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Conseil d’Etat, Section, 12 mai 2004, n° 192595, Commune de la Ferté-Milon

Lorsque, en application des dispositions de l’article 1er du décret du 13 avril 1961, une commune et l’Etat conviennent de confier aux services de la direction départementale de l’équipement des travaux d’études, de direction et de surveillance de projets communaux, pour lesquels l’intervention de ce service n’est pas obligatoire, la convention ainsi conclue est un contrat de louage d’ouvrage dont l’inexécution ou la mauvaise exécution est - sous réserve de l’application, le cas échéant, de stipulations particulières - susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat dans les conditions du droit commun, alors même que selon les dispositions susmentionnées cette mission s’exécute "sous l’autorité du maire". Il en va ainsi, notamment, pour la voirie communale.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 192595

COMMUNE DE LA FERTE-MILON

M. Bardou
Rapporteur

M. Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 30 avril 2004
Lecture du 12 mai 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 décembre 1997 et 8 avril 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE LA FERTE-MILON, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE LA FERTE-MILON demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 9 octobre 1997 par lequel la cour administrative d’appel de Nancy, réformant le jugement du 11 juin 1993 du tribunal administratif d’Amiens : - a porté à la somme de 373 644 F, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur en mai 1992 et des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 1986, celle qu’elle avait été condamnée à verser au époux H. en réparation du préjudice qu’ils ont subi du fait de l’effondrement, le 6 juin 1985, du mur de soutènement surplombant leur propriété, - a annulé les articles 5 et 6 du jugement du tribunal administratif d’Amiens condamnant l’Etat à la garantir à concurrence de 10 %, d’une part, des sommes mises à sa charge au profit des époux H. et, d’autre part, du montant des frais et honoraires de l’expert - l’a condamnée à verser aux époux H. la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles ;

2°) de condamner les époux H. à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 48-1530 du 29 septembre 1948 ;

Vu le décret n° 61-371 du 13 avril 1961 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la COMMUNE DE LA FERTE-MILON et de Me Blanc, avocat de M. et Mme H.,
- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 6 juin 1985, le mur qui soutient sur six mètres de hauteur la voie publique dite "route du château" à la Ferté-Milon s’est effondré dans la propriété des époux H., située en contrebas ; que ceux-ci ont demandé à être indemnisés pour la valeur de la reconstruction de cet ouvrage et des dégâts causés par la chute du mur aux bâtiments voisins ; que la COMMUNE DE LA FERTE-MILON a demandé que l’Etat la garantisse de la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit des époux H. ; que la COMMUNE DE LA FERTE-MILON se pourvoit en cassation contre l’arrêt en date du 9 octobre 1997 par lequel la cour administrative de Nancy l’a condamnée à réparer les dommages subis par les époux H. et a rejeté ses conclusions en garantie dirigées contre l’Etat ;

Sur la responsabilité de la commune :

Considérant, en premier lieu, que le mur de soutènement d’une voie publique ne saurait constituer une dépendance du domaine public dès lors que cette construction est édifiée sur une parcelle appartenant à une personne privée ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Nancy n’a pas fait une fausse application des règles gouvernant la charge de la preuve en jugeant que la circonstance que le mur en cause assure le soutènement d’une voie communale ne suffit pas à faire regarder cette construction comme un élément du domaine public ; qu’elle a pu sans erreur de droit, en l’absence de titre de propriété invoqué par la commune, relever qu’il ressortait d’éléments concordants du dossier que le mur en cause était implanté sur le terrain appartenant aux époux H. ; que cette appréciation du juge du fond, qui n’est entachée d’aucune dénaturation des faits de l’espèce, ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en relevant que le dommage trouvait son origine, non dans les pluies d’orages qui se sont abattues à cette date sur la Ferté-Milon mais dans le mauvais état d’entretien de la voirie, la cour a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré par la commune de ce que la force majeure l’exonérerait de sa responsabilité ; que dès lors l’arrêt n’est pas insuffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, que l’évaluation des coefficients de vétusté à appliquer, le cas échéant, aux constructions endommagées pour fixer le montant d’une indemnisation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et n’est pas, en l’absence de dénaturation, susceptible d’être discutée devant le juge de cassation ; que, par suite, les moyens soulevés en ce sens par la commune ne peuvent qu’être rejetés ;

Sur les conclusions de la commune relatives à l’appel en garantie de l’Etat :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret du 13 avril 1961 fixant les conditions d’exercice du concours technique du service des ponts et chaussées en matière de voirie des collectivités locales, applicable en l’espèce : " Lorsque, sur décision de l’assemblée délibérante, le service des ponts et chaussées est chargé du service de la voirie communale, sa mission comprend sous l’autorité du maire, (.) la direction des travaux de grosses réparations et d’entretien en régie ou à l’entreprise (.) et de manière générale, toutes diligences nécessaires à une bonne et complète gestion " ; que, lorsque, en application de ces dispositions, une commune et l’Etat conviennent de confier aux services de la direction départementale de l’équipement des travaux d’études, de direction et de surveillance de projets communaux, pour lesquels l’intervention de ce service n’est pas obligatoire, la convention ainsi conclue est un contrat de louage d’ouvrage dont l’inexécution ou la mauvaise exécution est - sous réserve de l’application, le cas échéant, de stipulations particulières, - susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat dans les conditions du droit commun, alors même que selon les dispositions précitées cette mission s’exécute "sous l’autorité du maire" ; qu’il en va ainsi, notamment, pour la voirie communale ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par délibération en date du 14 septembre 1961 approuvée le 4 mai 1962 la COMMUNE DE LA FERTE-MILON a chargé le service des ponts et chaussées de la gestion de la voirie locale ; que ce concours facultatif a été obtenu en application des dispositions précitées de l’article 1er du décret du 13 avril 1961 ; qu’il suit de là que la COMMUNE DE LA FERTE-MILON est fondée à soutenir que l’arrêt de la cour est entaché d’erreur de droit en ce qu’il a rejeté sa demande d’appel en garantie de l’Etat au motif que la responsabilité de l’Etat ne pouvait être engagée à raison de cette gestion de la voirie qu’en cas de faute d’un agent de la direction départementale de l’équipement refusant ou négligeant d’exécuter un ordre de l’autorité municipale ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu pour le Conseil d’Etat de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que s’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que l’effondrement du mur trouve sa cause dans le manque d’efficacité du cordon bitumineux mis en place en 1965 par les services de l’équipement en bordure de la "route du château" pour empêcher les eaux de ruissellement de pénétrer dans ce mur, la COMMUNE DE LA FERTE-MILON ne présente pas à l’appui de ses conclusions d’appel d’argumentation de nature à établir que la garantie de l’Etat devrait être portée au-delà du pourcentage, fixé par le tribunal administratif, de 10 % du montant de l’indemnisation mise à la charge de la commune en raison des dommages causés par l’ouvrage public aux biens des époux H. ; que, par suite, ses conclusions en ce sens doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE LA FERTE-MILON qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante la somme que les époux H. demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge des époux H. la somme que la COMMUNE DE LA FERTE-MILON demande à ce titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative de Nancy en date du 9 octobre 1997 est annulé en tant qu’il statue sur les conclusions relatives à l’appel en garantie de l’Etat.

Article 2 : Les conclusions mentionnées à l’article 1er ci-dessus, de la requête présentée par la COMMUNE DE LA FERTE MILON devant la cour administrative d’appel de Nancy, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d’Etat sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions des époux H. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LA FERTE-MILON, à M. et Mme Jean-Claude H. et au ministre de l’équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

 


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