TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
N°s 9920574/7, 0009720/7
STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (GTS)
Mme VINOT
Rapporteur
M. TROUILLY
Commissaire du Gouvernement
Audience du 22 mai 2003
Lecture du 19 juin 2003
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal administratif de Paris,
(7ème section, 2ème chambre),
1°) Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 1999 sous le n° 9920574, présentée pour la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.), dont le siège est Stawinskylaan 425 NL1077X, AMSTERDAM, par la SCP Delaporte - Briard, avocat au Conseil d’État ; la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) demande que le Tribunal :
annule la décision du 23 septembre 1999 par laquelle le directeur général de l’Autorité de Régulation des Télécommunications a rejeté son opposition à paiement et sa demande d’annulation de la taxe annuelle de gestion et de contrôle, d’un montant de 3 500 000 F, qui lui a été réclamée en application de l’article 45 modifié de la loi de finances pour 1987 ;
annule le titre de perception qui a été émis à son encontre ainsi, en tant que de besoin, que la facture émise le ler décembre 1998 par l’Autorité de Régulation des Télécommunications en vue du paiement la taxe annuelle de gestion et de contrôle litigieuse ;
lui accorde la décharge de la taxe annuelle de gestion et de contrôle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 1998 ;
condamne l’État à lui verser la somme de 49 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu le mémoire enregistré le 2 mai 2000 présenté pour l’autorité de régulation des télécommunications (A.R.T.) par Me Tran Thiet, avocat, qui conclut au rejet de la requête et demande également au tribunal de condamner la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) à lui payer la somme de 58 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu le mémoire enregistré le 9 novembre 2001 présenté pour l’autorité de régulation des télécommunications (A.R.T. ) par Me Tran Thit, avocat ; l’A.R.T. maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête et porte à 81328 F la somme qu’elle demande au titre des frais irrépétables ;
2°) Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2000 sous le n° 0009720, présentée pour la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.), dont le siège est Stawinslcylaan 425 NL1077X, AMSTERDAM, par la SCP Delaporte - Briard, avocat au Conseil d’Etat ; la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) demande que le Tribunal :
annule la décision du 14 avril 2000 par laquelle le directeur général de l’Autorité de Régulation des Télécommunications a rejeté son opposition à paiement et sa demande d’annulation de la taxe annuelle de gestion et de contrôle, d’un montant de 3 500 000 F, qui lui a été réclamée en application de l’article 45 modifié de la loi de finances pour 1987 ;
annule le titre de perception qui a été émis à son encontre ainsi, en tant que de besoin, que la facture émise le 28 décembre 1999 par l’Autorité de Régulation des Télécommunications en vue du paiement la taxe de gestion et de contrôle litigieuse ;
lui accorde la décharge de la taxe annuelle de gestion et de contrôle à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 1999 ;
condamne l’Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu le mémoire enregistré le 9 novembre 2001 présenté pour l’autorité de régulation des télécommunications (A.R.T.) par Me Tran Thiet, avocat, qui conclut au rejet de la requête et demande également au tribunal de condamner la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) à lui verser une somme de 58 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté européenne ;
Vu la directive 97/13/CEE du 10 avril 1997 relative à un cadre communautaire pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications ;
Vu la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987, et notamment son article 45 ;
Vu la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 portant loi de finances pour 1997, et notamment son article 36 ;
Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de
finances pour 1998, et notamment son article 38 ;
Vu l’arrêté du 22 octobre 1997 portant règlement de comptabilité publique pour la désignation d’un ordonnateur principal délégué ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 mai 2003
le rapport de Mme Vinot, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;
Après en avoir délibéré ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 9920574 et n° 0009720 présentées pour la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (GTS) présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;
Sur les conclusions à fin d’annulation et de décharge :
Sur le moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions de l’article 45 de la loi de finances du 30 décembre 1986, modifié par la loi du 30 décembre 1997, avec l’article 11 de la directive du conseil des communautés européennes du 10 avril 1997, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requête :
Considérant qu’aux termes de l’ex-article 100 A du traité instituant la communauté européenne, devenu article 95 : " (...) Le Conseil (...) arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (..) ; qu’aux termes de l’article 11 de la directive du conseil des communautés européennes en date du 10 avril 1997 prise pour la mise en oeuvre, en ce qui concerne le secteur des services de télécommunications, de ces stipulations : « Taxes et redevances applicables aux licences individuelles -1. Les Etats membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pourf objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application des licences individuelles applicables. Les taxes applicables à une licence individuelle sont proportionnelles au volume de travail requis et sont publiés d’une manière appropriée et suffisamment détaillée pour que les informations soient facilement accessibles. (..) » ;
