Dans un communiqué de presse en date du 16 juin 2004, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA), principale organisation représentative des juges administratifs, s’est opposé à la réforme, actuellement en cours, des règles relatives à l’expulsion des étrangers visant à déposséder les tribunaux administratifs de leur compétence.
Parallèlement à l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 juin 2004 d’une proposition de loi relative aux conditions permettant l’expulsion des personnes visées à l’article 26 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, le Gouvernement a rédigé un projet de décret tendant à transférer des tribunaux administratifs (actuellement compétents en première instance) au Conseil d’Etat (statuant alors en premier et dernier ressort) l’ensemble du contentieux des arrêtés ministériels d’expulsion.
Ces réformes font suite à la suspension conservatoire d’une décision ministérielle d’expulsion, ordonnée en référé par le Tribunal administratif de Lyon les 23 et 26 avril 2004, en raison d’un doute sérieux quant à la légalité de la mesure.
Dans un communiqué en date du 16 juin 2004, le SJA s’est prononcé comme totalement opposé au projet de transfert de ce contentieux au Conseil d’Etat, statuant comme juge en premier et dernier ressort.
Il considère en effet que ce projet "de dessaisissement des tribunaux administratifs constitue une marque de défiance envers les juridictions administratives du premier degré, alors qu’elles démontrent quotidiennement leur aptitude à concilier les exigences de l’ordre public et la protection des libertés".
En effet, le SJA relève que les règles juridiques actuelles permettent de garantir l’efficacité des actions menées par "les services de renseignement intérieurs et extérieurs, la protection de leurs sources et de leurs méthodes de recueil d’informations, et rappelle que dans un Etat de droit aucune procédure juridictionnelle ne saurait s’abstraire des exigences du procès contradictoire".
Attaché à la "préservation des trois niveaux traditionnels de juridiction, première instance, appel et cassation, dont l’intervention s’avère particulièrement nécessaire pour appréhender les questions intéressant l’ordre public et les droits fondamentaux", le SJA considère que cette réforme constitue une atteinte au principe selon lequel les tribunaux administratifs sont, "depuis leur création en 1953, les juges de droit commun du contentieux administratif en première instance".
Et de conclure, qu’une telle remise en cause de l’organisation de la justice administrative risquerait d’ouvrir la voie à la multiplication "d’exceptions politiques à chaque fois qu’une action publique suscite des débats et affaiblirait ainsi l’ensemble de la justice administrative".