CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 226514 226526 226548 226553 226554 226555 226556 226557 226558 226569 225670 226571
SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE et autres
M. Boulouis, Rapporteur
Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement
Séance du 5 novembre 2001
Lecture du 3 décembre 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu 1°), sous le n° 226514, la requête, enregistrée le 25 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE, dont le siège est 88, rue de la Faisanderie à Paris cedex 16 (75782), représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 100 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de primauté du droit communautaire et du droit à un procès équitable et les articles 10, 12 et 43 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 2°), sous le n° 226526, la requête, enregistrée le 25 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SA LABORATOIRES BYK FRANCE, dont le siège est 593, route de Boissise au Mée-sur-Seine (77350), représentée par son président en exercice ; la SA LABORATOIRES BYK FRANCE demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de 1"article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour dé justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de primauté du droit communautaire, de loyauté, de l’effet utile du droit communautaire et du droit à un procès équitable et les articles 12 et 43 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 3°), sous le n° 226548, la requête, enregistrée le 25 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le LABORATOIRE SCHWARZ PHARMA SA, dont le siège est 153, avenue Le jour se lève à Boulogne-Billancourt cedex, représenté par son président en exercice ; le LABORATOIRE SCHWARZ PHARMA SA demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de primauté du droit communautaire, de loyauté, d’égalité de traitement, de liberté d’établissement, de proportionnalité et du droit à un procès équitable ;
Vu 4°), sous le n° 226553, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 16 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOGIETE GRÜNENTHAL, dont le siège est 43, rue de Villiers à Neuilly-sur-Seine cedex (92523), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE GRÜNENTHAL demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec le principe du droit à un procès équitable et les articles 10, 43 et 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 5°), sous le n° 226554, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 16 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par la SOCIETE LABORATOIRES LEO, dont le siège est 6, rue J.P Timbaud à Montigny-le-Bretonneux (78180), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE LABORATOIRES LEO demandé au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec le principe du droit à un procès équitable et les articles 10, 43 et 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 6°), sous le n° 226555, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 16 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le LABORATOIRE THERAMEX, dont le siège est 6, avenue du Prince héréditaire Albert à Monaco (98000), représenté par son président en exercice ; le LABORATOIRE THERAMEX demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec le principe du droit à un procès équitable et les articles 10, 43 et 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 7°), sous le n° 226556, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 16 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE MERCK GENERIQUES, dont le siège est 34, rue Saint-Romain à Lyon (69008), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE MERCK GENERIQUES demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec le principe du droit à un procès équitable et les articles 10, 43 et 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 8°), sous le n° 226557, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 16 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE SCHERING-PLOUGH, dont le siège est 92, rue Baudin à Levallois-Perret (92300), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE SCHERING-PLOUGH demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec le principe du droit à un procès équitable et les articles 10, 43 et 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 9°), sous le n° 226558, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 16 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le LABORATOIRE BAYER PHARMA, dont le siège est 13, rue Jean Jaurès à Puteaux cedex (92807), représenté par son président en exercice ; le LABORATOIRE BAYER PHARMA demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec le principe du droit à un procès équitable et les articles 10, 43 et 87 du traité instituant la Communauté européenne ;
Vu 10°), sous le n° 226569, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 21 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCETE THERABEL LUCIEN PHARMA, dont le siège est 15, rue de l’Hôtel de Ville à Neuilly-sur-Seine cedex (92522), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de primauté du droit communautaire, de loyauté, de l’effet utile du droit communautaire, de l’égalité de traitement, de la liberté d’établissement et du droit à un procès équitable ;
Vu 11°), sous le n° 226570, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 21 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE SCHERING SA, dont le siège est rue de Toufflers, zone industrielle de Roubaix-Est à Lys-lez-lannoy (59390), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE SCHERING SA demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de primauté du droit communautaire, de loyauté, de l’effet utile du droit communautaire, de l’égalité de traitement, de la liberté d’établissement et du droit à un procès équitable ;