Considérant qu’au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation des deux décisions par lesquelles le secrétaire général de l’autorité de régulation des télécommunications (A.R.T.) lui a demandé de payer à cette autorité, pour le compte du budget de l’Etat, la somme de 3 500 000 F respectivement pour les années 1998 et 1999, au titre de la taxe annuelle de gestion et de contrôle des autorisations due par les réseaux ouverts au public instituée par l’article 45 de la loi de fmances du 30 décembre 1986 modifié, la société requérante soutient que cette taxe, eu égard aux montants des forfaits fixés par l’article 22 de la loi de finances du 30 décembre 1997, n’est pas proportionnelle au volume du travail administratif requis par la gestion et le contrôle des licences individuelles délivrées et, par suite, que ledit article 22 méconnaît les dispositions susénoncées de l’article 11 de la directive du conseil des communautés européennes du 10 avril 1997 ;
Considérant que l’article 22 de la loi de finances du 30 décembre 1997, adoptée postérieurement à la date du 27 mai 1997 à laquelle est entrée en vigueur la directive du 10 avril 1997, a, simultanément, modifié l’organisation des forfaits de la taxe annuelle de gestion et de contrôle fixés par l’article 36 de la loi de fmances du 30 décembre 1996, et augmenté le montant de ces forfaits, en portant notamment celui applicable aux réseaux couvrant au plus une région de 400 000 F à 1000 000 F, celui applicable aux réseaux couvrant plus de cinq régions de 400 000 F à 3 500 000 F, et celui applicable aux réseaux à couverture nationale de 1000 000 F à 3 500 000 F ; qu’au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de l’article 11 de la directive du 10 avril 1997 la société requérante fait valoir, notamment, que dans aucun autre Etat membre la taxe en cause n’est aussi élevée qu’en France et que, par exemple, calculé sur une période de 15 ans, et pour des prestations équivalentes, le montant qui lui est réclamé par l’autorité de contrôle des télécommunications est dix fois supérieur à celui qu’elle doit acquitter en Allemagne ; que dans sa défense l’autorité de régulation des télécommunications n’apporte aucun élément tendant à établir que la taxe litigieuse satisferait à l’exigence de proportionnalité instituée par l’article 11 précité ; qu’ il ne ressort ni des pièces versées au dossier, ni des travaux préparatoires de la loi de finances du 30 décembre 1997, que les forfaits de la taxe litigieuse fixés par cette loi auraient été calculés de sorte qu’il n’y ait pas un écart manifestement excessif entre le produit total prévisible de la taxe annuelle de gestion et de contrôle des autorisations due par. les réseau ouverts au public et les charges totales induites par le travail de gestion et de contrôle requis par lesdites autorisations ; qu’ au surplus, alors que la société requérante soutient, dans son mémoire enregistré le 29 mai 2001, que la circonstance que le montant de la taxe en cause a été réduit de moitié par la loi de finances du 31 décembre 1999, puis de nouveau de moitié par celle du 30 décembre 2000, tend à prouver le caractère disproportionné des forfaits en vigueur pour les années 1998. et 1999, l’autorité de régulation des télécommunications n’apporte aucun élément tendant à établir que cette forte diminution, postérieure à la période au titre de laquelle les sommes litigieuses ont été réclamées à la société requérante, serait elle-même proportionnée à la réduction des frais administratifs de gestion et de contrôle des autorisations délivrées aux réseaux ouverts au public ;
Considérant qu’il suit de là que la loi du 30 décembre 1997 a augmenté les forfaits de la taxe annuelle de gestion et de contrôle des autorisations dues par les réseaux ouverts au public dans des conditions méconnaissant les objectifs fixés par l’article 11 de la directive du 10 aval 1997 ; que dès lors les décisions du ler décembre 1998 et du 28 décembre 1999 par lesquelles le secrétaire général de l’autorité de régulation des télécommunications a demandé à la société requérante de payer à cette autorité, pour le compte du budget de l’Etat, deux fois la somme de 3 500 000 F sur le fondement de cette loi, sont dépourvues de base légale ; que par suite, ainsi que la société GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) le demande, il y a lieu d’annuler ces décisions, ensemble celles du 23 septembre 1999 et du 14 avril 2000 par lesquelles le directeur général de l’autorité de régulation des télécommunications a rejeté les réclamations qui lui avaient été présentées par la société requérante, et de prononcer la décharge des sommes mises à sa charge par l’autorité de régulation des télécommunications, pour un montant total de 7 000 000 F soit 1067143,10 euros (un million soixante sept mille cent quarante trois euros et dix centimes ) ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du-code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant, d’une part, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’État (autorité de régulation des télécommunications) à payer à la société requérante une somme de 7 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d’autre part, qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l’autorité de régulation des télécommunications doivent dés lors être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Les décisions du 1er décembre 1998 et du 28 décembre 1999 par lesquelles le secrétaire général de l’autorité de régulation des télécommunications a demandé à la société requérante de lui payer pour le compte du budget de l’État deux fois la somme de 3 500 000 F sont annulées, ensemble les décisions du 23 septembre 1999 et du 14 avril 2000 par lesquelles le directeur général de cette autorité a rejeté les réclamations qui lui étaient présentées par la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.). La STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) est déchargée de la somme totale de 1 067 143, 10 euros (un million soixante sept mille cent quarante trois euros et dix centimes ) qui avait été mise à sa charge par l’autorité de régulation des télécommunications.
Article 2 : L’État (autorité de régulation des télécommunications) versera à la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (G.T.S.) une somme de 7 500 (sept mille cinq cent) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l’autorité de régulation des télécommunications tendant à la condamnation de la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (GTS) au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la STE GLOBAL TELESYSTEM EUROPE BV (GTS), et à l’autorité de régulation des télécommunications (A.R.T.). Copie en sera adressée au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.