CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 293193, 293532
SA UNICOMI
Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur
Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement
Séance du 5 septembre 2008
Lecture du 6 octobre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu 1°) sous le n° 293193, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai et 7 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME UNICOMI dont le siège social est sis 83, boulevard des Chênes à Guyancourt (78280), représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE ANONYME UNICOMI demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 7 février 2006 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant que, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer à concurrence de la somme de 15 009 euros correspondant à des dégrèvements accordés en cours d’instance, il a rejeté, au vu d’un supplément d’instruction ordonné avant-dire-droit, le surplus de ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2002 à raison d’un local à usage d’hôtel dont elle est propriétaire au 304, avenue Paul Vaillant Couturier dans les rôles de la commune de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ;
2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la réduction des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°) sous le n° 293532, l’ordonnance du 12 mai 2006, enregistrée le 18 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président de la cour administrative d’appel de Versailles a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi de la SOCIETE ANONYME UNICOMI ;
Vu le pourvoi, enregistré le 5 mai 2006 au greffe de la cour administrative d’appel de Versailles, présenté pour la SA UNICOMI ; la SA UNICOMI demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 7 février 2006 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer à concurrence de la somme de 15 009 euros correspondant à des dégrèvements accordés en cours d’instance, a rejeté, au vu d’un supplément d’instruction ordonné avant-dire-droit, le surplus de ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2002 à raison d’un local à usage d’hôtel dont elle est propriétaire au 304, avenue Paul Vaillant Couturier dans les rôles de la commune de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ;
2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la réduction des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SA UNICOMI,
les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE ANONYME UNICOMI a demandé la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge, au titre des années 1999 à 2002, à raison de l’hôtel "Campanile" dont elle est propriétaire à Bobigny (93) ; que, sous le n° 293193, la SA UNICOMI demande l’annulation du jugement du 7 février 2006, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir jugé avant-dire droit qu’il n’y avait plus lieu de statuer à concurrence du dégrèvement accordé par l’administration sur la base d’une évaluation de l’immeuble par comparaison avec un hôtel de la commune de Villejuif, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande ; qu’elle a également présenté à la cour administrative d’appel de Versailles une requête identique dirigée contre ce même jugement ; qu’après avoir relevé l’incompétence de la cour à connaître de ce litige, le président de cette juridiction a, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, transmis au Conseil d’Etat cette requête, enregistrée au secrétariat du contentieux sous le n° 293532 ; qu’il y a lieu de joindre ces deux pourvois et de statuer par une même décision ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1498 du code général des impôts : "La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d’habitation ou à usage professionnel visés au I de l’article 1496 et que les établissements industriels visés à l’article 1499 est déterminée au moyen de l’une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l’évaluation des immeubles d’un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l’immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l’objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d’appréciation directe" ; qu’aux termes de l’article 1504 du même code : "Les locaux types à retenir pour l’évaluation par comparaison des biens visés à l’article 1498 sont choisis par le représentant de l’administration et par la commission communale des impôts directs. Après harmonisation avec les autres communes du département, la liste en est arrêtée par le service des impôts (.)" ; qu’il résulte des termes mêmes du 3°) de l’article 1498 du code que ce n’est qu’à défaut soit de pouvoir retenir la valeur locative sur le fondement du 1°, soit de trouver des termes de comparaison pertinents que l’administration peut légalement procéder à une évaluation directe ;
