CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 291064
EURL SEURLIN IMMOBILIER
M. Jean-Marc Anton
Rapporteur
M. Laurent Olléon
Commissaire du gouvernement
Séance du 17 septembre 2008
Lecture du 7 novembre 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 7 mars 2006, 7 juillet 2006 et 6 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’EURL SEURLIN IMMOBILIER, dont le siège est 28, avenue de Messine à Paris (75008) ; l’EURL SEURLIN IMMOBILIER demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 30 décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 20 novembre 2001 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 et des pénalités correspondantes ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Jean-Marc Anton, Auditeur,
les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l’EURL SEURLIN IMMOBILIER,
les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’EURL SEURLIN IMMOBILIER, qui avait une activité de marchand de biens, de prestataire de services dans le domaine immobilier, d’achat-revente d’actions et de parts sociales de sociétés non cotées en bourse, a acquis la totalité des titres de deux sociétés détenues par des membres d’une même famille répartis en quatre groupes et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux honoraires de courtage portés sur une facture d’un montant de 2 609 200 F toutes taxes comprises établie par la société de droit belge Mastra, en tant qu’intermédiaire d’un des groupes familiaux dans le cadre des négociations de cession ; qu’elle s’est vu remettre en cause, à l’issue d’une vérification de comptabilité, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette facture d’honoraires et mettre à sa charge, en application du I de l’article 289 A du code général des impôts, le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée que la société Mastra aurait dû acquitter en application des dispositions combinées des 3 et 4 de l’article 283 du code général des impôts ; qu’elle demande l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en date du 30 décembre 2005 confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 novembre 2001 rejetant sa demande en réduction des rappels de taxe mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 et des pénalités correspondantes ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 19 septembre 2007, postérieure à l’introduction du pourvoi, le chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d’Ile-de-France Ouest a prononcé le dégrèvement d’une somme de 62 382, 14 euros en droits et 10 293, 05 euros en pénalités au titre du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à la charge de l’EURL SEURLIN IMMOBILIER pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990 ; que, dans cette mesure, les conclusions du pourvoi sont devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions du pourvoi :
Considérant, en premier lieu, que la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l’administration n’aurait pas établi, par les éléments dont elle se prévalait, le caractère fictif de la facture émise par la société Mastra ; que, dès lors qu’elle a jugé que l’EURL SEURLIN IMMOBILIER ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée en l’absence de prestation fournie par cette société, elle n’était pas tenue de répondre au moyen devenu inopérant tiré de ce que la taxe était déductible en fonction du prorata applicable à la société requérante en tant que redevable partiel ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’après avoir relevé que le ministre faisait valoir que l’EURL SEURLIN IMMOBILIER ne fournissait pas de document écrit attestant des négociations au nom de l’un des groupes familiaux, que des prestations de même nature avaient été facturées par d’autres sociétés pour la même opération de cession et que les informations obtenues de l’administration fiscale belge dans le cadre de l’assistance administrative révélaient que le siège social de la société Mastra qui n’avait ni produit de déclaration de résultats pour 1990 ni présenté de documents comptables n’était qu’une "boîte aux lettres", la cour, qui n’a pas estimé que la facture était de complaisance et ne s’est pas fondée seulement sur le caractère fictif de la société Mastra, n’a pas dénaturé les pièces du dossier, en jugeant que, compte tenu de ces éléments, il appartenait à l’EURL SEURLIN IMMOBILIER de justifier que la prestation avait réellement été exécutée, même si elle a omis de mentionner que la société Mastra se présentait comme régulièrement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la cour n’a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que les attestations établies en 1992 émanant du gérant de la société Mastra et d’un des vendeurs des actions ne sauraient à elles seules établir la réalité des prestations, en l’absence d’éléments probants émanant de la société requérante ; qu’elle n’a pas méconnu les articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et l’article 223-1 de l’annexe II au code dès lors que la société requérante ne peut être regardée comme ayant ignoré que la taxe n’était pas déductible, en l’absence de prestation ;
Considérant, en troisième lieu, qu’après avoir relevé que le ministre démontrait que la société requérante avait versé volontairement des honoraires à la société de droit belge sans qu’ait été exécuté un service correspondant à cette facture, la cour a pu en déduire, sans commettre d’erreur de qualification juridique, que l’application des pénalités pour mauvaise foi était justifiée ;
Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par l’EURL SEURLIN IMMOBILIER et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de l’EURL SEURLIN IMMOBILIER à concurrence du dégrèvement prononcé le 19 septembre 2007.
Article 2 : L’Etat versera à l’EURL SEURLIN IMMOBILIER la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l’EURL SEURLIN IMMOBILIER est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’EURL SEURLIN IMMOBILIER et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.