Vu 12°), sous le n° 226571, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 octobre 2000 et 21 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE LUNDBECK SA, dont le siège est 37, avenue Pierre 1er de Serbie à Paris (75008), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE LUNDBECK SA demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler le décret n° 2000-787 du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre-1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
2°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice des communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne, les questions de la compatibilité de ce décret avec les principes de confiance légitime, de sécurité juridique, de primauté du droit communautaire, de loyauté, de l’effet utile du droit communautaire, de l’égalité de traitement, de la liberté d’établissement et du droit à un procès équitable ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Monod, Colin, avocat du SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE et autres et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Laboratoires Glaxosmithkline et autres ;
les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE, du LABORATOIRE BYK SA, DU LABORATOIRE SCHWARZ PHARMA SA, de la SOCIETE GRÜNENTHAL, de la SOCIETE LABORATOIRES LEO, du LABORATOIRE THERAMEX, de la SOCIETE MERCK GENERIQUES, de la SOCIETE SCHERING-PLOUGH, du LABORATOIRE BAYER PHARMA, de la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA, de la SOCIETE SCHERING SA et de la SOCIETE LUNDBECK SA sont dirigées contre un même décret ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’une seule décision ;
Sur les interventions du laboratoire Genévrier SA. de la société Pharmafarm SA, du laboratoire Astra France SA, de la SARL Fujisawa et de la société Glaxosmithkline :
Considérant que le laboratoire Genévrier SA, la société Pharmafarm SA, le laboratoire Astra France SA, la SARL Fujisawa et la société Glaxosmithkline ont intérêt à l’annulation du décret attaqué ; qu’ainsi, leurs interventions sont recevables ;
Sur la légalité du décret du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 :
Sur la légalité externe :
Considérant que le décret contesté a été soumis à l’avis des conseils d’administration de la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ces consultations aient été effectuées dans des conditions irrégulières ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de la consultation des conseils d’administration des caisses précitées doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant que les dispositions du III de l’article 12 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l’équilibre financier de la sécurité sociale ont institué une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises pharmaceutiques, dont l’assiette était constituée par leur chiffre d’affaires hors taxes réalisé en 1995 dont étaient retranchées les charges comptabilisées au titre des dépenses afférentes aux opérations de recherche réalisées en France ; que ces dispositions ont été annulées le 15 octobre 1999 par une décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux, qui a tiré les conséquences d’un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 8 juillet 1999 par lequel la cour, saisie d’une question préjudicielle, a jugé incompatible avec le traité instituant la Communauté européenne une législation telle celle définissant l’assiette de la contribution en tant qu’elle ne permettait de déduire que les dépenses de recherche réalisées en France, à l’exclusion de celles réalisées dans les autres Etats de la Communauté européenne ;
Considérant qu’à la suite de cette décision du Conseil d’Etat, les entreprises assujetties à la contribution ont été remboursées des sommes qu’elles avaient versées ; que, toutefois, pour compenser le manque à gagner subi par la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 a institué au profit de la même caisse une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques remboursables et des médicaments agréés à l’usage des collectivités, assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en 1999 à ce titre ; que ne sont plus déductibles de cette assiette les dépenses de recherche ; que sont en revanche exemptées de la contribution, les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en 1999 est inférieur à 100 millions de F, sauf si elles sont filiales à 50 pour 100 au moins d’une entreprise ou d’un groupe dont le chiffre d’affaires consolidé réalisé en France au titre de ces mêmes spécialités dépasse cette limite ; qu’en application de ces dispositions, qui renvoyaient à un décret la fixation du taux de la contribution à un niveau compris entre 1,2 et 1,3 % du chiffre d’affaires considéré, le gouvernement, par le décret attaqué, a fixé ce taux à 1,2 % ;
Considérant que s’il n’est pas contesté que cette contribution a été instaurée, comme il vient d’être dit, afin de compenser intégralement les conséquences financières pour la gestion de la branche assurance maladie de la sécurité sociale de l’annulation et du remboursement corrélatif aux entreprises concernées, de la contribution exceptionnelle instituée en 1996 sur le chiffre d’affaires réalisé en 1995, la nouvelle contribution ne concerne cependant pas les mêmes assujettis, retient une assiette différente, en particulier en ne permettant plus de déduire les dépenses de recherche, et ne prévoit pas les mêmes exonérations que la précédente ;
