LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu la saisine de la Commission de la concurrence par le ministre chargé
de l’économie du 10 février 1986 ;
Vu les ordonnances nos 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées,
respectivement relatives aux prix et à la constatation, la poursuite
et à la répression des infractions à la législation
économique ;
Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée,
relative à la liberté des prix et de la concurrence, ensemble
le décret n°86-1309 du 29 décembre 1986 modifié
fixant les conditions d’application de cette ordonnance ;
Vu les observations présentées par les parties
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement, et les parties entendus, retient les constatations (I) et
adopte la décision (II) ci-après exposées :
I. - Constatations
Les constatations résultent d’une enquête menée
auprès de la société Bergeon et Cie. Cette enquête
a permis la saisie, le 15 mai 1984, de différents carnets de notes
rédigés par des responsables de la société
Bergeon et Cie. Certaines de ces notes sont en rapport avec différents
marchés publics ou privés dans les régions Provence,
Côte d’Azur et Rhône-Alpes :
-le marché du loto national (centre de traitement de Vitrolles)
;
-le marché de J’établissement Ma Maison (pour le compte
des Petites Soeurs des pauvres à Lyon) ;
- le marché de la gare de Marseille (Saint-Charles)
-le marché du centre Kléber (caisse primaire d’assurance
maladie des Bouches-du-Rhône) ;
-le marché du centre La Gavotte (caisse primaire d’assurance
maladie des Bouches-du-Rhône) ;
-le marché du centre Bonneveine (caisse primaire d’assurance
maladie des Bouches-du-Rhône)
- le marché du métro de Marseille.
Les marchés ci-dessus énumérés ont tous
été lancés selon la procédure d’appel d’offres,
qui suppose que les offres des divers soumissionnaires ne peuvent être
connues avant l’ouverture des plis.
Dans le cas du marché du loto national, le dossier d’appel d’offres
était adressé le 6 avril 1984 aux entreprises Laurent Bouillet
Entreprise S.A., Albouy S.A., établissements Icart Fils S.A., Bergeon
et Cie, Baret et Société Marseillaise du froid. Seules
les quatre premières ont déposé une offre entre le
20 et le 26 avril 1984. Parmi les documents saisis dans la société
Bergeon et Cie figure une page du carnet tenu par le directeur commercial
de cette entreprise, M. Mandicourt, qui comporte les initiales des sociétés
Laurent Bouillet Entreprise S.A., Albouy S.A., Société marseillaise
du froid ainsi que le nom des établissements Icart Fils. En
face du nom des trois premières entreprises figurent des montants.
Les montants correspondant aux noms des sociétés Laurent
Bouillet Entreprise S.A. et Albouy S.A. sont proches mais différents
de ceux de leur offre effective.
Dans le cas du marché de l’établissement Ma Maison à
Lyon, pour lequel l’ouverture des plis a eu lieu le 2 novembre 1982, dix
noms de sociétés sont notés dans le carnet de M. Mandicourt
en dessous de l’inscription soulignée « réunion Ma
Maison 10/09/82 ». Des numéros d’ordre sont inscrits en face
du nom des six entreprises suivantes : Danto Rogeat Entreprise, Installation
thermique lyonnaise, Bergeon et Cie, Armand Interchauffage, Laurent Bouillet
Entreprise S.A. et Sictra Provence, A propos de ces annotations, M. Mandicourt
déclare : « les notes que j’ai prises concernent une réunion
ayant trait au marché des Petites Soeurs des pauvres à Lyon.
Je ne me souviens plus où a eu lieu cette réunion ».
Il indique aussi que « la liste des entreprises... ainsi que les
numéros figurant à côté de certains noms doivent
concerner les résultats de l’appel d’offres ». Cependant,
dans trois cas sur six, les numéros d’ordre du document saisi diffèrent
de la place occupée par les entreprises compte tenu du montant de
leur offre effective, et pour les quatre autres entreprises de la liste
non accompagnée d’un numéro d’ordre, une a soumissionné
et trois n’ont pas répondu à l’appel d’offres.
