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Conseil d’Etat, 8 mars 2004, n° 248094, Fereshteh M.

Les actes de l’état civil sont opposables à tous les tiers lorsqu’ils sont régulièrement établis et publiés. Un contribuable est par suite toujours recevable à se prévaloir devant le juge de l’impôt de sa situation matrimoniale telle qu’elle ressort de tels actes, alors même qu’il a établi sa situation fiscale sur le fondement d’une situation matrimoniale différente.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 248094

Mme M.

M. Boulard
Rapporteur

M. Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 16 février 2004
Lecture du 8 mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 23 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Fereshteh M. ; Mme M. demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 9 avril 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé à l’encontre du jugement du 19 novembre 1996 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande ainsi que celle de son mari tendant à la décharge de l’impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1984 et 1986 et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulard, Conseiller d’Etat,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme M.,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. et Mme M., de nationalité iranienne, ont fait l’objet d’une vérification d’ensemble de leur situation fiscale au titre des années 1984, 1985 et 1986 à l’issue de laquelle ils ont été, ensemble, imposés d’office à raison de revenus regardés comme d’origine inexpliquée ; que Mme M. demande l’annulation de l’arrêt en date du 9 avril 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement du 19 novembre 1996 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des impositions communes auxquelles elle a été assujettie avec M. M. ;

Considérant que les actes de l’état civil sont opposables à tous les tiers lorsqu’ils sont régulièrement établis et publiés ; qu’un contribuable est par suite toujours recevable à se prévaloir devant le juge de l’impôt de sa situation matrimoniale telle qu’elle ressort de tels actes, alors même qu’il a établi sa situation fiscale sur le fondement d’une situation matrimoniale différente ; que la cour administrative d’appel de Paris a donc commis une erreur de droit en jugeant que Mme Becharat, ancienne épouse de M. M., ne pouvait se prévaloir, pour la première fois devant le juge administratif, de son divorce intervenu le 30 avril 1983, au motif que M. et Mme M. s’étaient jusqu’alors toujours présentés comme mariés y compris dans leurs déclarations fiscales ; que Mme M. est donc fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de la traduction, par un traducteur juré près la cour d’appel de Versailles d’un acte de divorce enregistré à Téhéran le 30 avril 1983, que Mme Fereshteh Becharat a divorcé de M. Mohammad M. en 1983 ; que cette situation faisait obstacle à ce qu’elle fît l’objet avec M. M. d’une imposition commune à l’impôt sur le revenu au titre des années 1984, 1985 et 1986 ; que Mme M., dont il n’est pas allégué qu’elle ait des revenus personnels imposables, est par suite fondée à demander l’annulation du jugement en date du 19 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé de la décharger des impositions auxquelles elle a été assujettie en qualité d’épouse de M. M. au titre desdites années ;

Considérant qu’il y a lieu de faire application, dans les circonstances de l’espèce, des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de Mme M. au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 9 avril 2002 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 19 novembre 1996 sont annulés en tant qu’ils rejettent les conclusions de Mme M..

Article 2 : Il est accordé à Mme M. décharge de l’impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986.

Article 3 : L’Etat versera à Mme M. la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Fereshteh M. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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