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THEMES ABORDES :
Les immanquables du droit administratif
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Conseil d’État, 23 juin 1995, Société Anonyme Lilly France

Les autorités de l’État ne peuvent se prévaloir des dispositions d’une directive qui n’ont pas fait l’objet d’une transposition dans le droit interne.

Vu, 1°) sous le n° 149 226, la requête enregistrée le 22 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État, présentée pour la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE, représentée par le président de son directoire ; la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE demande au Conseil d’État d’annuler la décision du 22 avril 1993 par laquelle le ministre délégué à la santé a rejeté sa demande du 26 novembre 1992 tendant à ce que le prix fabricant hors taxe de la spécialité pharmaceutique Prozac 20 soit augmenté de 10 % ;

Vu, 2°) sous le n° 155 083, la requête enregistrée le 10 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État, présentée pour la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE ; la société demande au Conseil d’État d’annuler la décision du 8 novembre 1993 par laquelle le ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville a rejeté sa demande du 9 juillet 1993 tendant à la réévaluation du prix de la spécialité Prozac ; elle demande, en outre, que l’État soit condamné à lui verser une somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu, 3°) sous le n° 162 001, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État le 29 septembre 1994, l’ordonnance en date du 17 août 1994 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’État, en application de l’article R.67 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la demande présentée pour la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la directive du conseil des communautés européennes 89/105/CEE du 21 décembre 1988 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Considérant que les requêtes n° s 149226, 155083 et 162001 présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 149 226 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article L.162-38 du code de la sécurité sociale : "Sans préjudice des dispositions du présent code relatives aux conventions conclues entre les organismes d’assurance maladie et les professions de santé, les ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale peuvent fixer par arrêtés les prix et les marges des produits et les prix de prestations de services pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Cette fixation tient compte de l’évolution des charges, des revenus et du volume d’activité des praticiens ou entreprises concernées..." ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2, second alinéa, de l’arrêté du 4 août 1987, modifié les 12 novembre 1988 et 2 janvier 1990, relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables et pris sur le fondement des dispositions précitées de l’article L.162-38 du code de la sécurité sociale : "Les prix limites modifiés des produits existants sont déposés auprès du ministre de l’économie, des finances et du budget et du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale. Ils s’appliquent au bout de trois mois, sauf opposition signifiée par l’un ou l’autre de ces ministres" ; qu’en application de ces dispositions il appartenait à l’un ou à l’autre de ces ministres, qui avaient été saisis le 26 novembre 1992 d’une demande de la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE tendant à la réévaluation du prix de la spécialité Prozac, s’il entendait faire usage de son pouvoir d’opposition, de signifier celle-ci avant l’expiration du délai de trois mois courant à compter du 26 novembre 1992 ;

Considérant, il est vrai, que la directive du Conseil des communautés européennes n° 89-105 du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d’application des systèmes nationaux d’assurance maladie dispose non seulement, dans le 1er alinéa de son article 3-1, que : "Les États membres veillent à ce qu’une décision relative à une demande d’augmentation du prix d’un médicament, présentée conformément aux conditions fixées dans l’État membre concerné par le titulaire d’une autorisation de commercialisation, soit adoptée et communiquée au demandeur dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de sa réception" mais également, au second alinéa du même article, que : "Si le nombre de demandes est exceptionnellement élevé, le délai peut être prorogé une seule fois de soixante jours. Le demandeur reçoit la notification d’une telle prorogation avant l’expiration du délai" ; qu’en invoquant les termes de ce second alinéa de l’article 3-1 de la directive, le ministre délégué à la santé a, dans une lettre du 12 février 1993, fait connaître à la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE que le délai d’instruction de la demande était prorogé de soixante jours ;

Mais considérant que les autorités de l’État ne peuvent se prévaloir des dispositions d’une directive qui n’ont pas fait l’objet d’une transposition dans le droit interne ; qu’ainsi le ministre délégué à la santé ne pouvait légalement, en invoquant les dispositions précitées du second alinéa de l’article 3-1 de la directive du 21 décembre 1988, lesquelles n’ont pas été transposées en droit interne, proroger le délai d’examen de la demande déposée par la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE ;

Considérant qu’il suit de là qu’à l’expiration du délai de trois mois imparti par les dispositions précitées de l’arrêté modifié du 4 août 1987, lequel délai a commencé à courir le 26 novembre 1992, et en l’absence de toute décision d’opposition signifiée dans ledit délai, le silence gardé par les ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale sur la demande de la société valait décision de non opposition à la hausse de prix sollicitée par la société pour la spécialité Prozac ; que si, dans l’exercice du pouvoir réglementaire qu’ils tiennent de l’article L.162-38 du code de la sécurité sociale et qui leur permet à tout moment de fixer, par arrêté conjoint, le prix des médicaments remboursables, les ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale pouvaient par la suite abroger leur décision de ne pas s’opposer à cette hausse, le ministre délégué à la santé n’était pas compétent pour décider, seul, cette abrogation ; que la décision qu’il a prise le 22 avril 1993 étant ainsi entachée d’incompétence, doit être annulée ;

Sur les requêtes n° 5 155 083 et 162001 :

Considérant qu’à la suite d’une nouvelle demande de la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE en date du 9 juillet 1993 tendant à ce que le prix du Prozac soit réévalué et fixé à un niveau plus élevé que celui sollicité lors de la précédente demande, le ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville a, par une lettre du 8 novembre 1993, fait connaître à la société que son "recours gracieux" en date du 9 juillet 1993 était attribué à la direction de la sécurité sociale chargée du traitement de cette affaire ;

Considérant qu’à l’expiration du délai de trois mois imparti par les dispositions précitées de l’arrêté du 4 août 1987, lequel délai a commencé à courir le 9 juillet 1993, et en l’absence de toute décision d’opposition signifiée dans ledit délai, le silence gardé par les ministres chargés de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale sur la demande de la société valait décision de non opposition à la hausse de prix déposée par la société pour la spécialité Prozac ; que, dans ces conditions, la lettre du 8 novembre 1993 doit être regardée comme constituant une décision mettant fin à la situation juridique née de cette absence d’opposition ; que, si dans l’exercice du pouvoir réglementaire qu’ils tiennent de l’article L.162-38 du code de la sécurité sociale et qui leur permet à tout moment de fixer, par arrêté conjoint, le prix des médicaments remboursables, les ministres concernés pouvaient par la suite abroger leur décision de ne pas s’opposer à la hausse de prix sollicitée, le ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville n’était pas compétent pour décider, seul, cette abrogation ; que la décision qu’il a prise le 8 novembre 1993 étant ainsi entachée d’incompétence, doit être annulée ;

Sur les conclusions des requêtes n° s 155083 et 162001 tendant à l’application des dispositions de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu’il y a lieu de faire application, dans les circonstances de l’espèce, des dispositions de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l’État à payer à la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE une somme de 20 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;

D E C I D E :

Article premier : La décision du ministre délégué à la santé du 22 avril 1993 et la décision du ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville du 8 novembre 1993 sont annulées.

Article 2 : L’État versera à la SOCIÉTÉ ANONYME LILLY FRANCE une somme de 20 000 F au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.

 


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