Pour le marché de la gare de Marseille, dont l’appel d’offres
a été lancé le 12 mars 1982 et la remise des plis
fixée au 2 avril 1982, les notes du carnet du directeur commercial
de la société Bergeon et Cie portent les noms de sept entreprises
à côté desquels sont inscrites des sommes : Bergeon
et Cie, Carrier, Albouy S.A., Danto Rogeat Entreprise, Missenart-Quint,
Chauffage et Climatisation Suizer S.A. et Laurent Bouillet Entreprise S.A.
M. Mandicourt a indiqué qu’il s’agissait des résultats connus
après l’ouverture des plis. Cependant, les montants inscrits
diffèrent des montants effectifs des offres. Pour l’entreprise
Bergeon et Cie elle-même le montant de l’offre effectivement déposée
est différent du montant noté par M. Mandicourt. En
outre, l’entreprise Albouy S.A. n’a pas soumissionné, bien que son
nom soit affecté d’un montant sur les notes saisies. A l’inverse,
l’industrielle de chauffage entreprise a soumissionné bien que son
nom ne figure pas sur le document saisi. Enfin, l’enveloppe contenant
l’offre de la société Danto Rogeat Entreprise, parvenue deux
jours après l’ouverture des plis du 5 avril 1982, n’a été
ouverte à la demande de l’enquêteur que le 1 1 décembre
1984.
Pour le marché du centre Kléber, figurent, dans les notes
de M. Mandicourt, sous le titre « résultat Kléber »
une liste de douze noms d’entreprises dont les six suivants sont accompagnés
d’un montant : Bergeon et Cie, Carrier, Albouy S.A., l’industrielle de
chauffage entreprise, Chauffage et climatisation Sulzer S.A. et Société
marseillaise du froid. M. Mandicourt déclare qu’il s’agit
des résultats de l’appel d’offres. A l’exception de l’industrielle
de chauffage entreprise, les sommes notées ne correspondent pas
aux offres réellement faites. De plus, les sociétés
Carrier et Chauffage et climatisation Sulzer S.A., dont les noms sont suivis
dans les notes de M. Mandicourt d’un montant, n’ont pas déposé
d’offres. Par ailleurs, cinq noms d’entreprises n’ayant pas participé
à l’appel d’offres sont notés et le nom de la société
Laurent Bouillet Entreprise S.A., qui a participé à l’appel
d’offres, est noté sans aucun chiffre.
Pour le marché du centre La Gavotte, sur une page du carnet de
M. Mandicourt, sous le titre « résultat C.P.A.M. »,
des sommes sont notées au regard du nom des sept entreprises suivantes
: Bergeon et Cie, Albouy S.A., Société marseillaise du froid,
Laurent Bouillet Entreprise S.A., établissements Icart fils, Chauffage
et climatisation Sulzer S.A. et Carrier. Les montants inscrits tant
pour la société Bergeon et Cie elle-même que pour la
société Chauffage et climatisation Suizer S.A. ne correspondent
pas aux résultats de l’appel d’offres. En outre, l’entreprise
Carrier, en face du nom de laquelle figure un montant, n’a pas soumissionné.
Pour le marché du centre Bonneveine sont notés sur une
page du carnet de M. Mandicourt, sous le titre « résultat
AO », les noms des huit entreprises suivantes accompagnés
de montants : Bergeon et Cie, Albouy S.A., l’industrielle de chauffage
entreprise, Baret, Laurent, Bouillet entreprise S.A., Chauffage et climatisation
Sulzer S.A., établissements Icart fils et Société
marseillaise du froid. Les montants inscrits sont voisins mais différents
des offres effectivement présentées pour les entreprises
Bergeon et Cie et Société marseillaise du froid ; les sociétés
Chauffage et climatisation Sulzer S.A. et Albouy S.A., pour lesquelles
figurent des montants dans les notes saisies, n’ont, pour leur part, pas
soumissionné.
