Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État le 9 septembre 1993 et le 10 janvier 1994 ; les consorts P. demandent au Conseil d’État d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 11 mai 1993 annulant à la demande de l’assistance publique de Marseille le jugement en date du 3 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l’État à leur verser la somme de 1 500 000 F en réparation du préjudice subi du fait de la contamination de M. Stéphano P. par le virus de l’immunodéficience humaine et rejetant leurs conclusions présentées devant ce tribunal ;
Vu la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant qu’après avoir posé en principe qu’"en l’absence de faute établie ou présumée, la responsabilité d’un établissement hospitalier ne peut être engagée que lorsque les conséquences de l’acte médical qui est à l’origine du dommage sont d’une extrême gravité et que ce dommage est directement imputable soit à la mise en oeuvre, sans que des nécessités vitales l’exigent, d’une thérapeutique nouvelle soit à un acte qui, s’il est nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque connu mais dont la réalisation est exceptionnelle et auquel aucun élément ne permettait de penser que le patient était particulièrement exposé", la cour administrative d’appel de Lyon s’est bornée à affirmer "qu’il ne résulte pas de l’instruction que la transfusion qui a été pratiquée le 4 janvier 1984 sur M. P. remplisse les conditions ci-dessus énoncées" ; qu’en ne précisant pas la ou les conditions qui n’étaient pas remplies au cas d’espèce, la cour n’a pas mis le juge de cassation à même d’exercer son contrôle ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’article 1er de l’arrêt attaqué doit être annulé ;
Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d’État, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise ordonnée par le tribunal administratif que l’intervention chirurgicale subie par M. P. exigeait le recours à la transfusion sanguine ; qu’en l’absence de tout autre élément ayant concouru à sa réalisation, le dommage subi par M. P. du fait de sa contamination par le virus de l’immuno-déficience humaine est uniquement imputable au produit sanguin vicié fourni par le centre de transfusion ;
Considérant, d’autre part, qu’en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu’ainsi le préjudice résultant pour un malade de sa contamination par des produits sanguins transfusés est imputable à la personne morale publique ou privée dont relève le centre de transfusion sanguine qui a élaboré les produits utilisés ; que lorsque la transfusion a été effectuée dans un hôpital qui ne relève pas de cette personne morale, cet hôpital ne peut être tenu responsable des conséquences dommageables de la transfusion ;
Considérant que les produits sanguins transfusés à M. P. lors de l’intervention chirurgicale qu’il a subie le 4 janvier 1984 à l’Hôtel-Dieu de Marseille et qui sont à l’origine de sa contamination par le virus de l’immunodéficience humaine (V.I.H.) ont été fournis par le centre régional de transfusion sanguine de Marseille qui ne relève pas de l’administration de l’Assistance publique à Marseille ; qu’il suit de là que l’Assistance publique à Marseille est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l’a condamnée à verser aux ayants-droit de M. P. une indemnité de 1 500 000 F ;
Sur les frais de l’expertise :
Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser les frais d’expertise à la charge de l’administration de l’Assistance publique à Marseille ;
D E C I D E :
Article premier : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon, en date du 11 mai 1993, est annulé.
Article 2 : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille, en date du 3 juillet 1992, est annulé.
Article 3 : Les conclusions de la demande des consorts P. devant le tribunal administratif de Marseille et tendant à la condamnation de l’administration de l’Assistance publique à Marseille à la réparation du préjudice qu’ils ont subi, ensemble leurs conclusions aux mêmes fins présentées devant le Conseil d’État sont rejetées.