Considérant qu’il ressort des énonciations du jugement attaqué qu’après avoir constaté qu’aucun des quatre hôtels "Campanile" situés dans différentes communes de l’agglomération parisienne et qui auraient pu, compte tenu de leur similitude avec l’hôtel à évaluer, être retenus comme des locaux type pertinents n’avait fait l’objet d’une évaluation conforme aux dispositions de l’article 1498 du code général des impôts précité, le tribunal administratif a apprécié la valeur locative de l’hôtel en cause en recourant à la méthode de l’appréciation directe prévue par le 3° du même article de ce code ; qu’en se fondant, pour recourir à la méthode, subsidiaire, de l’appréciation directe sur cette seule constatation, sans rechercher préalablement si aucun autre local ne pouvait être utilement retenu comme élément de comparaison conformément aux dispositions du 2° de l’article 1498 et de l’article 1504 du code général des impôts, et alors que la société requérante avait proposé, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 23 décembre 2005, une comparaison avec trois nouveaux locaux types qu’il n’a pas écartés, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, le jugement attaqué doit, dans la limite des conclusions des pourvois, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu pour le Conseil d’Etat, par application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant, d’une part, que, dans le dernier état de ses écritures, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique propose, comme terme de comparaison pour la détermination de la valeur locative de l’hôtel en cause, le local type n° 43 du procès-verbal des opérations d’évaluations foncières de la commune de Villejuif correspondant au tarif de 150 F le mètre carré ; que le bail en cours au 1er janvier 1970, conclu entre une société et son gérant, mettait à la charge du preneur toutes les dépenses de grosses réparations ; que, le ministre ne conteste pas que ces stipulations ont conduit à la conclusion d’un bail à des conditions de prix anormales, ainsi que le soutient la société requérante ; qu’ainsi, le local type n° 43 du procès-verbal des opérations d’évaluations foncières de la commune de Villejuif ne peut être retenu pour l’application du 2° de l’article 1498 du code général des impôts, lequel ne permet de se référer qu’à des locaux loués à des conditions de prix normales ;
Considérant, d’autre part, que la société requérante propose, dans le dernier état de ses écritures, cinq autres termes de comparaison situés dans différentes communes de l’agglomération parisienne ; qu’il résulte de l’instruction que le local type n° 90 du procès- verbal 6670 C de la commune d’Issy-les-Moulineaux au tarif unitaire de 35 F (5, 34 euros), correspond à un hôtel construit en 1926 de type traditionnel dont les caractéristiques au regard de sa construction, de sa structure et de son aménagement ne sont pas les mêmes que celle de l’établissement à évaluer, que le local type n° 57 du procès-verbal de la commune de Boulogne-Billancourt au tarif unitaire de 31 F ( 4, 73 euros), correspond à un hôtel construit en 1925, classé dans la catégorie "une étoile", qui ne présente pas, par son état de construction passable, sa situation et son aménagement ordinaires, une similitude suffisante avec l’établissement à évaluer, que le local type n° 118 du procès-verbal des évaluations foncières du quartier "Amérique Combat" du 19ème arrondissement de Paris au tarif unitaire de 40 F (6, 10 euros) correspond à un hôtel meublé non classé dont il n’est pas établi qu’il présente des similitudes suffisantes avec l’immeuble à évaluer et, enfin, que, pour le local type n° 99 du procès-verbal des évaluations foncières du 20ème arrondissement de Paris au tarif unitaire de 30 F (4, 57 euros), aucune précision ne permet d’apprécier la pertinence de ce choix ; qu’ainsi ces locaux types ne peuvent être retenus ; que, toutefois, le local type n° 55 du procès-verbal complémentaire de la commune de Villeneuve-Saint-Georges, d’un tarif de 60 F le mètre carré (9, 15 euros), qui correspond également à un hôtel classé dans la catégorie "deux étoiles" exploité sous l’enseigne "Campanile", dont l’administration se borne à alléguer, sans l’établir, qu’il n’avait pas été régulièrement évalué, présente les mêmes caractéristiques que l’hôtel à évaluer et est situé dans une commune dont l’analogie, du point de vue de la situation économique, avec la commune de Bobigny n’est pas contestée ; que, dès lors, le local type n° 55 du procès-verbal complémentaire de la commune de Villeneuve-Saint-Georges doit être regardé comme un local type approprié pour l’évaluation de la valeur locative de l’hôtel "Campanile" en litige ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA UNICOMI est fondée à demander, dans cette mesure, la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties restant à sa charge ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la SA UNICOMI, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L’article 3 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 février 2006 est annulé.
Article 2 : Pour la détermination de la base de la taxe foncière sur les propriétés bâties due par la SOCIETE UNICOMI, au titre des années 1999 à 2002, dans les rôles de la commune de Bobigny, la valeur locative unitaire de l’Hôtel "Campanile" situé aux n° 300 à 304 de l’avenue Paul Vaillant Couturier est fixée à 9, 15 euros (60 F) par mètre carré.
Article 3 : La SOCIETE UNICOMI est déchargée de la différence entre, d’une part, le montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1999 à 2002 déduction faite des dégrèvements prononcés en cours d’instance et, d’autre part, celui qui résulte de la base d’imposition définie à l’article 2 de la présente décision.
Article 4 : L’Etat versera 3 000 euros à la SOCIETE UNICOMI, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE UNICOMI et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.