CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N°s 245677, 245701
M. N.
UNION NATIONALE C.G.T. DES AFFAIRES SOCIALES
M. Aguila
Rapporteur
M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement
Séance du 8 décembre 2003
Lecture du 30 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu, 1°), sous le n° 245677, la requête enregistrée le 26 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Trong Lân N. ; M. N. demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2002-254 du 22 février 2002 relatif à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ;
Vu, 2°), sous le n° 245701, la requête enregistrée le 26 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’UNION NATIONALE C.G.T. DES AFFAIRES SOCIALES, dont le siège est 50 ter, rue de Malte à Paris (75011) ; l’UNION NATIONALE C.G.T. DES AFFAIRES SOCIALES demande au Conseil d’Etat d’annuler le décret n° 2002-254 du 22 février 2002 relatif à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, ensemble les directives 77/187/CEE du 14 février 1977 et 98/50/CE du 29 juin 1998 qu’elle codifie ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;
Vu la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Aguila, Maître des Requêtes,
les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. N. et de l’UNION NATIONALE C.G.T. DES AFFAIRES SOCIALES sont dirigées contre le même décret ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que le décret attaqué qui définit les missions de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et fixe les règles d’organisation et de fonctionnement de ce nouvel établissement public, substitué à l’Office de protection contre les rayonnements ionisants, établissement public à caractère administratif, et à l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, service du commissariat à l’énergie atomique, a été pris pour l’application et sur le fondement des dispositions de l’article 5 de la loi du 9 mai 2001, aux termes desquelles : "L’Office de protection contre les rayonnements ionisants et l’Institut de protection et de sûreté nucléaire sont réunis au sein d’un établissement public industriel et commercial dont le personnel est régi par les dispositions du code du travail, dénommé Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. / Un décret en Conseil d’Etat détermine les modalités du transfert de ces organismes et le statut du nouvel établissement public. Il précise quelles sont, parmi les missions exercées par les deux organismes réunis, celles qui doivent revenir à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (...)" ; que, par suite, M. N. n’est pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait intervenu en méconnaissance des dispositions de l’article 34 de la Constitution qui réservent à la loi la création de nouvelles catégories d’établissements publics ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le "comité national" qui exerce au sein du Commissariat à l’énergie atomique, les attributions confiées par le code du travail au comité d’entreprise, a été informé du projet de réforme de l’organisation administrative en matière de radioprotection et de sûreté nucléaire ; que par suite, le moyen tiré par M. N. de ce que l’intervention du décret qu’il attaque n’aurait pas été précédée de la procédure de consultation des représentants des salariés prévue par les dispositions de l’article L. 432-1 du code du travail, qui ont pour effet d’assurer la transposition de la directive susvisée du 12 mars 2001, manque en fait ; qu’il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 431-5-1 du code du travail, qui prévoient que le chef d’entreprise ne peut procéder à une annonce publique appelant des mesures de mise en œuvre de nature à affecter les conditions de travail et d’emploi des salariés qu’après avoir informé le comité d’entreprise ;
Considérant qu’aux termes de l’article 15 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : "Dans toutes les administrations de l’Etat et dans tous les établissements publics ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques paritaires. Ces comités connaissent des problèmes relatifs à l’organisation et au fonctionnement des services, au recrutement des personnels et des projets de statuts particuliers (...)" ; que la création de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire par réunion de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants, et de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire ne s’est traduite, quelles que soient les modalités de la tutelle qui s’exerçait sur l’Office de protection contre les rayonnements ionisants et celles de la tutelle qui s’exerce désormais sur l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, par aucune modification de l’organisation ou du fonctionnement des services du ministère de l’emploi et de la solidarité ; que, dès lors, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir qu’en l’absence de consultation du comité technique paritaire de ce ministère, le décret attaqué a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu’aucune des dispositions du décret attaqué, qui définit les missions de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, fixe ses règles d’organisation et de fonctionnement et précise les conditions de sa création, n’est de nature à porter atteinte à l’indépendance des professeurs de l’enseignement supérieur, à la protection du secret médical ou à la liberté d’expression ; que, par suite, les moyens tirés par M. N. de la méconnaissance de ces règles ou principes ne peuvent qu’être écartés ;
Considérant que l’article 5 précité de la loi du 9 mai 2001 a confié à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser quelles sont, parmi les missions exercées par les deux organismes réunis, celles qui doivent revenir à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ; qu’en choisissant d’attribuer les compétences antérieurement exercées par l’Office de protection contre les rayonnements ionisants en matière de contrôle et de constatation des infractions non pas à cet institut, mais à la nouvelle direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, créée par le décret n° 2002-255 du 22 février 2002, l’auteur du décret litigieux n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant, de même, que l’auteur du décret attaqué n’a pas entaché celui-ci d’une erreur manifeste d’appréciation en ne faisant pas figurer le ministre chargé du travail parmi les ministres chargés de la tutelle de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ;
Considérant, enfin, que le ministre chargé de la santé dispose d’un pouvoir d’opposition en ce qui concerne les délibérations du conseil d’administration relatives à la sûreté nucléaire, à la sûreté des transports de matières radioactives et fissiles et la protection de l’homme et de l’environnement contre les rayonnements ionisants ; qu’en n’étendant pas ce pouvoir d’opposition aux délibérations du conseil d’administration relatives à la protection et au contrôle des matières nucléaires ainsi qu’à la protection des installations nucléaires et des transports de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance, l’auteur du décret attaqué n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. N. et l’UNION NATIONALE C.G.T. DES AFFAIRES SOCIALES ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret attaqué ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. N. et de l’UNION NATIONALE C. G. T. DES AFFAIRES SOCIALES sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Trong Lân N., à l’UNION NATIONALE C. G. T. DES AFFAIRES SOCIALES, au Premier ministre, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, au ministre de l’écologie et du développement durable, au ministre de la défense, au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire.