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Sommaire de jurisprudence en droit électoral - Juillet 2002

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de l’auteur et ne sauraient engager la responsabilité de son employeur.

Dans le cadre de son contrôle des élections municipales et cantonales qui se sont déroulées en mars 2001, le Conseil d’Etat vient de rendre plusieurs arrêts apportant des précisions supplémentaires aux dispositions applicables aux candidats à un mandat électif. Revue rapide des décisions rendues en ce début du mois de juillet 2002.

Listes électorales – Radiation – Compétence du juge administratif (non) – Prise en compte dans l’appréciation de la sincérité du scrutin (oui) – Annulation (non)

Le Conseil d’Etat rappelle sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle il n’est pas compétent pour statuer sur la validité des radiations individuelles des listes électorales lorsque ces radiations ont été effectuées, en application des dispositions des articles L. 17 et suivant du Code électoral, par la commission administrative. Néanmoins, le juge des élections a la possibilité de prendre en compte les manœuvres qui auraient pu avoir lieu à l’occasion des radiations ainsi opérées et vérifier que ces dernières ne sont pas susceptibles d’avoir altérer la sincérité du scrutin. En l’espèce, le fait que la commission administrative ait procédé à la radiation de 9000 personnes ne constitue pas en lui-même une manœuvre. En outre, même si certaines radiations ont été effectuées à tort, privant ainsi plusieurs électeurs de l’exercice de leur droit de vote, ces radiations injustifiées n’ont pas pu avoir, à elles seules, une influence sur le scrutin.

Conseil d’Etat, 10 juillet 2002, n° 240197, Elections municipales de Paris (14ème secteur)

Listes électorales – Radiation – Compétence du juge administratif (non) – Prise en compte dans l’appréciation de la sincérité du scrutin (oui) – Annulation (oui)

La présence sur une liste d’un candidat qui s’est rendu éligible dans la commune à l’aide d’une domiciliation fictive constitutive d’une manœuvre, candidat dont la notoriété est liée à l’exercice de fonctions actives dans la vie associative et le mouvement syndicat étudiant est de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin. Ce fait conjugué à la diffusion tardive d’un tract contenant des insinuations et de graves accusations est de nature à faire annuler l’élection.

Conseil d’Etat, 10 juillet 2002, n° 239871, Elections municipales d’Eragny-sur-Oise

Listes électorales et Listes d’émargement – Communication – Obligation de communication (oui) – Refus (sanction)

L’article L. 68 du Code électoral offre à tout électeur la possibilité de se voir communiquer les listes d’émargement dans les dix jours qui suivent l’élection. L’article R. 71 offre, en outre, une priorité aux délégués des candidats en matière de communication de ces listes. L’impossibilité d’en obtenir une copie constitue donc une irrégularité susceptible d’entraîner l’annulation de l’élection dès lors qu’il apparaît que le candidat, également maire sortant, a utilisé cette liste d’émargement pour intervenir auprès des électeurs qui s’étaient abstenus lors du premier tour et que seules 11 voix séparait les deux listes au second tour.

Conseil d’Etat, 12 juillet 2002, n° 235912, Elections municipales de Châtillon-sur-Cluses

Candidature – Constitution entachée d’irrégularité – Suffrages obtenus – Annulation (oui)

Les élections municipales de mars 2001 ont fait l’objet de nombreuses polémiques concernant la constitution des listes électorales. En effet, certains électeurs ont eu la désagréable surprise de figurer sur des listes de candidats alors qu’ils n’avaient jamais donné leur accord. En l’espèce, un candidat tête de liste avait fait signer à des électeurs des déclarations de candidature en se bornant à indiquer qu’il sollicitait simplement leur soutien et sans faire état, d’une part de son appartenance au Front national, ni du fait qu’il leur demandait en réalité d’être candidats sur sa liste aux élections municipales. Se fondant sur l’ensemble de ces manœuvres, le juge estime que la liste est irrégulièrement composée. Cette irrégularité entache, en conséquence, la validité des suffrages obtenus par la liste. Le juge annule donc l’élection des conseillers municipaux élus figurant sur la liste.

