CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 277560
SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE
Mme Caroline Martin
Rapporteur
Mme Nathalie Escaut
Commissaire du gouvernement
Séance du 19 mai 2008
Lecture du 4 juin 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 février et 14 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE, dont le siège est Z.I. Carrefour de l’Europe à Forbach (57600) ; la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 16 décembre 2004 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté ses requêtes tendant à l’annulation de deux jugements du 30 mai 2000 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1994 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mme Caroline Martin, Conseiller d’Etat,
les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE,
les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SCI DU 10, RUE DE L’EGLISE, qui a pour objet l’acquisition et la location d’immeubles, était soumise au régime des sociétés de personnes prévu à l’article 8 du code général des impôts jusqu’à son option le 31 mars 1992 avec effet rétroactif au 1er janvier de la même année pour l’imposition de ses résultats à l’impôt sur les sociétés ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale, constatant que la valeur des actifs inscrits au bilan de clôture au 31 décembre 1992 différait de celle portée au bilan de clôture de l’exercice précédent, a estimé que la société avait procédé à une réévaluation libre de ses immobilisations à la clôture de l’exercice 1992 et a imposé la plus-value qui en résultait ; que la société demande l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 16 décembre 2004 confirmant les deux jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2000 rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1994 pour des montants de respectivement 1 393 776 F et 537 F ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
Considérant qu’aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts : "Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif à la clôture de l’exercice et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiées." ; qu’aux termes de l’article 38 quinquies de l’annexe III au même code : "Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d’origine. Cette valeur d’origine s’entend : . Pour les immobilisations apportées à l’entreprise par des tiers, de la valeur d’apport" ;
Considérant, en premier lieu, qu’en application des dispositions précitées, une société civile pouvait, lorsqu’elle optait pour l’impôt sur les sociétés avant l’entrée en vigueur du II de l’article 202 ter applicable à compter du 1er janvier 1993 relatif à l’imposition des plus-values latentes en cas de changement de régime d’imposition, inscrire à son bilan d’ouverture ses immobilisations soit pour leur valeur d’origine, c’est-à-dire celle à laquelle elle les avait acquises alors qu’elle était placée sous le régime fiscal des sociétés de personnes, soit pour leur valeur d’apport s’il était constaté un apport au 1er janvier de l’année de changement de régime fiscal ; que, par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit, en déduisant des écritures de la société résultant tant des mentions portées sur ses livres au cours de l’année 1992 que de son bilan au 31 décembre 1991 que la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE, qui n’avait pas produit de bilan d’ouverture au 1er janvier 1992, avait pris une décision de gestion en réévaluant ses immobilisations au 31 décembre 1992, par des opérations diverses à cette date portant sur la réévaluation des immeubles et des terrains ainsi que sur des réajustements du montant des amortissements et sur l’inscription aux comptes courants des associés des sommes correspondant à cette réévaluation à concurrence de leurs droits sociaux, et en jugeant que l’administration était en droit de tirer les conséquences fiscales de cette décision, en application des dispositions de l’article 38 du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que la valeur comptable servant de base au calcul des plus-values est représentée par la valeur d’origine de l’immobilisation diminuée des amortissements pratiqués et admis en déduction pour l’établissement de l’impôt ; que, dans l’hypothèse où une société civile précédemment soumise au régime de l’article 8 du code général des impôts opte pour l’impôt sur les sociétés et réévalue ultérieurement ses immobilisations, les plus-values latentes imposables comprennent notamment les amortissements qui auraient été admis en déduction si la société avait été soumise à l’impôt sur les sociétés dès sa création ; que, par suite, la cour administrative d’appel a pu juger, sans erreur de droit, que l’administration fiscale était en droit, pour le calcul de la plus-value imposable, de prendre en compte les déductions forfaitaires déduites sur le fondement de l’article 31 du code général des impôts, même si elles avaient été pratiquées sous un autre régime fiscal ; qu’en tout état de cause, elle n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit en écartant comme inopérantes les dispositions du b du 2 de l’article 39 duodecies du même code relatif à la fraction des plus-values de cession de biens amortissables acquis depuis plus de deux ans imposable selon le régime des plus-values à court terme et correspondant aux amortissements déduits pour l’assiette de l’impôt ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE doit être rejeté ; qu’en conséquence, les conclusions de la société présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI DU 10 RUE DE L’EGLISE et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.