CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 276482
M. et Mme H.
M. Marc Lambron
Rapporteur
M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement
Séance du 5 décembre 2007
Lecture du 16 janvier 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. et Mme Marcel H. ; M. et Mme H. demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 28 septembre 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté leur appel contre le jugement du 23 mai 2000 du tribunal administratif de Caen rejetant leur demande tendant, d’une part, à l’annulation des arrêtés des 20 novembre 1991, 5 août 1992 et 1er février 1996 par lesquels le préfet de l’Orne a, respectivement, institué la commission intercommunale d’aménagement foncier de Flers-Aubusson-La Selle la Forge-Saint-Georges des Groseillers, fixé le périmètre du remembrement desdites communes et ordonné le dépôt du plan du nouveau parcellaire dans les mairies des communes concernées, et, d’autre part, à l’annulation du procès-verbal de remembrement en tant qu’il concerne leur propriété ;
2°) statuant au fond, d’annuler le jugement du 23 mai 2000 du tribunal administratif de Caen et de faire droit à leurs conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la commune de Saint-Georges des Groseillers une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d’Etat,
les observations de Me Foussard, avocat de M. et Mme H.,
les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel que M. et Mme H., mis en demeure le 20 mars 2003 d’acquitter dans le délai d’un mois le droit de timbre exigé par les dispositions alors applicables de l’article 1089 B du code général des impôts, ont fait parvenir le 4 avril 2003 au greffe de la cour un courrier comportant le timbre fiscal requis ; qu’ainsi, en rejetant leur requête comme irrecevable au motif qu’ils n’avaient pas donné suite à la mise en demeure, les juges d’appel se sont fondés sur un fait matériellement inexact ; que les requérants sont fondés à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
En ce qui concerne l’arrêté du 20 novembre 1991 du préfet de l’Orne instituant une commission intercommunale d’aménagement foncier et l’arrêté du 5 août 1992 du même préfet ordonnant le remembrement litigieux et en fixant le périmètre :
Considérant qu’eu égard à l’atteinte excessive aux droits des propriétaires concernés par des opérations d’aménagement foncier et à l’intérêt général, qu’entraînerait une remise en cause générale de ces opérations à une date postérieure à celle du transfert de propriété résultant du dépôt en mairie du plan du nouveau parcellaire, le pouvoir du juge administratif d’annuler ou de suspendre l’acte qui a institué la commission communale ou intercommunale d’aménagement foncier ou celui qui a ordonné les opérations et en a fixé le périmètre prend fin à la date du dépôt du plan en mairie ; que c’est seulement si ces actes ont été annulés ou suspendus avant cette date que le juge peut se fonder sur leur illégalité pour annuler d’autres actes pris dans le cadre des opérations d’aménagement foncier ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le recours de M. et Mme H. a été présenté devant le tribunal administratif de Caen le 9 novembre 1999, postérieurement au dépôt en mairie du plan du nouveau parcellaire, ordonné par un arrêté du 1er février 1996 ; qu’à cette date le juge administratif ne disposait plus du pouvoir d’annuler l’arrêté du 20 novembre 1991 du préfet de l’Orne instituant une commission intercommunale d’aménagement foncier ni l’arrêté du 5 août 1992 du même préfet ordonnant le remembrement et en fixant le périmètre ; que les conclusions dirigées contre ces actes étaient par suite irrecevables ; que les requérants ne sont donc pas fondés à se plaindre de ce qu’elles ont été rejetées par le tribunal administratif ;
En ce qui concerne l’arrêté du 1er février 1996 par lequel le préfet de l’Orne a clos les opérations de remembrement :
Considérant qu’aux termes de l’article R. 121-29 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté attaqué : " Au vu du plan du ou des aménagements fonciers et du projet des travaux connexes approuvés par la commission communale ou intercommunale et si aucune rédaction n’a été introduite devant la commission départementale dans le délai prévu à l’article R. 121-6 ou, dans le cas contraire, au vu du plan approuvé par la commission départementale, le préfet prend un arrêté par lequel : (.) / 3° Il ordonne le dépôt en mairie du plan : / 4° Il constate la clôture des opérations à la date de ce dépôt (.) " ;
Considérant que l’arrêté préfectoral pris en application de ces dispositions peut être contesté en raison de ses vices propres, d’un défaut de conformité du plan déposé en mairie par rapport au plan définitivement établi par les commissions d’aménagement foncier ou d’une différence substantielle entre le programme de travaux connexes autorisés par le préfet et le programme desdits travaux élaboré par les commissions d’aménagement foncier ; que cet arrêté peut également être contesté au motif qu’antérieurement à la date à laquelle il a été pris le juge administratif avait soit annulé l’arrêté ordonnant le remembrement, soit suspendu son exécution ; qu’en revanche, les éventuelles illégalités entachant le plan de remembrement, qui peuvent donner lieu à des réclamations des propriétaires concernés devant la commission départementale d’aménagement et à des recours contentieux contre les décisions de cet organisme, ne sauraient être invoquées utilement à l’encontre de l’arrêté ordonnant le dépôt du plan en mairie ;
Considérant qu’à l’encontre de l’arrêté du 1er février 1996 par lequel le préfet de l’Orne a ordonné le dépôt dans les mairies concernées du plan de remembrement et constaté la clôture des opérations, M. et Mme H. n’ont soulevé aucun des moyens, ci-dessus rappelés, qui peuvent être utilement invoqués à l’encontre d’un tel acte ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre du rejet par les premiers juges de leurs conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté ;
En ce qui concerne le procès-verbal de remembrement :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-7 du code rural, dans sa rédaction applicable en l’espèce : " Les décisions prises par la commission communale ou intercommunale peuvent être portées par les intéressés ou par le préfet devant la commission départementale d’aménagement foncier " ;
Considérant que l’extrait du procès-verbal de remembrement dont M. et Mme H. demandent l’annulation retranscrit la décision de la commission intercommunale d’aménagement foncier fixant leurs attributions ; qu’il appartenait aux requérants, s’il s’y croyaient fondés, de présenter une réclamation contre cette décision devant la commission départementale d’aménagement foncier et de déférer au tribunal administratif la décision de cet organisme si elle leur était défavorable ; qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 121-7 du code rural qu’ils ne sont pas recevables à contester directement devant la juridiction administrative les opérations de remembrement concernant leur propriété ; que c’est dès lors à bon droit que, pour ce motif, le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions dirigées contre le procès-verbal de remembrement ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. et Mme H. doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme H., qui, dans la présente espèce, sont la partie perdante, obtiennent le remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à leur charge les frais exposés par l’Etat ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 28 septembre 2004 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. et Mme H. devant la cour administrative d’appel de Nantes et le surplus de leurs conclusions devant le Conseil d’Etat sont rejetés. Les conclusions du ministre de l’agriculture et de la pêche tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Marcel H. et au ministre de l’agriculture et de la pêche.