Considérant par suite qu’il n’y a pas en raison de l’intervention de l’article 30 de la loi précitée, dont le décret attaqué fait application, d’atteinte à la chose jugée par l’arrêt rendu le 8 juillet 1999 par la Cour de justice des communautés européennes, ni davantage de méconnaissance de la chose jugée par le Conseil d’Etat statuant au contentieux dont la décision d’annulation du 15 octobre 1999 concernait une autre imposition ; que dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d’une question préjudicielle, l’argumentation des requêtes qui s’efforce de rattacher la prétendue atteinte à la chose jugée par le juge communautaire et par le juge national à la violation de traités régulièrement introduits dans l’ordre juridique interne ne peut qu’être écartée ; qu’ainsi, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d’une incompatibilité de la loi servant de support au décret attaqué, d’une part, avec les stipulations des engagements internationaux qu’ils invoquent, qu’il s’agisse de l’article 10 du traité instituant la Communauté européenne qui fait obligation aux Etats membres d’assurer l’exécution des obligations découlant du traité, de l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable, de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention relatif au droit de propriété et, d’autre part, avec des principes généraux de l’ordre juridique communautaire déduits du traité instituant la Communauté européenne et ayant la même valeur juridique que ce dernier, qu’il s’agisse du principe de la confiance légitime et du principe de la sécurité juridique applicables aux situations régies par le droit communautaire, du principe de loyauté qui se confond d’ailleurs avec le respect de l’article 10 du traité CE ou encore du principe de primauté, lequel au demeurant ne saurait conduire, dans l’ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution ;
Considérant par ailleurs que la circonstance que certaines entreprises pharmaceutiques auraient bénéficié du gain représenté par la différence entre le montant des sommes remboursées par l’assurance maladie en exécution de la décision précitée du Conseil d’Etat et le montant des sommes payées au titre de la contribution créée par les dispositions contestées ne saurait conduire à faire regarder celles-ci comme constitutives d’une aide d’Etat irrégulière faute d’avoir été notifiée à la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l’article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant enfin que l’assiette de la contribution a été définie en fonction de critères objectifs au regard de la finalité consistant à faire contribuer les entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques au financement de la protection sociale et à l’équilibre financier des organismes qui y concourent ; qu’en particulier, ces critères sont liés à la part prise par ces entreprises dans les dépenses d’assurance maladie des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ; qu’à supposer qu’en raison de l’exemption des entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 100 millions de F, cette contribution frapperait davantage les filiales des laboratoires des autres Etats membres de la Communauté européenne que les laboratoires français, cette circonstance résulterait de l’application de critères objectifs, dépourvus de tout caractère discriminatoire en fonction de la nationalité des entreprises assujetties ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes de questions préjudicielles, les moyens tirés de ce que l’article 30 de la loi précitée serait incompatible avec la prohibition de toute discrimination en raison de la nationalité des ressortissants des Etats membres énoncée à l’article 12 du traité instituant la Communauté européenne et avec le principe de la liberté d’établissement institué par l’article 43 du même traité doivent être écartés ; qu’il en va de même du moyen tiré de l’incompatibilité avec le principe de non-discrimination posé par l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE et les autres requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret du 24 août 2000 fixant le taux de la contribution prévue à l’article 30 de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
Sur les conclusions des requérants et des intervenants tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer aux requérants les sommes qu’ils demandent au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ; que, le laboratoire Astra France SA et la société Glaxosmithkline, intervenants en demande, n’étant pas parties à la présente instance, les dispositions précitées font également obstacle à la condamnation de l’Etat à payer à ceux-ci les sommes qu’ils demandent au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : Les interventions du laboratoire Genévrier SA, de la société Pharmafarm SA, du laboratoire Astra France SA, de la SARL Fujisawa et de la société Glaxosmithkline sont admises.
Article 2 : Les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE, de la SA LABORATOIRES BYK FRANCE, du LABORATOIRE SCHWARZ PHARMA SA, de la SOCIETE GRÜNENTHAL, de la SOCIETE LABORATOIRES LEO, du LABORATOIRE THERAMEX, de la SOCIETE MERCK GENERIQUES, de la SOCIETE SCHERING-PLOUGH, du LABORATOIRE BAYER PHARMA, de la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA, de la -SOCIETE SCHERING SA et de la SOCIETE LUNDBECK SA sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE, à la SA LABORATOIRES BYK FRANCE, au LABORATOIRE SCHWARZ PHARMA SA, à la SOCIETE GRÜNENTHAL, à la SOCIETE LABORATOIRES LEO, au LABORATOIRE THERAMEX, à la SOCIETE MERCK GENERIQUES, à la SOCIETE SCHERING-PLOUGH, au LABORATOIRE BAYER PHARMA, à la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA, à la SOCIETE SCHERING SA, à la SOCIETE LUNDBECK SA, au laboratoire Genévrier SA, à la société Pharmafarm SA, au laboratoire Astra France SA, à la SARL Fujisawa, à la société Glaxosmithkline, au Premier ministre, au ministre de l’emploi et de la solidarité et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.