Conseil d’Etat, 10 juillet 2002, n° 240104, Elections municipales de Saint-Ouen l’Aumône (Val d’Oise)

Propagande électorale – Affichage électoral – Affichage sauvage – Sanction (non)

Le troisième alinéa de l’article L. 51 du Code électoral interdit, pendant les trois mois précédant le premier tour du mois d’une élection, tout affichage en dehors des emplacements spéciaux réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. Néanmoins et, de manière générale, le juge de l’élection refuse de sanctionner les violations dès lors que des abus analogues ont été commis par les listes adverses. Confirmant cette position, le Conseil d’Etat refuse de sanctionner la pratique qui consiste à apposer en grand nombre d’affiches en dehors des emplacements dès lors que les autres listes ont usé des mêmes pratiques.

Conseil d’Etat, 8 juillet 2002, n° 239993, Elections municipales d’Asnières-sur-Seine

Clôture du vote - Annonce des résultats - Diffusion des estimations à 20h00 - Cas des territoires d’outre-mer - Irrégularité (non)

La possibilité pour les électeurs d’outre-mer d’avoir accès aux résultats des élections avant la fermeture des bureaux de vote est-elle susceptible d’entraîner l’annulation des élections ? A cette question, le juge des élections répond par la négative en estimant que la diffusion des estimations réalisées à 20 heures en métropole ne procédant pas de manœuvres frauduleuses, ne portait pas atteinte à la sincérité du scrutin, "si regrettables qu’en soient les inconvénients". Rappelons en l’espèce que l’article L. 52-2 du Code électoral prévoit qu’en "cas d’élections générales, aucun résultat d’élection, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. Il en est de même dans les départements d’outre-mer avant la fermeture du dernier bureau de vote dans chacun des départements concernés".

Conseil constitutionnel, 25 juillet 2002, n° 2002-2769, AN Guadeloupe (2ème circ.)

Financement des campagnes électorales – Don par une personne morale de droit public – Réalisation de cartes de vœux par la commune et remboursées par le candidat – Don (non)

L’article L. 52-8 du Code électoral interdit aux collectivités publiques de participer au financement de la campagne d’un candidat soit directement, soit par l’intermédiaire d’avantages en nature. Ce principe connaît une exception dès lors que les collectivités offrent à l’ensemble des candidats la même prestation (salle communale par exemple). En l’espèce, les requérants critiquaient la réalisation et la distribution de cartes de vœux communales lors de la nouvelle année comportant la mention « chef de file des communistes aux élections municipales ». Le Conseil d’Etat refuse de condamner cette pratique dès lors qu’il apparaît que le candidat a remboursé la commune pour la réalisation de ces cartes et que cette dépense figure dans son compte de campagne. De même, l’utilisation par un candidat de lignes téléphoniques et de télécopie correspondant à des abonnements souscrits par la commune n’est pas sanctionnable dès lors qu’il apparaît que la collectivité publique a fait interrompre très rapidement lesdits abonnements.

Conseil d’Etat, 8 juillet 2002, n° 240021, Elections municipales de Clichy

Financement des campagnes électorales – Article 118-3 du Code électoral – Absence de dépôt du compte - Etat de santé – Modestie des dépenses – Bonne foi du candidat (non)

L’article L. 52-12 du Code électoral impose à certains candidats de déposer dans les deux mois auprès de la préfecture son compte de campagne, qui sera ensuite transmis à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. En cas d’irrégularités, le candidat s’expose aux termes de l’article L. 197 du Code électoral à une sanction d’une année d’inéligibilité. L’article L. 118-3 offre néanmoins au juge des élections le pouvoir de ne pas prononcer cette sanction dès lors que la bonne foi du candidat est établie. Seulement, cet article ne vise que les cas de dépassements et non l’absence de dépôt du compte qui constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé et ceci quelle que soit l’importance des dépenses. En conséquence, le juge des élections refuse de faire bénéficier le candidat de la mesure de clémence. En outre, le Conseil d’Etat précise que l’état de santé du requérant et la modestie des dépenses engagées ne permettent pas au candidat de bénéficier de ladite exonération.

Conseil d’Etat, 10 juillet 2002, n° 241425, Elections cantonales de Fismes

Financement des campagnes électorales – Dépôt du compte accompagné de justificatifs ne permettant pas de déterminer avec précision l’objet des dépenses – Rejet du compte (oui)

L’article L. 52-12 qui impose une obligation de dépôt du compte de campagne précise en outre que ce dernier doit être accompagné de l’ensemble des documents et justificatifs qui permet d’en apprécier la légalité. Ainsi, dès lors que les factures et les documents joints ne permettent pas d’établir que les dépenses alléguées l’ont bien été en vue de l’élection, le compte doit être regardé comme n’étant pas accompagné des pièces justificatives nécessaires.

