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Conseil d’Etat, 12 décembre 2003, n° 238277, M. Jean-Sébastien P.

Si, en application des articles R. 5031 et R. 5032 du code de la santé publique, un des membres composant le conseil national de l’ordre des pharmaciens constitué en chambre de discipline est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d’instruction, notamment des auditions, qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de saisine de la juridiction.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 238277

M. P.

M. Maisl
Rapporteur

M. Olson
Commissaire du gouvernement

Séance du 24 novembre 2003
Lecture du 12 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 7ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre 2001 et 18 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Jean-Sébastien P. ; M. P. demande au Conseil d’Etat :

1) d’annuler la décision du 3 juillet 2001 par laquelle la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des pharmaciens a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 17 janvier 2000 par laquelle la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens d’Ile-de-France a prononcé à son encontre la sanction de l’interdiction d’exercer la pharmacie pendant une durée d’un mois

2) de le relaxer de toute poursuite ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maisl, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. P. et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du conseil national de l’ordre des pharmaciens,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si, en application des articles R. 5031 et R. 5032 du code de la santé publique, un des membres composant le conseil national de l’ordre des pharmaciens constitué en chambre de discipline est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d’instruction, notamment des auditions, qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de saisine de la juridiction ; qu’ainsi et alors même qu’il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l’article R. 5035 du code de la santé publique, de faire à l’audience un exposé des faits consistant en une présentation de l’affaire, M. P. n’est pas fondé à soutenir que l’ensemble de ces dispositions aurait eu pour effet de conférer au rapporteur des fonctions qui, au regard du principe d’impartialité comme des autres stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la chambre de discipline du conseil national ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 5016 du code de la santé publique, l’action disciplinaire contre un pharmacien peut être introduite par une plainte formée, parmi d’autres autorités, par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; qu’aux termes de l’article R. 5023 du même code : " Le président de la chambre de discipline dirige les débats (...). Il donne la parole au plaignant (...) " ;

Considérant qu’à l’audience du 17 janvier 2000 au cours de laquelle a été examinée la plainte introduite à l’encontre de M. P. devant la chambre de discipline du conseil régional d’Ile-de-France, Mme Weissleib, pharmacien inspecteur régional de santé publique, a représenté le directeur régional des affaires sanitaires et sociales d’Ile-de-France, auteur de la plainte en application des dispositions précitées du code de la santé publique ; que le conseil national de l’ordre des pharmaciens n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le pharmacien inspecteur régional de santé publique n’avait pas à justifier d’un mandat pour représenter devant le conseil régional le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, sous l’autorité hiérarchique duquel le pharmacien inspecteur régional se trouve placé ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant que le conseil national n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que le moyen tiré de l’irrégularité de l’enquête préalable à la procédure disciplinaire est en toute hypothèse inopérant à l’encontre de celle-ci ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 5144-28 du code de la santé publique, " Les pharmaciens d’officine qui délivrent un médicament dérivé du sang doivent aussitôt transcrire sur un registre spécial coté et paraphé par le maire ou le commissaire de police, ou enregistrer immédiatement, par tout système approuvé par le ministre chargé de la santé, les informations mentionnées à l’article R. 5198, la date de naissance du patient ainsi que les informations figurant sur l’étiquette détachable du conditionnement extérieur. En cas de transcription sur un registre, cette étiquette y est apposée (...) " ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. P. ne détenait, avant l’inspection, aucun système d’enregistrement des délivrances de médicaments dérivés du sang, qu’il s’agisse d’un registre manuel ou informatique ; que le conseil national n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que M. P. avait dès lors méconnu les dispositions de l’article R. 5144-28 du code de la santé publique, qui imposent à tous les pharmaciens d’officine de disposer d’un système d’enregistrement des délivrances de ces médicaments, alors même qu’ils ne les délivreraient pas à titre habituel ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la suite d’une rupture de stock du produit Eltéans des laboratoires Jaldes La Chaze, M. P. a apposé l’étiquette Eltéans sur des flacons contenant un produit de composition voisine fabriqué à sa demande par un autre laboratoire ; qu’en estimant que de tels faits constituent un agissement susceptible de nuire à la santé de la clientèle et relevant d’un comportement contraire à la probité et à la dignité de la profession, le conseil national, n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard des dispositions de l’article R. 5015-10 du code de la santé publique ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. P. n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 3 juillet 2001 du conseil national de l’ordre des pharmaciens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. P. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Sébastien P., au conseil national de l’ordre des pharmaciens et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

 


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