Poursuivant le travail entreprise par l’Ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, un décret du 29 juin 2004 vient de fixer la liste des textes qui ne feront l’objet que d’une publication au journal officiel sous format électronique.
Aux termes de l’article 5 de l’ordonnance du 20 février 2004, un décret en Conseil d’Etat devait définir les catégories d’actes administratifs dont, eu égard à leur nature, à leur portée, et aux personnes auxquelles ils s’appliquent, la publication au Journal officiel sous forme électronique suffit à assurer l’entrée en vigueur.
Par un décret du 29 juin 2004, adopté sans consultation préalable de la CNIL, les autorités ont fixé une liste relativement importante de textes qui ne seront plus publiés dans notre Journal officiel papier.
Il s’agit :
1° Des actes réglementaires, autres que les ordonnances, qui sont relatifs à l’organisation administrative de l’Etat, en particulier les décrets se rapportant à l’organisation des administrations centrales, les actes relatifs à l’organisation des services déconcentrés de l’Etat, ainsi que ceux portant délégation de signature au sein des services de l’Etat et de ses établissements publics ;
2° Des actes réglementaires, autres que les ordonnances, relatifs aux fonctionnaires et agents publics, aux magistrats et aux militaires ;
3° Des actes réglementaires, autres que les ordonnances, relatifs au budget de l’Etat, notamment les décrets et arrêtés portant répartition, ouverture, annulation, virement ou transfert de crédits, ceux relatifs aux fonds de concours, aux postes comptables du Trésor public et aux régies d’avances, ainsi que les instructions budgétaires et comptables ;
4° Des décisions individuelles prises par le ministre chargé de l’économie dans le domaine de la concurrence ;
5° Des actes réglementaires des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale, autres que ceux qui intéressent la généralité des citoyens.
En outre, les décisions individuelles et l’ensemble des autres actes dépourvus de valeur réglementaire, y compris les avis et propositions, dont une loi ou un décret prévoit la publication au Journal officiel font exclusivement l’objet d’une publication sous forme électronique, lorsqu’ils relèvent de l’une des matières énumérées aux 1°, 2° et 3° de l’article 1er du présent décret ou émanent de l’une des autorités mentionnées au 5° du même article.
Enfin, et modifiant l’article R.421-1 du Code de justice administrative, la publication sous forme électronique au Journal officiel fait courir le délai du recours ouvert aux tiers contre les décisions individuelles :
1° Relatives au recrutement et à la situation des fonctionnaires et agents publics, des magistrats ou des militaires ;
2° Concernant la désignation, soit par voie d’élection, soit par nomination, des membres des organismes consultatifs mentionnés à l’article 12 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;
3° Prises par le ministre chargé de l’économie dans le domaine de la concurrence ;
4° Emanant d’autorités administratives indépendantes ou d’autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale.
Ce changement radical pourrait sans doute laisser entrevoir des problèmes, déjà indiqués quant à la preuve de l’entrée en vigueur de l’acte. De même, dès lors qu’un individu est désigné dans un acte individuel, n’a-t-il pas vocation à demander le retrait de son nom du site internet, empêchant par la même toute opposabilité du texte ?
Enfin, ce décret pourrait avoir une courte vie si, suite à une saisine de la justice, le Conseil d’Etat suivait la position de la Cour d’arbitrage belge en matière de dématérialisation du journal officiel du "plat pays" (le moniteur).
En effet, la juridiction belge a considèré le 16 juin 2004 "qu’un nombre important de personnes se verront privées de l’accès effectif aux textes officiels, en particulier par l’absence de mesures d’accompagnement qui leur donneraient la possibilité de consulter ces textes, alors qu’elles avaient la possibilité, antérieurement, de prendre connaissance du contenu du Moniteur belge sans devoir disposer d’un matériel particulier et sans avoir d’autre qualification que de savoir lire".
Ainsi, "faute d’être accompagnée de mesures suffisantes qui garantissent un égal accès aux textes officiels, la mesure attaquée a des effets disproportionnés au détriment de certaines catégories de personnes. Elle n’est dès lors pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution".
Quel avenir judiciaire français pour la dématérialisation du Journal officiel ? (BT)