Enfin, en ce qui concerne le marché du métro de Marseille,
dont l’appel d’offres a été lancé à la fin
de 1983 et la remise des plis fixée au 9 janvier 1984, des pages
d’un carnet rédigées par M. Cienzo, ingénieur commercial
de la société Bergeon et Cie, se rapportent aux offres éventuelles
de six entreprises : Anciens Ateliers Tetefort et Pic, Nouvelles Techniques
du conditionnement d’air, Entreprises Gagneraud Père et Fils, Aulanier,
Laurent Bouillet Entreprise S.A. et Chaniot S.A. M. Cienzo déclare
que ces notes rendent compte des résultats de l’appel d’offres connus
alors qu’il assistait à la séance d’ouverture des plis.
Le jury d’appel d’offres chargé de l’ouverture des plis ne comprenait
aucun représentant de l’une ou l’autre des entreprises soumissionnaires.
Par ailleurs, un montant figure au regard du nom de l’entreprise Aulanier
alors même que celle-ci n’a pas soumissionné. Enfin,
le nom de l’attributaire du marché, l’entreprise S.G.A.D., ainsi
que le montant de son offre ne figurent pas sur ces notes.
L’enquête a également permis la saisie d’un échange
de courrier entre les sociétés Sietra Provence et Bergeon
et Cie, en rapport avec le marché de l’établissement Ma Maison
à Lyon. La Sodeteg, maître d’oeuvre pour le compte des
Petites Soeurs des pauvres, après l’ouverture des plis du 2 novembre
1982, a adressé le 10 novembre 1982 aux entreprises retenues un
questionnaire pour la mise en conformité de leurs offres avec les
spécifications techniques de l’ouvrage. La société
Sietra Provence a expédié ce questionnaire le 15 novembre
à la société Bergeon et Cie qui le lui a renvoyé
le 18 novembre après en avoir rempli la colonne « réponses
». Ainsi l’offre définitive de la société Sietra
Provence a, en fait, été établie par la société
Bergeon et Cie.
La société Bergeon et Cie, qui a participé aux
sept marchés en cause, a été à six reprises
la mieux placée du point de vue des prix pour l’emporter.
Dans le septième cas, celui du marché du métro de
Marseille, elle s’est trouvée cependant faire une offre plus élevée
qu’une autre entreprise ne lui ayant pas fourni de renseignements sur le
montant de sa soumission.
II. - A la lumière des constatations qui précèdent,
le Conseil de la concurrence
1. Sur la procédure :
Considérant que dans sa lettre du 25 avril 1988 la société
Nouvelles Techniques du conditionnement d’air prétend ne pas avoir
reçu le rapport du 21 septembre 1987 ; que cependant il résulte
du dossier que ce rapport a été adressé à la
société intéressée par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception le 21 septembre 1987 , que ce fait
a été confirmé par les correspondances, jointes au
dossier, des bureaux de poste émetteurs de Paris R.P. et récepteur
de Marseille 08 ; qu’au surplus, une copie de ce rapport a été
communiquée à la société à sa demande
du 26 mai 1988 et qu’un délai raisonnable lui a été
laissé après ce nouvel envoi pour leur examen ;
Considérant, d’une part, que la société Danto Rogeat
Entreprise expose qu’un procès-verbal de saisie de documents du
15 mai 1984, faisant partie du dossier, ne figure pas dans les annexes
jointes au rapport ; que, cependant, en application des dispositions du
deuxième alinéa de l’article 21 de l’ordonnance du 1er décembre
1986, les documents saisis le 15 mai 1984 sur lesquels se fondait le rapporteur
étaient joints en annexe à son rapport ; qu’en outre la société
Danto Rogeat Entreprise avait pu consulter l’intégralité
du dossier pendant les deux mois ayant suivi la notification des griefs
, qu’enfin, à la demande de la société, les procès-verbaux
de saisie des documents susvisés lui ont été communiqués,
ainsi qu’à l’ensemble des parties, cette communication étant
assortie d’un délai raisonnable pour permettre leur examen ;
Considérant, d’autre part, que la société Danto
Rogeat Entreprise prétend que les procès-verbaux de saisie
du 15 mai 1984 n’ont pas interrompu la prescription et que seuls interrompent
la prescription les procès-verbaux de constatation ; qu’il résulte
d’une jurisprudence constante, d’ailleurs rappelée par la Commission
de la concurrence dans son avis du 29 mars 1984 sur la « situation
de la concurrence dans le secteur des plafonds en fibre minérale
», que des procès-verbaux de saisie constituent des actes
de poursuite interruptifs de prescription.