Conseil d’Etat, 8 juillet 2002, n° 242343, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques c/ M. Jean-Pierre Bodiger

Contentieux électoral – Annulation de l’élection de deux conseillers municipaux – Conséquence – Obligation de pourvoir les deux sièges (oui)

L’article L. 258 du Code électoral qui n’impose de procéder à des élections complémentaires que lorsque le conseil municipal est réduit aux deux tiers de ses membres, ne vise pas le cas d’une vacance à la suite de l’annulation même partielle des élections. Dans ce cas, seul l’article L. 251 du Code électoral est applicable. Cette disposition prévoit que le remplacement du ou des conseillers dont l’élection a été annulée doit avoir lieu dans les deux mois à moins que le renouvellement général des conseils municipaux n’interviennent dans les trois mois qui suivent la vacance. En conséquence, à la suite de l’annulation de l’élection de deux conseillers municipaux, il doit être procédé nécessairement à des élections complémentaires en vue de pourvoir les dieux sièges devenus vacants. Le juge administratif enjoint donc au ministre de l’intérieur de procéder à la convocation des électeurs.

Conseil d’Etat, 12 juillet 2002, n° 236118, Elections municipales de Saint-Paul-Lizonnes

Contentieux électoral - Elections législatives et sénatoriales - Dépôt des requêtes - Sous-préfecture (non)

Aux termes de l’article 34 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, le Conseil constitutionnel, juge compétent pour statuer sur le contentieux des élections législatives, "ne peut être saisi que par une requête écrite adressée au secrétariat général du Conseil, au préfet ou au chef du territoire". En conséquence, une requête déposée dans une sous-préfecture n’est pas recevable. Cette décision confirme la lecture stricte de cette disposition organique. Le juge électoral avait également déclaré irrecevable une requête adressée au Tribunal administratif (décision 97-2158 du 10 juillet 1997, AN Seine-Saint-Denis), au Président de la commission de contrôle des élections (décision n° 86-991 du 1er avril 1986, AN Moselle) ou au Président de la commission de recensement des votes (décision n° 78-887 du 27 avril 1978, AN Mayotte).

Conseil constitutionnel, 25 juillet 2002, n° 2002-2766, AN Vienne (3ème circ.)

Contentieux électoral - Elections législatives et sénatoriales - Recevabilité des requêtes - Irrecevabilité manifeste - moyens manifestement infondés (oui)

Le Conseil constitutionnel, dans plusieurs décisions rendues le 25 juillet 2002, vient d’étendre le champ d’application de l’article 38 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 lui permettant de rejeter sans instruction des requêtes manifestement infondées. Traditionnellement le juge rejette, sur ce fondement, les requêtes se fondant sur des moyens insusceptibles de remettre en cause le résultat de l’élection (demande de prise en compte séparément des bulletins blancs, utilisation par un candidat d’un fichier des adhérents de son parti politique, partisan d’un candidat victime d’une tentative de corruption infructueuse …). Par ces décisions, le Conseil constitutionnel franchit un pas supplémentaire et rejette sans examen les requêtes manifestement infondés en raison notamment de l’écart de voix séparant les candidats. Ainsi, le juge a écarté le recours déposé par un candidat ayant eu 173 voix au premier tour et qui se plaignait de la lacération de ses affiches, un recours présenté par un candidat ayant recueilli 161 voix au premier tour et qui contestait son impossibilité d’avoir eu accès aux antennes radiophoniques ou la requête déposée par une candidat ayant recueilli 221 voix et dénonçant des dysfonctionnements administratifs.

Conseil constitutionnel, 25 juillet 2002, n° 2002-2730, AN Seine-Maritime (4ème circ.)
Conseil constitutionnel, 25 juillet 2002, n° 2002-2683, AN Puy de Dôme (3ème circ.)
Conseil constitutionnel, 25 juillet 2002, n° 2002-2627, AN Drôme (1ère circ.)

© - Tous droits réservés - Benoît TABAKA - 27 juillet 2002

 


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