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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 22 avril 2003, n° 00BX01885, Mme Jeanne G.

Compte tenu de la durée moyenne d’incubation de ce virus qui, d’après les informations médicales figurant au dossier, est d’environ sept semaines et de ses nombreuses voies de transmission possibles, et alors que l’expert a écarté en l’espèce les transfusions pratiquées, la contamination dont la requérante a été victime doit être imputée aux soins qu’elle a reçus au centre hospitalier régional de Bordeaux. Cette contamination révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 00BX01885

Mme G.

M. Barros
Président

Mlle Roca
Rapporteur

M. Rey
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 22 avril 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

(2ème chambre)

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 11 août 2000, présentée pour Mme Jeanne G. ;

Mme G. demande à la cour :

- d’annuler le jugement du 30 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional de Bordeaux soit condamné à réparer les conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l’hépatite C qu’elle impute à une opération subie dans cet établissement le 24 octobre 1990 ;

- de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à lui verser la somme de 3 800 000 F en réparation de ses préjudices, augmentée de la somme de 50 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 mars 2003 :
- le rapport de Mlle Roca ;
- les observations de Maître Mor, avocat de Mme G. ;
- les observations de Maître Moreno, collaboratrice de Maître Le Prado, avocat du centre hospitalier régional de Bordeaux ;
- les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme G., alors âgée de 71 ans, a subi le 24 octobre 1990 au centre hospitalier régional de Bordeaux une intervention chirurgicale pour la pose d’une prothèse totale de la hanche gauche à l’occasion de laquelle elle a fait l’objet de transfusions de produits sanguins provenant de prélèvements effectués préalablement sur sa personne ; que des examens réalisés au mois de mars 1991 ont révélé qu’elle était atteinte d’une hépatite C ; que Mme G. demande au centre hospitalier régional de Bordeaux réparation des conséquences dommageables de cette contamination qu’elle impute aux soins qui lui ont été prodigués dans cet établissement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport de l’expert désigné par le juge civil, qu’au vu du bilan préopératoire pratiqué à l’hôpital, Mme G. n’était pas porteuse du virus de l’hépatite C avant l’intervention ; que le 20 novembre 1990, soit six jours après que la patiente ait quitté le centre hospitalier pour effectuer un séjour en maison de repos, le médecin qui l’a examinée a relevé des signes d’insuffisance hépatocellulaire ; que le 10 décembre 1990 Mme G. présentait un ictère ; que si un contrôle du virus VHC effectué le 20 décembre 1990 s’est révélé négatif, des analyses de sang réalisées les 20 décembre 1990 et 18 janvier 1991 ont fait apparaître chez l’intéressée un taux de transaminases, symptôme évocateur d’une maladie hépatique, anormalement élevé ; que le 27 mars 1991 une hépatite C était diagnostiquée ; que compte tenu de la durée moyenne d’incubation de ce virus qui, d’après les informations médicales figurant au dossier, est d’environ sept semaines et de ses nombreuses voies de transmission possibles, et alors que l’expert a écarté en l’espèce les transfusions pratiquées, la contamination dont Mme G. a été victime doit être imputée aux soins qu’elle a reçus au centre hospitalier régional de Bordeaux ; que cette contamination révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur la réparation :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme G. est atteinte d’une hépatite C chronique évolutive dont l’activité nécessite une surveillance médicale constante ponctuée d’examens de contrôle réguliers ; qu’elle a subi un traitement par interferon, des biopsies et souffre d’une très grande asthénie ; qu’il sera fait une juste appréciation des troubles subis dans ses conditions d’existence et des souffrances physiques et morales endurées en lui allouant la somme de 25 000 euros ;

Considérant que la caisse de mutualité sociale agricole de la Charente-Maritime, qui a été mise en cause en première instance et a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à lui rembourser le montant de ses débours consécutifs à la contamination subie par Mme G., et à qui le jugement du tribunal administratif écartant toute responsabilité de l’hôpital a été notifié le 29 juin 2000, n’a présenté devant la cour de conclusions tendant à ce que le centre hospitalier régional de Bordeaux soit condamné à lui rembourser le montant des sommes exposées et à exposer en faveur de Mme G. qu’après l’expiration du délai d’appel ; que ces conclusions sont tardives et, par suite, irrecevables ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à verser 1 000 euros à Mme G. au titre des frais qu’elle a engagés non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 mai 2000 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier régional de Bordeaux est condamné à verser à Mme G. la somme de 25 000 euros, augmentée de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme G. et les conclusions de la mutualité sociale agricole de la Charente-Maritime sont rejetés.

 


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