Considérant, enfin, que la société Danto Rogeat
Entreprise souligne que les procès-verbaux de saisie ont été
établis, non pas dans ses locaux mais au siège de la société
Bergeon et Cie ; qu’elle prétend que, dès lors, de tels actes
ne sont pas de nature à interrompre la prescription à son
encontre ; que, cependant, les faits révélés étant
susceptibles de constituer une pratique d’entente illicite entre plusieurs
entreprises, ces actes interrompent la prescription à l’égard
de l’ensemble des entreprises mises en cause ;
Considérant que la société Danto Rogeat tire argument
de ce que, dans le cas du marché Ma Maison, le rapporteur aurait
été au-delà de l’analyse figurant au rapport, administratif
; que, cependant, le Conseil n’est pas lié par l’analyse de l’administration
dès lors que les qualifications qu’il retient correspondent à
des griefs qui ont été régulièrement notifiés
aux parties conformément aux dispositions de l’article 21 du 1er
décembre 1986
2. Sur le fond :
Considérant que, hormis le cas où ils se traduisent par
le dépôt d’offres conjointes et solidaires, les échanges
d’informations entre entreprises soumissionnaires à un même
marché, préalablement au dépôt effectif, sont
de nature à limiter l’intensité de la concurrence entre les
entreprises en cause ;
Considérant que, dans le cas du marché du loto national,
les notes saisies, rédigées par M. Mandicourt, responsable
de la société Bergeon et Cie, ne peuvent, contrairement à
ses affirmations, correspondre à « des informations... données
auprès l’ouverture des plis » ; qu’en effet les montants figurant
sur ces notes ne correspondent pas aux montants des offres présentées
par Laurent Bouillet Entreprise S.A. ni par Albouy S.A. ; que par ailleurs,
un montant figure au regard du nom de la Société marseillaise
du froid, alors que cette entreprise n’a pas présenté d’offre
; qu’enfin, les établissements Icart Fils ont, quant à eux,
présenté une offre qui ne figure pas sur les notes de M.
