Dans deux décisions, la première du 21 janvier 2002 (Elections municipales de Millas), la seconde
du 30 janvier 2002 (Elections municipales de Loures-Barousse), le Conseil d’Etat a complété sa
jurisprudence relative aux inéligibilités de l’article L. 231 à propos d’entrepreneurs de services
municipaux et d’agents du conseil général.
L’entrepreneur de pompes funèbres habilité
Aux termes de l’article L. 231 du Code électoral, "ne sont pas éligibles dans le ressort où ils
exercent leurs fonctions (...) les entrepreneurs de services municipaux". Au fur et à mesure des
années, le Conseil d’Etat est venu encadrer par plusieurs critères cette cause d’inéligibilité. Ainsi, la
personne doit être rémunérée par la commune (CE, 10 janvier 1990, n° 108349, Elections
municipales de Saulges), liée par un contrat avec la collectivité (CE, 12 février 1990, n° 108432,
Elections municipales de Nice) et être chargée du service public ou avoir un rôle prépondérant au
sein de l’entreprise qui en est chargé.
Le juge des élections a ainsi eu l’occasion de déclarer inéligible l’entrepreneur chargé du service
public des transports scolaires, celui chargé du ramassage des ordures ménagères ou l’entrepreneur
chargé d’un service public des pompes funèbres (CE, 13 décembre 1989, n° 107810, Elections
municipales de Pouzin).
L’article L. 2223-19 du Code général des collectivités territoriales prévoit que le service extérieur
des pompes funèbres est une mission de service public. Cette mission peut être assurée par les
communes, directement ou par voie de gestion déléguée. Elle peut être également assurée par toute
autre entreprise ou association bénéficiaire d’une habilitation. En l’espèce, un candidat était gérant
d’une entreprise habilitée par arrêté préfectoral à exercer sur l’ensemble du territoire national
certaines activités funéraires et notamment dans la commune au sein de laquelle il a été élu au
conseil municipal.
Alors que la décision de décembre 1989 faisait peser lourdement le risque de déclaration
d’inéligibilité par le juge administratif, le Conseil d’Etat a validé l’élection. Même si le requérant
assurait le transport de corps sur le territoire de la commune, le juge administratif relève en effet que
le candidat exerçait, à la date des élections son activité de service public sans aucun lien juridique
avec la commune. En conséquence, en l’absence de tout lien contractuel, le juge administratif n’a pas
relevé d’inéligibilité.
Cette décision confirme donc la jurisprudence "Elections municipales de Nice" qui exige l’existence
d’un lien juridique entre la commune et l’entrepreneur.
Le président d’un syndicat d’initiative
Sur le fondement de la même disposition, le Conseil d’Etat a eu à examiner le cas du président
bénévole d’un syndicat d’initiative. En première instance, le tribunal administratif de Montpellier
avait regardé le candidat comme entrepreneur de services municipaux et avait donc annulé son
élection au poste de conseiller municipal.
Le Conseil d’Etat n’a pas suivi cette position. En effet, il relève que le syndicat d’initiative en cause
est une association de la loi 1901 dans laquelle le conseil municipal n’est pas représenté de plein
droit. "Alors même qu’il a pour objet l’accueil et l’information des touristes ainsi que la promotion
touristique et l’animation de la commune, il ne peut (...) être regardé comme ayant en fait la nature
d’un service de la commune".
Pour apprécier in concreto le caractère municipal de l’association, le juge administratif s’est fondé
sur les conditions de fonctionnement et les modalités de financement. Ainsi, une association
présidée par le maire de plein droit et, financée par la commune aurait été regardée comme étant un
service communal et ses salariés comme des agents communaux. Ainsi, en a jugé le Conseil d’Etat
le 26 janvier 1990 (Elections municipales de Chantilly) à propos d’une association qui, en fait,
devait être regardée comme un service du conseil général.
Le conservateur du patrimoine
Selon l’article L. 231 du code électoral, sont de mêmes inéligibles en qualité de conseillers
municipaux les directeurs de cabinet du président du conseil général, du président du cosneil
régional, les directeurs généraux, directeurs, directeurs adjoints, chefs de service et de bureau au
conseil général ou régional.
Sur le fondement de cette disposition, le juge des élections a eu l’occasion de sanctionner le
directeur d’une mission départementale de développement culturel (CE, 29 décembre 1989, n°
108396, Elections municipales de Reignat), ou un chargé de mission auprès du directeur général des
services du département des Vosges (TA Nancy, 5 juin 2001, n° 01965, Elections municipales de
Cantraine). Dans cette dernière décision, le juge administratif a prononcé l’inéligibilité en raison de
"l’importance des responsabilités exercées par le candidat notamment à l’égard des secteurs, très liés
à l’activité des collectivités locales, de l’environnement, de l’aménagement du territoire, du
développement économique et du développement durable". De même, le Conseil d’Etat avait
déclaré inéligible un chargé de mission exerçant en fait les fonctions de chef de bureau du conseil
régional (CE, 19 janvier 1990, n° 108717, Elections municipales de Chaussegnac).
De manière générale, le juge des élections ne s’arrête pas à la dénomination du poste, mais vérifiera
l’étendue des fonctions et les responsabilités attribuées à la personne pour déterminer sa réelle
fonction au sein de l’exécutif départemental et régional. La jurisprudence s’attache de manière
traditionnelle à la réalités des fonctions plutôt à la lecture litterale du titre donné.
Dans l’affaire "Elections municipales de Millas", le Conseil d’Etat relève que le candidat "exerce
son activité sous l’autorité du directeur de l’animation et du patrimoine du département, et en
admettant même qu’il n’exerce pas d’activité d’encadrement, il résulte de l’instruction et notamment
de l’organigramme des services du département, que [le candidat] assume la charge du patrimoine
culturel avec des responsabilités au moins équivalentes à celles de chef de bureau".
Par cette appréciation de la réalité des fonctions exercées, le juge administratif suprême a donc
requalifié la fonction exercée et a déclaré le candidat inéligible sur le fondement de l’article L. 231
du Code électoral.