CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 232829
SOCIETE POLYTECH SILIMED EUROPE GmbH
Mlle Landais, Rapporteur
Mme Boissard, Commissaire du gouvernement
Séance du 3 juillet 2002
Lecture du 29 juillet 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2001, présentée pour la SOCIETE POLYTECH SILIMED EUROPE GmbH, dont le siège social est Altheimer Strasse, 32, Dieburg, Allemagne (D-64807), représentée par ses dirigeants en exercice ; la SOCIETE POLYTECH SILIMED EUROPE GmbH demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2000 par laquelle l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a suspendu la mise sur le marché et l’utilisation des prothèses mammaires internes dont le produit de remplissage est autre que du sérum physiologique fabriquées par cette société ;
2°) d’enjoindre au directeur général de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de publier la présente décision au Journal officiel de la République française dans un délai de quinze jours ;
3°) de condamner l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux ;
Vu la directive n° 98/78/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la SOCIETE POLYTECH SILIMED EUROPE GmbH,
les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le directeur général de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé :
Considérant que la requérante a, par un mémoire enregistré le 1er mars 2002, produit la décision attaquée ; que la fin de non-recevoir opposée par le directeur général de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé doit, par suite, être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 5312-1 du code de la santé publique : "L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut suspendre (...) l’importation (...) la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, (...) l’utilisation, la prescription, la délivrance ou l’administration (...) d’un produit mentionné à l’article L. 5311-1, non soumis à une autorisation ou à un enregistrement préalable à sa mise sur le marché, sa mise en service ou son utilisation, lorsque ce produit présente ou est soupçonné de présenter, dans les conditions normales d’emploi ou dans des conditions raisonnablement prévisibles, un danger pour la santé humaine, soit est mis sur le marché, mis en service ou utilisé en infraction aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables. (...)/ L’agence peut interdire ces activités en cas de danger grave ou de suspicion de danger grave pour la santé humaine. Elle peut aussi fixer des conditions particulières ou des restrictions pour l’utilisation des produits ou groupes de produits concernés afin de garantir leur sécurité sanitaire" ; que ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux dont les articles 8.1 et 14 ter permettent aux autorités compétentes des Etats membres de prendre des mesures de restriction de la mise sur le marché ou de la mise en service de ces dispositifs en cas de risque pour la santé humaine ;
Considérant qu’aux termes du 2 de l’article 19 de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, en cas de décision consistant à refuser ou à restreindre la mise sur le marché ou imposant le retrait des dispositifs du marché, "le fabricant ou son mandataire établi dans la Communauté doit avoir la possibilité de soumettre son point de vue préalablement, à moins qu’une telle consultation ne soit pas possible en raison de l’urgence de la mesure à prendre" ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 5312-1 du code de la santé publique précité : "Sauf en cas d’urgence, la personne physique ou morale concernée doit être mise à même de présenter ses observations avant l’intervention des mesures prévues ci-dessus" ;
Considérant que ces dispositions font obligation, sauf urgence, à l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé d’inviter la ou les personnes concernées par la mesure de suspension, en l’espèce les fabricants ou leurs mandataires, à présenter leurs observations avant l’intervention de chaque mesure prise en application de l’article L. 5321-1 du code de la santé publique ; qu’il ressort des pièces du dossier que le directeur général de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a, préalablement à l’intervention de sa décision du 22 décembre 2000, adressé le 4 décembre au soir une lettre informant la requérante de ce qu’il était envisagé de suspendre la mise sur le marché et l’utilisation des prothèses qu’elle commercialise, et de ce qu’il était également envisagé de la convier à une réunion à Paris le 7 décembre 2000 afin de lui permettre de présenter ses observations ; qu’il a, par une lettre du 5 décembre au soir, confirmé le principe de la réunion en précisant en outre que "dans l’hypothèse où vous seriez dans l’impossibilité de participer à cette réunion, je vous prie de me faire parvenir vos commentaires écrits au plus tard le 8 décembre" ; que, dans ces conditions, la société requérante n’a pas disposé d’un délai suffisant pour présenter utilement ses observations préalables ; qu’il n’est pas allégué que la décision attaquée serait intervenue dans un cas d’urgence de nature à dispenser l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de l’obligation de respecter une procédure contradictoire ; que la société requérante est, par suite, fondée à soutenir que la décision attaquée du 22 décembre 2000 est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière et à en demander l’annulation ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que la publication au Journal officiel de la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, n’est pas au nombre des mesures qui peuvent être ordonnées au titre de l’article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions tendant à la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à payer à la SOCIETE POLYTECH SIMILED EUROPE GmbH une somme de 1 600 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 22 décembre 2000 de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé portant suspension de la mise sur le marché et de l’utilisation des prothèses mammaires internes produites par la SOCIETE POLYTECH SIMILED EUROPE GmbH est annulée.
Article 2 : L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé versera à la SOCIETE POLYTECH SIMILED EUROPE GmbH une somme de 1 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE POLYTECH SIMILED EUROPE GmbH est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE POLYTECH SIMILED EUROPE GmbH, au directeur général de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.