Mandicourt, bien que le nom de cette entreprise soit noté ;
Considérant que, de même, dans le cas du marché
de l’établissement Ma Maison à Lyon, les informations concernant
l’ordre de classement des entreprises n’ont pas été établies,
contrairement à ce que soutient M. Mandicourt, postérieurement
à l’ouverture des plis ; qu’en effet celle-ci n’est intervenue que
le 2 novembre 1982 alors que la réunion à l’occasion de laquelle
ces notes ont été prises, et dont la réalité
n’est pas contestée par M. Mandicourt, a eu lieu, selon ses indication
écrites, le 10 septembre 1982 ; qu’en outre, trois noms d’entreprises
sont inscrits alors qu’elles n’ont pas répondu à l’appel
d’offres ; que, dans trois cas sur six, les numéros d’ordre du document
saisi diffèrent de la place occupée par les entreprises compte
tenu du montant de leur offre , qu’enfin, le nom d’une entreprise n’est
pas affecté d’un numéro d’ordre, bien qu’elle ait soumissionné
Considérant que, pour le marché de la gare de Marseille,
les notes saisies ne peuvent pas non plus correspondre, contrairement à
ce qu’affirme toujours M. Mandicourt, aux résultats connus après
l’ouverture des plis ; qu’en effet, les montants inscrits au regard du
nom des entreprises diffèrent des montants effectifs des offres
y compris pour l’entreprise Bergeon et Cie elle-même , qu’en outre,
l’entreprise Albouy S.A. n’a pas soumissionné, bien que son nom
soit accompagné d’un montant sur les notes ; qu’à l’inverse,
l’industrielle de chauffage entreprise a déposé une offre
sans que son nom soit noté ; qu’enfin, l’enveloppe contenant l’offre
de la société Danto Rogeat Entreprise, parvenue deux jours
après l’ouverture des plis du 5 avril 1992, n’a été
ouverte à la demande de l’enquêteur que le 11 décembre
1984, alors que les notes saisies reprennent le nom de Danto Rogeat affecté
d’un montant, d’ailleurs différent du montant contenu dans l’enveloppe
;
Considérant que les déclarations de M. Mandicourt selon
lesquelles les notes Figurant sous l’intitulé « Résultats
Kléber » auraient été établies au vu
des résultats de l’appel d’offres concernant le marché Kléber
ne peuvent être retenues ; qu’en effet, à l’exception du cas
de l’industrielle de chauffage entreprise, les sommes notées ne
correspondent pas aux offres réellement faites , qu’en outre, la
société Carrier et la société Chauffage et
climatisation Sulzer S.A. voient leur nom suivi d’un montant, bien qu’elles
n’aient pas soumissionné ; que cinq noms d’entreprises sont notés
alors qu’aucune d’entre elles n’a participé à J’appel d’offres
; qu’enfin, le nom de la société Laurent Bouillet Entreprise
S.A., qui a participé à l’appel d’offres, est noté
sans aucun chiffre ;
Considérant que les notes prises à propos du marché
du centre La Gavotte, et figurant sous la mention « Résultat
C.P.A.M. », ne peuvent correspondre au résultat de l’ouverture
des plis ; qu’en effet, les montants inscrits tant pour la société
Bergeon et Cie elle-même que pour la société Chauffage
et climatisation Sulzer S.A. sont différents des soumissions qu’elles
ont présentées ; qu’en outre, l’entreprise Carrier, dont
le nom est affecté d’un montant, n’a pas soumissionné ;
Considérant que, pour le marché du centre Bonneveine,
les notes saisies, figurant sous la mention « résultat A.O.
», ne peuvent correspondre au résultat de l’ouverture des
plis ; qu’en effet, les montants inscrits diffèrent des offres définitives
pour les sociétés Bergeon et Cie et Société
marseillaise du froid ; qu’en outre, les sociétés Chauffage
et climatisation Sulzer S.A. et Albouy S.A. n’ont pas soumissionné
bien que leur nom soit affecté d’un montant sur les notes saisies
;
Considérant que, dans le cas du marché du métro
de Marseille, les notes saisies, rédigées par M. Cienzo pour
le compte de la société Bergeon et Cie, ne peuvent pas davantage
correspondre au résultat de l’ouverture des plis , que M. Cienzo
déclare à cet effet qu’il s’agit des résultats de
l’appel d’offres connus alors qu’il assistait à la séance
d’ouverture des plis ; que le jury d’appel d’offres chargé de l’ouverture
des plis ne comprenait aucun représentant de l’une ou l’autre des
entreprises soumissionnaires ; qu’en outre, un montant figure dans ces
