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Conseil d’Etat, 19 mai 2008, n° 305970, Association française des opérateurs de réseaux et services de télécommunications (AFORST)

Dans le cadre de la transposition des objectifs de cette directive, le législateur n’a exclu aucune catégorie d’opérateurs exerçant une activité dans le secteur de l’annuaire universel ou du service universel de renseignements, de la possibilité d’accéder aux données mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 34 du code des postes et des communications électroniques.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 305970

ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST)

Mme Catherine Chadelat
Rapporteur

M. Frédéric Lenica
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 avril 2008
Lecture du 19 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 24 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST), dont le siège est 165, boulevard Haussman à Paris (75008) ; l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 8 mars 2007 par lequel le ministre délégué à l’industrie a homologué la décision n° 2006-0639 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en date du 30 novembre 2006 précisant les conditions de mise à disposition des listes d’abonnés et d’utilisateurs à des fins d’édition d’annuaires universels ou de fourniture de services universels de renseignements ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat (ARCEP) le versement de la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

Vu la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS (AFORST),

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 34 du code des postes et des communications électroniques : " La publication des listes d’abonnés ou d’utilisateurs des réseaux ou services de communications électroniques est libre, sous réserve de la protection des droits des personnes./ Parmi les droits garantis figurent ceux pour toute personne d’être mentionnée sur les listes d’abonnés ou d’utilisateurs publiées dans les annuaires ou consultables par l’intermédiaire d’un service de renseignements ou de ne pas l’être, de s’opposer à l’inscription de certaines données la concernant dans la mesure compatible avec les nécessités de la constitution des annuaires et des services de renseignements auxquels ces listes sont destinées, d’être informée préalablement des fins auxquelles sont établis, à partir de ces listes, des annuaires et services de renseignements et des possibilités d’utilisation reposant sur des fonctions de recherche intégrées à leur version électronique, d’interdire que les informations nominatives la concernant soient utilisées dans des opérations commerciales, ainsi que de pouvoir obtenir communication desdites informations nominatives et exiger qu’elles soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées, dans les conditions prévues aux articles 39 et 40 de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés./ Le consentement préalable des abonnés à un opérateur de téléphonie mobile est requis pour toute inscription dans les listes d’abonnés ou d’utilisateurs établies par leur opérateur mobile, destinées à être publiées dans les annuaires ou consultables par l’intermédiaire d’un service de renseignements, de données à caractère personnel les concernant./ Sur toute demande présentée en vue d’éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements, même limitée à une zone géographique déterminée, les opérateurs sont tenus de communiquer, dans des conditions non discriminatoires et à un tarif reflétant les coûts du service rendu, la liste de tous les abonnés ou utilisateurs auxquels ils ont affecté, directement ou par l’intermédiaire d’un distributeur, un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation téléphonique prévu à l’article L. 44. Les données communiquées portent soit sur l’ensemble des abonnés et des utilisateurs de l’opérateur, soit sur ceux qui sont domiciliés dans la ou les communes de la zone géographique faisant l’objet de la demande. Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les modalités d’application du présent alinéa.(.) " ; qu’aux termes de l’article L. 36-6 du même code : " Dans le respect des dispositions du présent code et de ses règlements d’application, (.) l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise les règles concernant :/ 1º Les droits et obligations afférents à l’exploitation des différentes catégories de réseaux et de services, en application de l’article L. 33-1 (.) " ; qu’aux termes de ce dernier article : " . L’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont soumis au respect de règles portant sur :/ . h) la fourniture des informations prévues à l’article L. 34 (.) " ;

Considérant que la décision de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en date du 30 novembre 2006, homologuée par l’arrêté attaqué, a pour objet de préciser, sur le fondement des dispositions susmentionnées, les conditions dans lesquelles les opérateurs de communications électroniques doivent satisfaire à l’obligation de communiquer les listes de leurs abonnés ou utilisateurs de services en vue de l’édition d’un annuaire universel ou de la fourniture d’un service universel de renseignements ;

Considérant qu’aux termes du 3 de l’article 6 de la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel : " Les Etats membres veillent à ce que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone aux abonnés répondent à toutes les demandes raisonnables relatives à la fourniture des informations pertinentes. " ; que, dans le cadre de la transposition des objectifs de cette directive, le législateur n’a exclu aucune catégorie d’opérateurs exerçant une activité dans le secteur de l’annuaire universel ou du service universel de renseignements, de la possibilité d’accéder aux données mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 34 du code des postes et des communications électroniques ; qu’ainsi, en indiquant que les " opérateurs intermédiaires souhaitant offrir un service d’accès à la requête " étaient au nombre des personnes, mentionnées au premier alinéa du I de l’article R. 10-4 du même code, qui étaient susceptibles de bénéficier de ce service, l’auteur de la décision attaquée s’est borné à faire application de dispositions législatives, dont l’association requérante n’établit, ni même n’allègue, qu’elles seraient incompatibles avec les objectifs de la directive susvisée ;

Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article R. 10-4 du code des postes et des communications électroniques : " . Les modalités d’accès à cette base de données, le format des données ainsi que les caractéristiques du fichier mentionné au deuxième alinéa sont définis par accord entre le demandeur et l’opérateur. " ; que l’article 5 de la décision attaquée prévoit que les listes communiquées par les opérateurs en application de l’article L. 34 du code des postes et des communications électroniques doivent contenir l’ensemble des " champs ", c’est-à-dire des catégories de données, définies en annexe à cette décision ; que, par cet article, l’ARCEP s’est bornée à adopter un ordre de présentation logique à appliquer à la communication des données relatives aux abonnés ou aux utilisateurs ; que cette disposition n’implique ni que les abonnés ou utilisateurs soient tenus de remplir l’ensemble des " champs " mis à leur disposition, ni que les opérateurs de communications électroniques soient obligés de communiquer d’autres informations que celles définies au I de l’article R. 10-3 du code des postes et des communications électroniques, ni même que les opérateurs doivent soumettre la transmission des données à un format technique imposé par l’autorité de régulation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que celle-ci aurait porté atteinte au principe de liberté contractuelle affirmé à l’article R. 10-4 précité, ne peut qu’être écarté ;

Considérant que l’article 6 de la décision attaquée dispose que, " lors de tout abonnement, puis à chaque demande de modification par un abonné ou un utilisateur concernant une inscription à l’annuaire, l’opérateur doit s’assurer que l’abonné ou l’utilisateur est informé de l’ensemble de ses droits et options d’inscription relatifs à la parution dans l’annuaire universel " ; que ce même article prévoit que l’abonné d’un service de téléphonie mobile doit recevoir de l’opérateur le moyen de donner son accord à l’inscription de ses données personnelles sur une liste publiable ou consultable et de modifier l’ensemble de ces données ; qu’en définissant ainsi la nature de l’obligation mise à la charge de l’opérateur, l’auteur de la décision attaquée a seulement précisé les modalités d’exercice des droits reconnus à cette catégorie d’abonnés ou d’utilisateurs par les articles L. 34 et R. 10 du code des postes et des communications électroniques ;

Considérant que l’article 7 de la décision attaquée impose à l’opérateur de conserver pendant sept jours calendaires les informations nécessaires à la conservation du numéro d’un abonné lorsque celui-ci résilie son abonnement ; qu’une telle disposition permet aux abonnés d’exercer pleinement auprès de l’opérateur leur droit à la publication des données personnelles les concernant, résultant de l’article L. 34 du code, ainsi que celui de conserver leur numéro en cas de changement d’opérateur, reconnu par l’article L. 44 du même code, sans créer une obligation nouvelle à la charge des opérateurs ;

Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 33-1, L. 34 et L. 36-6 du code des postes et des communications électroniques que la décision attaquée pouvait préciser, dans ses articles 8 à 12 et dans l’annexe n° 2, les règles selon lesquelles la fourniture des listes prévues à l’article L. 34 devait être réalisée par l’opérateur à un tarif reflétant le coût du service rendu, ainsi que l’exige cet article, et retenir, de ce fait, sans porter atteinte au principe de liberté contractuelle, que seuls les coûts incrémentaux, à savoir les coûts correspondant aux opérations nécessaires à la fourniture d’un service supplémentaire, devaient être pris en compte ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 10-6 du code des postes et des communications électroniques : " La communication des listes d’abonnés et d’utilisateurs, par application du quatrième alinéa de l’article L. 34, donne lieu à rémunération des opérateurs ayant communiqué ces données./ Les tarifs de cette communication, qui reflètent le coût du service rendu, sont établis par chaque opérateur selon les principes suivants :/ 1. Les coûts pris en compte pour la fixation du tarif sont ceux qui sont causés, directement ou indirectement, par la fourniture des listes d’abonnés. Ces coûts peuvent notamment comprendre une part liée à l’amortissement du matériel informatique et des logiciels nécessaires et une rémunération normale des capitaux employés./ 2. Les coûts qui sont spécifiques à la fourniture des listes d’abonnés sont entièrement pris en compte dans la fixation du tarif. Les coûts liés à d’autres activités de l’opérateur en sont exclus " ; que, si l’ARCEP a présenté, à l’annexe 2 de la décision attaquée, les tableaux d’évaluation des coûts pertinents, auxquels elle n’a apporté aucune modification, et si ces tableaux servent de référence à l’établissement des tarifs pour les opérateurs, il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l’article 8 de la décision attaquée que ce modèle est proposé, à titre facultatif, aux opérateurs pour la fixation des tarifs ; que, par suite, l’annexe n° 2 n’avait pas pour objet et n’aurait pu, d’ailleurs, avoir légalement pour effet d’imposer un encadrement tarifaire supplémentaire par rapport à celui résultant de l’article R. 10-6 précité ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat (ARCEP), qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS la somme que l’ARCEP demande au titre de ces frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’ARCEP tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES OPERATEURS DE RESEAUX ET SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS, à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et au ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

 


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