif doivent contenir les conclusions du requérant, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui est tenue, dans les cas prévus par les dispositions précitées de l’article L. 52-15 du code électoral de saisir le juge de l’élection de la situation du candidat, n’a pas à présenter de conclusions relatives aux conséquences susceptibles d’en être tirées, lesquelles résultent uniquement des dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 243557

M. D.

Mme Dumortier, Rapporteur

M. Schwartz, Commissaire du gouvernement

Séance du 26 juin 2002

Lecture du 29 juillet 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 6ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête enregistrée le 26 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Patrick D. ; M. D. demande au Conseil d’Etat :

1°) de réformer le jugement du 31 janvier 2002 par lequel le tribunal administratif de Melun, saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de Choisy-le-Roi et l’a déclaré inéligible pour un an aux fonctions de conseiller municipal ;

2°) à titre principal, de rejeter comme non recevable la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) à titre subsidiaire, d’infirmer la décision de la commission et de valider son compte de campagne ;

4°) à titre plus subsidiaire, de valider son compte de campagne après en avoir exclu la somme de 9 568 F au titre des honoraires d’expert comptable ;

5°) très subsidiairement, en cas de rejet du compte de campagne, le faire bénéficier des dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dumortier, Auditeur,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur le grief tiré de l’irrecevabilité de la saisine de la commission nationale des comptes de camp ne et des financements politiques :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-15 du code électoral : "La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l’élection" ; qu’aux termes de l’article L. 118-3 du même code : "Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-14, le juge de l’élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l’élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, le déclare démissionnaire d’office" ; qu’aux termes enfin de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : "La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient (...) l’énoncé des conclusions soumises au juge (...)" ;

Considérant que, s’il résulte de l’article R. 411-1 du code de justice administrative que les requêtes présentées au juge administratif doivent contenir les conclusions du requérant, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui est tenue, dans les cas prévus par les dispositions précitées de l’article L. 52-15 du code électoral de saisir le juge de l’élection de la situation du candidat, n’a pas à présenter de conclusions relatives aux conséquences susceptibles d’en être tirées, lesquelles résultent uniquement des dispositions précitées de l’article L. 118-3 du code ; que, par suite, M. D. n’est pas fondé à soutenir que la saisine du juge par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui ne saurait être regardée comme une requête au sens du code de justice administrative, aurait été irrégulière ;

Sur le grief tiré du caractère non contradictoire de la procédure devant la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques :

Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que M. D. n’aurait pas reçu la lettre du 12 octobre 2001 visée par la décision de la commission rejetant son compte, ou toute autre lettre qui l’aurait informé de l’éventualité du rejet de ses comptes du fait du paiement direct par lui de certaines dépenses n’est pas de nature entacher d’irrégularité la procédure suivie devant la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que M. D., qui avait été contacté à cet effet par téléphone, a pu présenter par écrit ses observations sur le règlement de dépenses en cause, conformément aux exigences résultant de l’article L. 52-15 précité du code électoral ;

Sur le compte de campagne de M. D. ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l’accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien ainsi que par les partis ou groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit" ;

Considérant que les frais d’expertise comptable relatifs à l’établissement du compte de campagne ne constituent pas des dépenses engagées en vue de l’élection au sens des dispositions précitées de l’article L. 52-12 du code électoral ; qu’il y a lieu, dès lors, de retrancher des dépenses réglées directement par le candidat la somme de 9 568 F, imputée sur le compte 6226 "Honoraires et conseils en communication, non compris les honoraires et frais d’avocat, d’avoué, d’huissier ainsi que les frais de justice", dont il ressort des annexes au compte qu’elle correspond en réalité aux honoraires versés à l’expert comptable pour l’établissement du compte de campagne, et de ramener à 62 257 F le montant des dépenses réglées directement par M. D. sans passer par l’intermédiaire de son mandataire ;

Sur le règlement direct de certaines défenses de campagne par M. D. ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-4 du code électoral : "Pendant l’année précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où l’élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds de financement de sa campagne que par l’intermédiaire d’un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique (...). / Lorsque le candidat a décidé de recourir à une association de financement électorale ou à un mandataire financier, il ne peut régler les dépenses occasionnées par sa campagne électorale que par leur intermédiaire, à l’exception du montant du cautionnement éventuel et des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique (...)" ; qu’en raison de la finalité de ces dispositions, l’obligation de recourir à un mandataire constitue une formalité substantielle, à laquelle il ne peut être dérogé, même pour un montant modéré ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté, que, postérieurement à la déclaration faite par lui, dans les conditions prévues par l’article L. 52-6 du code électoral, du nom du mandataire financier qu’il avait choisi, M. D. a réglé lui-même directement certaines dépenses (frais de carburant et de restauration, frais de portage, frais téléphoniques), pour un montant correspondant à 33 % du total de ses dépenses électorales, et non, ainsi que l’exige l’article L. 52-4 précité, par l’intermédiaire du mandataire qu’il avait déclaré ; qu’il n’est pas établi que la nature des dépenses en cause aurait exigé qu’elles fussent réglées directement ; que, dès lors, c’est à bon droit que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. D. ;

Considérant qu’eu égard au caractère substantiel, déjà relevé ci-dessus, de la formalité qu’il a méconnue, à l’absence d’ambiguïté des dispositions législatives qui la prévoient et au montant des sommes en cause, M. D. ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. D. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun, saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l’a déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions de conseiller municipal de Choisy-le-Roi, l’a déclaré inéligible pour un an aux fonctions de conseiller municipal et a proclamé élu M. Stéphane Picco, inscrit immédiatement après le dernier élu sur la liste où figurait M. D. ;

Considérant, en revanche, que l’inégibilité d’une durée d’un an que peut prononcer le juge de l’élection doit prendre effet à la date à laquelle sa décision constatant cette inéligibilité devient définitive ; qu’en raison de l’appel formé par M. D. contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 31 janvier 2002, cette date doit, en l’espèce, être fixée au jour de la présente décision ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.

Article 2 : M. D. est déclaré inéligible en qualité de conseiller municipal pendant un an à compter de la date de la présente décision. Le jugement du 31 janvier 2002 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick D., à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. Stéphane Picco et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 


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