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Conseil d’Etat, 30 juin 2003, n° 227844, M. Mohamed O.

Si la venue en France de la petite fille du requérant avait été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l’autorité consulaire usât du pouvoir, qui lui appartient, de refuser son entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, sur des motifs d’ordre public. En revanche, en refusant de délivrer à l’intéressée le visa demandé, au motif que sa venue en France n’aurait pas dû être autorisée au titre du regroupement familial, le consul général de France à Casablanca a illégalement substitué son appréciation à celle du préfet, entachant ainsi sa décision d’une erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 227844

M. O.

Mlle Vialettes
Rapporteur

M. Lamy
Commissaire du gouvernement

Séance du 11 juin 2003
Lecture du 30 juin 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Mohamed O. ; M. O. demande que le Conseil d’Etat annule pour excès de pouvoir la décision, en date du 9 octobre 2000, par laquelle le consul général de France à Casablanca a refusé de délivrer un visa d’entrée et de long séjour en France à Mlle Sabrina M., sa petite-fille, bénéficiaire d’une autorisation de regroupement familial et enjoigne à l’administration de lui délivrer ce visa ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu l’ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. O., de nationalité marocaine, demande l’annulation de la décision, en date du 9 octobre 2000, par laquelle le consul général de France à Casablanca a refusé de délivrer un visa d’entrée et de long séjour en France à sa petite-fille Mlle Sabrina M. ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, le tribunal de grande instance d’Oujda (Maroc) a confié, par un acte de "kafala", la jeune Sabrina M. à son grand-père, M. O. ; que par un jugement définitif du 15 février 1999, le tribunal de grande instance de Melun a accordé l’exequatur à cet acte de " kafala ", en indiquant qu’il " valait délégation de l’autorité parentale " ; que, dès lors, M. O., auquel une décision du juge judiciaire français a ainsi confié l’exercice de l’autorité parentale sur sa petite-fille mineure, a qualité pour agir en son nom ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que M. O. n’aurait pas qualité pour agir au nom de Mlle M. doit être rejetée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant que si la venue en France de Mlle M. avait été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l’autorité consulaire usât du pouvoir, qui lui appartient, de refuser son entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, sur des motifs d’ordre public ; qu’en revanche, en refusant de délivrer à l’intéressée le visa demandé, au motif que sa venue en France n’aurait pas dû être autorisée au titre du regroupement familial, le consul général de France à Casablanca a illégalement substitué son appréciation à celle du préfet, entachant ainsi sa décision d’une erreur de droit ; que, par suite, celle-ci doit être annulée ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte :

Considérant que si la présente décision annulant la décision du consul pour erreur de droit n’implique pas nécessairement, au sens des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance du visa sollicité par Mlle M., il y a lieu, en revanche, en application de l’article L. 911-2 du même code, de prescrire à l’autorité consulaire de se prononcer sur sa situation, au regard des règles rappelées par la présente décision, dans le délai d’un mois suivant la notification de cette décision ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner l’Etat à verser à M. O. la somme de 850 euros qu’il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du consul général de France du 9 octobre 2000 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au consul général de France à Casablanca de réexaminer dans le délai d’un mois la situation de Mlle M. au regard des règles rappelées par la présente décision.

Article 3 : L’Etat versera à M. O. la somme de 850 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed O. et au ministre des affaires étrangères.

 


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