CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 215649
MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/M. G
M. du Marais, Rapporteur
Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement
Séance du 7 novembre 2001
Lecture du 5 décembre 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 23 décembre 1999 ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler sans renvoi l’arrêt du 26 octobre 1999 de la cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 6 mars 1997, déchargeant M. Alain G des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti pour l’année 1987 au titre de revenus indéterminés ;
Vu les pièces du dossier dont il ressort que la requête a été communiquée à M. G qui n’a pas produit de défense ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, et notamment ses articles 8 et 9 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. du Marais, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. G,
les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu’à la suite de l’examen contradictoire de l’ensemble de sa situation fiscale personnelle pour les années 198 à 1987, M. G a fait l’objet d’un redressement consistant notamment dans la taxation d’office au titre de l’année 1987 de revenus d’origine indéterminée ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit contre l’arrêt du 26 octobre 1999 de la cour administrative d’appel de Bordeaux en tant qu’il a confirmé le jugement du 6 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé l’intéressé du supplément d’impôt sur le revenu correspondant à ce chef de redressement ;
Considérant que pour confirmer la décharge prononcée par le tribunal administratif de Bordeaux des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles M. G a été assujetti au titre de l’année 1987, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est fondée sur la méconnaissance par le service des dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui énoncent, dans la rédaction de ce document applicable à la date du contrôle : "Dans le cadre de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue oral joue également un rôle très important. Mais lorsque des points restent sans explication, une procédure écrite de demande d’éclaircissements ou de justifications, définie de façon précise, est mise en oeuvre. Ce dialogue oral doit vous permettre de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des éléments dont il dispose. Le vérificateur peut, par exemple, constater un excédent des dépenses sur les ressources. Des réponses claires et complètes au vérificateur permettront de montrer que cet excédent ne provient pas de revenus non déclarés et éviteront de prolonger inutilement la durée du contrôle (..)" ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, M. G peut se prévaloir au cours de la phase contentieuse du litige qui l’oppose à l’administration fiscale des dispositions de la charte dès lors qu’elles sont invoquées après le 1er janvier 1988, date d’entrée en vigueur de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l’article 8 de la loi du 8 juillet 1987, alors même que M. G n’en a pas demandé le bénéfice en cours de procédure ;
Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l’examen de la situation fiscale personnelle d’un contribuable au regard de l’impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d’adresser la notification de redressement qui, selon l’article L. 48, marquera l’achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu’il envisage de retenir ; qu’en outre, dans sa version remise à M. G, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l’administration par l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d’avoir recours à la procédure contraignante de demande de justifications visée à l’article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que si la méconnaissance de cette exigence a le caractère d’une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, le caractère oral d’un tel débat n’est pas exigé à peine d’irrégularité de la procédure suivie ; qu’en considérant que l’omission d’un tel débat oral revêtait le caractère d’une irrégularité substantielle de nature à vicier l’ensemble de la procédure, la cour administrative d’appel de Bordeaux a entaché son arrêt d’une erreur de droit, qu’il suit de là que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué, en tant qu’il rejette ses conclusions dirigées contre le jugement du 6 mars 1997 du tribunal administratif de Bordeaux, déchargeant M. G des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti pour l’année 1987 au titre de revenus indéterminés ;
Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. G a reçu le 28 avril 1988 un avis d’examen contradictoire de l’ensemble de sa situation fiscale personnelle au titre des impositions relatives à l’année 1987 ; que cet avis a été suivi le 17 juin 1988 d’un entretien avec le vérificateur portant sur les revenus de l’année 1987 au cours duquel l’intéressé a remis au service divers relevés concernant certains de ses comptes bancaires ; que le vérificateur, par courrier simple du 7 juillet 1988, a accusé réception de ces documents et a demandé au contribuable, sans autres observations, la production des relevés portant sur d’autres comptes bancaires ; qu’ainsi, lorsque le vérificateur a adressé le 23 septembre 1988 à M. G la demande de justifications prévue à l’article L. 16 du livre des procédures fiscales et portant justement sur l’exploitation des relevés de comptes préalablement remis, il est constant que le contribuable n’avait pas été mis à même de discuter avec le service des discordances que celui-ci s’apprêtait à relever à partir des éléments dont il disposait ; que le vérificateur ne peut donc être regardé comme ayant engagé avec M. G un dialogue contradictoire sur les points qu’il envisageait de retenir avant d’avoir recours à la procédure contraignante visée à l’article L. 16 précité ; que, dès lors, le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 6 mars 1997, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. G des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti pour l’année 1987 au titre de revenus indéterminés ;
D E C I D E :
Article 1er : L’article 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux est annulé en tant qu’il rejette le surplus des conclusions de l’appel du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE.
Article 2 : Le surplus des conclusions de l’appel du MINISTRE DE L’ECONOh11E, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE devant la cour administrative d’appel de Bordeaux est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et à M. Alain G.