CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 245267
MINISTRE DE L’INTERIEUR
c/ M. Ngamba Mpia
Ordonnance du 18 avril 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DES REFERES
Vu le recours du MINISTRE DE L’INTERIEUR, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 16 avril 2002 ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d’Etat
1°) d’annuler l’ordonnance du 4 avril 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a enjoint, en application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de prendre les mesures nécessaires pour que M. Ngamba Mpia ne soit pas reconduit à destination de la République démocratique du Congo, de faire procéder à l’enregistrement de la demande d’asile politique de M. Ngamba Mpia et de lui faire délivrer en conséquence un récépissé d’admission provisoire au séjour, et a décidé que son ordonnance serait immédiatement exécutoire ;
2°) de rejeter la demande de M. Ngamba Mpia tendant au prononcé de mesures sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;
le ministre soutient que M. Ngamba Mpia, ressortissant de la République démocratique du Congo, est arrivé le 23 mars 2002 à 7 h 20 à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle ; que, dépourvu de visa d’entrée en France, il a présenté un passeport de son pays d’origine et une carte de résident grossièrement contrefaite ; qu’une décision lui refusant l’entrée en France a été prise le même jour à 9 h 20 ; que M. Ngamba Mpia a alors sollicité l’asile auprès des services de la police aux frontières ; que cette demande d’asile, sur laquelle le ministre des affaires étrangères a été consulté, ayant paru manifestement infondée, le ministre, par une décision du 29 mars 2002, a rejeté la demande d’accès au territoire français de M. Ngamba Mpia et ordonné son renvoi vers son pays d’origine ; que cette décision ne constitue pas un refus d’asile territorial mais le rejet d’une demande d’entrée sur le territoire français ; que la demande d’asile présentée par M. Ngamba Mpia a été examinée conformément à la réglementation résultant de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et du décret du 27 mai 1982 et a été régulièrement rejetée après consultation du ministre des affaires étrangères ; que, dans un tel cas, il n’y a pas lieu de saisir l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que la demande d’asile de M. Ngamba Mpia, nonobstant la production d’une coupure de presse le désignant nommément, apparaît comme manifestement infondée et purement dilatoire ; qu’aucune atteinte n’a pas été portée en l’espèce à la liberté fondamentale que constitue pour un étranger le droit de demander le statut de réfugié ; que la réalité des risques encourus dans le pays d’origine n’étant pas établie, la condition d’urgence n’est pas davantage remplie ;
Vu l’ordonnance attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 82-442 du 27 mai 1982 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le ministre de l’intérieur, d’autre part, M. Ngamba Mpia ;
Vu le procès-verbal dé l’audience publique du 18 avril 2002 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus les représentants du ministre de l’intérieur ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté ; dans l’exercicer l’un de ses pouvoirs ; une atteinte grave et manifestement illégale" ;
Considérant, d’une part que le I de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée dispose que : "L’étranger qui arrive en France par la voie(...) aérienne et qui soit n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l’asile, peut être maintenu dans une zone d’attente située dans (...) un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s’il est demandeur d’asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée" ; qu’aux termes de l’article 12 du décret également susvisé du 27 mai 1982 : "Lorsque l’étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d’asile, la décision de refus d’entrée en France ne peut être prise que par le ministre de l’intérieur, après consultation du ministre des affaires étrangères" ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Ngamba Mpia, ressortissant de la République démocratique du Congo, est arrivé en France par la voie aérienne le 23 mars 2002 ; qu’étant dépourvu de visa et ayant présenté aux autorités de police, outre son passeport, une carte de résident grossièrement contrefaite, il n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire français ; qu’il a alors sollicité l’asile auprès des services de la police aux frontières ; que, conformément aux dispositions précitées de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 il a été placé puis maintenu en zone d’attente en vue de l’examen de sa demande d’asile ; qu’après que l’intéressé eut été entendu par un représentant du ministre des affaires étrangères qui a émis l’avis que la demande était manifestement infondée, le MINISTRE DE L’INTERIEUR, s’appropriant cet avis, a, par décision du 29 mars 2002, refusé à M. Ngamba Mpia l’autorisation d’entrer en France ;
Considérant que, contrairement à ce qu’a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le MINISTRE DE L’INTERIEUR, par sa décision du 29 mars 2002, n’a pas refusé à M. Ngamba Mpia le bénéfice de l’asile territorial mais s’est borné, selon la procédure prévue par l’article 12 du décret du 27 mai 1982, à lui refuser l’entrée en France ; que le droit de saisir l’Office français de protection des réfugiés et apatrides d’une demande d’admission au statut de réfugié et d’être muni à cette fin d’une autorisation provisoire de séjour ne peut, en vertu des articles 10 et suivants de la loi du 25 juillet 1952, être exercé que par les étrangers admis à pénétrer sur le territoire ;
Considérant qu’il ne ressort pas du dossier que le refus d’entrée sur le territoire opposé à M. Ngamba Mpia en raison du caractère manifestement infondé de sa demande d’asile soit entaché d’illégalité manifeste ; qu’à cet égard, la coupure de presse produite par M. Ngamba Mpia, dont les déclarations lors de son audition par le représentant du ministre des affaires étrangères étaient imprécises et contradictoires, ne suffit pas à établir qu’il courrait personnellement des risques en cas de retour dans son pays ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la décision du 29 mars 2002 du MINISTRE DE L’INTERIEUR, prise en application des dispositions de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 et de l’article 12 du décret du 27 mai 1982, ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. Ngamba Mpia de solliciter le statut de réfugié une atteinte grave et manifestement illégale, justifiant le prononcé de mesures sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que le MINISTRE DE L’INTERIEUR est, par suite, fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
O R D O N N E :
Article 1er : L’ordonnance du 4 avril 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. Ngamba Mpia au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’intérieur et à M. Ngamba Mpia.
Fait à Paris, le 18 avril 2002