COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
N° 99MA02033
M. Laurent W.
M. BERNAULT
Président
M. DUCHON-DORIS
Rapporteur
M. BEDIER
Commissaire du Gouvernement
Arrêt du 20 mai 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
(4ème chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 8 octobre 1999 sous le n° 99MA02033, présentée pour M. Laurent W., par Me SCHMITT, avocat ;
M. W. demande à la Cour :
1°/ d’annuler le jugement n° 95-1740 en date du 31 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l’année 1990 ;
2°/ de lui accorder la décharge desdites cotisations ;
Le requérant soutient :
que, s’agissant du prix d’acquisition des biens, il persiste à considérer que la valeur des biens, telle qu’évaluée dans la déclaration de succession a été sous-estimée mais qu’il n’est pas en mesure de l’établir ;
qu’en ce qui concerne le prix de vente, il a été réparti par les parties en trois parts égales de 5 millions de francs, l’administration ne pouvant se référer au barème de l’article 762 du code général des impôts qui ne s’applique qu’en cas de mutation à titre gratuit et pour le seul calcul des droits d’enregistrement ;
que la somme de 5 millions de francs correspond à la valeur économique de l’usufruit de Mme W. à la date de la vente si l’on se base sur l’étude réalisée par Suzel Castagne ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe le 23 août 2000, par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie conclut au rejet de la requête par les motifs que :
la procédure utilisée ayant été celle de la taxation d’office prévue par l’article L.66 et L.67 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l’imposition incombe à M. W. par application des dispositions de l’article R.193-1 du livre des procédures fiscales ;
M. W. admet qu’il n’est pas en mesure d’établir l’insuffisance de prix d’achat ;
chaque indivisaire est réputé recevoir une fraction du prix de vente correspondant aux droits qu’il détenait dans l’indivision, sans qu’il y ait lieu de tenir compte des arrangements qui sont intervenus entre les co-indivisaires qui s’apparentent à des actes de disposition ;
la formule proposée par M. W. est dépourvue de base légale et aboutirait à des aberrations ;
la référence à l’article 762 du code général des impôts s’impose à l’administration en tant que norme fiscale ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré au greffe le 7 septembre 2000, par lequel M. W. maintient ses précédentes écritures par les mêmes moyens et en outre par le moyen que l’utilisation du barème de l’article 762, au regard de la doctrine administrative, n’est que facultative et qu’en l’espèce, compte tenu du très jeune âge de l’usufruitière au moment de la vente, de sa grande espérance de vie et de la rentabilité du bien immobilier, la répartition du produit de la vente en trois parts égales de 5 millions de francs correspondait aux valeurs respectives des droits de chacun ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ensemble le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mai 2003 :
le rapport de M. DUCHON-DORIS, président assesseur ;
et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;
Considérant qu’aux termes de l’article 150 A du code général des impôts : " ...Les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques...lors de la cession à titre onéreux de biens...sont passibles : ...2° De l’impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans ou de biens mobiliers cédés plus d’un an après l’acquisition " ; qu’aux termes de l’article 150 H du même code : " La plus-value imposable en application de l’article 150 A est constituée par la différence entre : le prix de cession et le prix d’acquisition par le cédant. Le prix de cession est réduit du montant des taxes acquittées et des frais supportés par le vendeur à l’occasion de cette cession. En cas d’acquisition à titre gratuit, ce second terme est la valeur vénale au jour de cette acquisition... " ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que par acte du 11 mai 1990, Mme Irène W. et ses deux enfants, Laurent et Raphaël W. ont vendu à la société S.A. SPIM un immeuble à Saint-Tropez au lieu-dit Valfère Capon ; qu’en l’absence de déclaration de cette plus-value, l’administration a procédé à sa détermination par application de la procédure de taxation d’office et a, en conséquence assujetti M. Laurent W. au titre de l’impôt sur le revenu de l’année 1990, sur la part lui revenant de ladite plus-value, soit une quote-part taxable de 492.370 F ; que M. W. demande l’annulation du jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande en réduction de l’imposition ainsi mise à sa charge ;
En ce qui concerne le prix d’acquisition du bien :
Considérant que si M. Laurent W. persiste à soutenir que la valeur des biens en cause, telle qu’évaluée dans la déclaration de succession, a été sous-estimée, il ne critique pas les motifs retenus par les premiers juges et admet lui-même ne pas être en mesure de démontrer cette sous-estimation ; que par suite, son argumentation sur ce point ne peut être que rejetée ;
En ce qui concerne le prix de vente et la détermination de la quote-part de M. Laurent W. :
Considérant qu’en cas de cession d’un bien immobilier par une indivision, chaque indivisaire est réputé recevoir une fraction du prix de vente correspondant aux droits qu’il détenait dans l’indivision ; qu’il résulte de l’instruction que la cession litigieuse porte sur un immeuble en indivision dont, selon l’attestation de propriété notariale établie le 12 juillet 1974, Mme W. était usufruitière légale à hauteur du 1/4, et MM. Laurent et Raphaël W. héritiers pour moitié sous réserve de cet usufruit ; qu’en l’absence de déclaration de plus-value, l’administration a évalué le droit de chacun des propriétaires et en particulier de Mme W. par référence au barème de l’article 762 du code général des impôts ; que M. Laurent W., dès lors qu’il ne conteste pas avoir été régulièrement taxé d’office, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de l’imposition ;
Considérant en premier lieu que la circonstance que le barème de l’article 762 du code général des impôts ait été établi pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit et que le recours à ce barème soit seulement facultatif en cas de plus-value réalisée à l’occasion d’une vente, n’interdisait pas à l’administration de s’y référer pour déterminer, en l’absence de déclaration, le montant de la plus-value et la quote-part de chaque indivisaire ;
Considérant en second lieu, que chaque indivisaire étant réputé recevoir une fraction du prix de vente correspondant aux droits qu’il détient à la date de cette vente, sur le bien cédé, l’arrangement conclu entre Mme W. et MM. Laurent et Raphaël W. selon lequel le produit de la vente aurait été réparti en trois parts égales de 5 millions de francs doit être regardé comme un acte par lequel les intéressés ont disposé du prix de vente perçu par eux ; que par suite, M. Laurent W. ne peut utilement invoquer cet arrangement à l’appui de ses conclusions en décharge de l’imposition litigieuse ;
Considérant en troisième lieu que s’il soutient que, compte tenu du très jeune âge de l’usufruitière au moment de la vente, de sa grande espérance de vie et de la rentabilité du bien immobilier, la répartition du produit de la vente en trois parts égales correspondait aux valeurs respectives des droits de chacun, il n’en apporte pas la preuve par référence à une étude réalisée par une personne privée selon une formule dépourvue de base légale et aboutissant, dans le cas d’espèce, si elle était appliquée à chacun des indivisaires, à des résultats aberrants ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. W. n’est pas fondé à demander l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Nice rejetant sa demande en décharge des cotisations d’impôt sur le revenu contestées ;
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. W. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. W. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.