format pour impression
(imprimer)

LES AUTRES BREVES :
16/07/2004 : Le Conseil d’Etat confirme la décision de la Fédération Française de Football (FFF) homologuant les résultats du Championnat National pour la saison 2003-2004
11/07/2004 : Le droit public face à sa codification : les PGD garderont-ils leur place ?
10/07/2004 : Nouvelles règles relatives au dépôt d’objets d’art et d’ameublement dans les administrations
10/07/2004 : Attribution de points d’indice majoré à certains fonctionnaires
10/07/2004 : Le Tribunal administratif confirme la suspension du maire de Bègles
4/07/2004 : Polynésie française : la croix de la discorde
3/07/2004 : Vers la création d’un pôle juridictionnel administratif spécialisé en matière d’expulsion ?
2/07/2004 : Le Président de la CAA de Versailles nommé
2/07/2004 : Simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et réduction de leur nombre
2/07/2004 : Simplification du régime d’entrée en vigueur, de transmission et de contrôle des actes des autorités des établissements publics locaux d’enseignement



21 juin 2004

Le Conseil constitutionnel fait sa construction européenne

Vivement critiquée par plusieurs hommes politiques, le Conseil constitutionnel a rendu le 10 juin 2004, une décision symbolique constituant la prochaine "grande décision du Conseil constitutionnel" ayant vocation à figurer dans l’ouvrage éponyme.

En effet, par sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 relative à la loi pour la confiance dans l’économie numérique, les sages de la rue Montpensier sont venus atténuer l’impact de la décision IVG de 1975.

En effet, les juges avaient considérés qu’il n’appartenait pas au Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international.

Pour justifier ce principe, les Sages relevaient que si les dispositions de l’article 55 de la Constitution confèrent aux traités, dans les conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution prévu à l’article de celle-ci. En effet, "les décisions prises en application de l’article 61 de la Constitution revêtent un caractère absolu et définitif, ainsi qu’il résulte de l’article 62 qui fait obstacle à la promulgation et à la mise en application de toute disposition déclarée inconstitutionnelle. Au contraire, la supériorité des traités sur les lois, dont le principe est posé à l’article 55 précité, présente un caractère à la fois relatif et contingent, tenant, d’une part, à ce qu’elle est limitée au champ d’application du traité et, d’autre part, à ce qu’elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le comportement du ou des Etats signataires du traité et le moment où doit s’apprécier le respect de cette condition". Dans les conditions, le Conseil constitutionnel estimait "qu’une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution" et donc que le contrôle de conventionalité ne pourrait avoir lieu.

Dans sa décision du 10 juin 2004, les Sages reviennent partiellement sur cette position. Lui étaient soumises les dispositions de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, texte de transposition de la directive "commerce électronique" du 8 juin 2000.

Dans le cadre de ce contrôle, un dilemme apparaissait au Conseil constitutionnel. En effet, s’il censurait une disposition législative transposant une directive, il ferait ainsi obstacle à la transposition de celle-ci, au risque d’exposer la France à une action en manquement de la part des autorités communautaires. Or, les juridictions communautaires refusent actuellement à un Etat de se dissimuler derrière des considérations d’ordre constitutionnel pour retarder ou refuser la transposition de dispositions communautaires (CJCE, 11 avril 1978, C-100/77, Rec. p. 879 et CJCE, 6 mai 1980, C-102/79, Rec. p. 1473).

Appelé à prendre position, le Conseil constitutionnel s’est fondé sur l’article 88-1 de la Constitution qui dispose que « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences ».

S’appuyant sur cet article, le juge constitutionnel estime que la transposition d’une directive constitue une obligation non seulement communautaire mais également constitutionnelle, à laquelle il n’est possible de faire obstacle qu’au travers d’une disposition expresse de la Constitution.

Dans ces conditions, la France ne pourrait s’opposer à la transposition d’une directive que si cette transposition porte atteinte à une règle écrite prévue dans le bloc de constitutionnalité.

En conséquence, le Conseil constitutionnel refuse dorénavant d’opérer un quelconque contrôle 1/ sur les dispositions conformes aux règles constitutionnelles françaises et sur les dispositions non-conformes à un principe jurisprudentiel constitutionnel et 2/ à condition que ces dispositions se bornent à tirer les « conséquences nécessaires d’une directive précise et inconditionnelle ». Il renvoie donc les requérants auprès de la Cour de justice des communautés européennes pour toute critique sur la compétence des organes ayant adopté le texte communautaire ou le respect des droits fondamentaux.

Il est à noter que cette jurisprudence oblige les juges constitutionnels à examiner le texte de la loi pour vérifier si les dispositions qui y figurent sont "la conséquence nécessaire d’une directive précise et inconditionnelle". Afin de se déclarer incompétent, il faut donc un examen de conformité des dispositions législatives au droit communautaire dérivé.

Appliquant cette nouvelle jurisprudence aux nouveaux principes fixés à l’article 6 de la LCEN sur la responsabilité civile et pénale des hébergeurs, le Conseil constitutionnel estime qu’elles « tirent les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises de l’article 14 de la directive communautaire 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique et ne peuvent être utilement contestés ». Avant d’affirmer ce point, il considère (au travers d’une réserve d’interprétation) que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité de l’hébergeur au seul motif qu’il n’aurait pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers. Pour que cette responsabilité soit engagée, il faudra que le caractère illicite de l’information dénoncée soit manifeste (racisme, xénophobie, pédopornographie, etc.) ou qu’un juge en ait ordonné le retrait.

En définitive, le premier exemple d’application de cette nouvelle jurisprudence est frappant. En effet, le Conseil constitutionnel opère une interprétation d’une directive, pour l’imposer aux dispositions législatives nationales par le biais d’une réserve d’interprétation le tout pour se déclarer non compétent pour apprécier la constitutionnalité de ces dispositions.

Cette solution pourrait avoir des conséquences autres dès lors que l’interprétation des dispositions communautaires par le juge constitutionnel ne serait pas conforme à la Directive elle-même.

Enfin, et pour finir sur une note plus douce, la loi pour la confiance dans l’économie numérique a encore, une nouvelle fois, le mérite de faire peser une autre interrogation constitutionnelle.

En effet, l’article 10 de la Constitution prévoit que le Président de la République a un délai de 15 jours pour procéder à la promulgation de la loi, toute saisine du Conseil constitutionnel constituant un acte interruptif de ce délai.

En pratique, la LCEN a été adoptée définitivement par le Parlement le 13 mai 2004. Elle a été déférée au Conseil constitutionnel le 18 mai 2004. Dans ces conditions, 4 jours pleins se sont déjà écoulés (14, 15, 16 et 17 mai). La décision du Conseil constitutionnel a été rendue le 10 juin 2004 (même si sa publicité auprès de la presse a été reportée au 15 juin 2004 15h00). Dans ces conditions, on peut estimer que le délai de promulgation est reparti le 11 juin 2004 à 00h00, pour une période de 11 jours.

Dans ces conditions, le Président de la République devait promulguer la loi d’ici le 21 juin 2004. A ce jour, aucun texte n’a été publié au Journal officiel. Sans doute que le prochain Journal officiel (celui du 22 juin 2004) fera figurer une loi promulguée le 21. A défaut, de nouveaux commentaires risques de fleurir. (BT)

 


©opyright - 1998 - contact - Rajf.org - Revue de l'Actualité Juridique Française - L'auteur du site
Suivre la vie du site