notes au regard du nom de l’entreprise Aulanier, qui n’a pas soumissionné
; qu’enfin, le nom de l’attributaire du marché ainsi que son offre
ne figurent pas sur les documents rédigés par M. Cienzo ;
Considérant que certaines des parties allèguent qu’à
supposer que les notes trouvées au siège de la société
Bergeon et Cie retranscrivent des informations qui auraient été
fournies à cette société antérieurement à
la remise des plis de chacun des marchés considérés,
ce fait n’établit pas pour autant l’existence d’un échange
d’informations entre entreprises soumissionnaires ; qu’elles soutiennent
que ces informations auraient pu être transmises soit par certains
de leurs employés indiscrets, soit par les maîtres d’ouvrage,
soit encore par des bureaux d’études techniques communs à
plusieurs entreprises soumissionnaires, chargés d’étudier
les conditions des offres ; que ces hypothèses ne peuvent être
retenues ; qu’à supposer que les informations aient été
transmises à la société Bergeon et Cie par des employés
des entreprises en cause, ce ne serait pas de nature à modifier
l’appréciation des faits ; que les parties n’apportent aucun élément
établissant que les divers maîtres d’ouvrage auraient pu avoir
connaissance des offres qu’elles se proposaient de déposer avant
la remise effective des plis ; qu’elles n’apportent aucun élément
établissant qu’elles ont eu recours pour les marchés en cause
à des bureaux d’études communs ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que, pour chacun des marchés susvisés, un faisceau d’indices
précis et concordants établit que la société
Bergeon et Cie a procédé avec certains de ses concurrents
à des échanges d’informations sur les soumissions qu’ils
projetaient de déposer ; qu’ont ainsi participé à
des pratiques pouvant avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence
sur ces marchés, outre la société Bergeon et Cie :
- la société Laurent Bouillet entreprise S.A., à
l’occasion de six marchés : le marché du loto national, celui
des Petites Soeurs des pauvres, celui de la S.N.C.F. (gare Saint-Charles
à Marseille), ceux des centres La Gavotte et Bonneveine (C.P.A.M.
des Bouches-du-Rhône) et celui du métro de Marseille ,
- la société Albouy S.A., à l’occasion de trois
marchés le marché du loto national, ceux des centres Kléber,
et La Gavotte (C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône) ;
- la Société marseillaise du froid, à l’occasion
de trois marchés : ceux des centres Kléber, La Gavotte et
Bonneveine (C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône) -,
- la société Chauffage et climatisation Suizer S.A., à
l’occasion de deux marchés : celui de la S.N.C.F. et celui du centre
La Gavotte (C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône) ;
- la société Danto Rogeat Entreprise, à l’occasion
de deux marchés : celui des Petites Soeurs des pauvres à
Lyon et celui de la S.N.C.F. ;
- la société L’Industrielle de chauffage entreprise (I.C.E.),
à l’occasion de deux marchés : ceux des centres Kléber
et Bonneveine (C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône) ,
- la société établissements Icart fils, à
l’occasion de deux marchés : ceux des centres La Gavotte et Bonneveine
(C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône) ;
- la société Carrier (devenue société
Haden), à l’occasion du marché de la S.N.C.F. ,
- la société l’installation thermique lyonnaise (I.T.L.),
à l’occasion du marché des Petites Soeurs des pauvres à
Lyon ;
- la société Armand Interchauffage, à l’occasion
du marché des Petites Soeurs des pauvres à Lyon ;
- la société Missenart-Quint, à l’occasion du marché
de la S.N.C.F. ;
- la société Baret, à l’occasion du marché
du centre Bonneveine (C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône) ;
- les sociétés Chaniot S.A., Nouvelles techniques du conditionnement
d’air (N.T.C.A.), Anciens ateliers Tetefort et Pic, et d’Exploitation des
entreprises Gagneraud père et fils, à l’occasion du marché
du métro de Marseille ;
Considérant en outre que, à l’occasion du marché
Ma Maison, l’échange de courriers datés du 15 et du 18 novembre
1982, et donc postérieur à l’ouverture des plis du 2 novembre
1982, entre les sociétés Sietra Provence et Bergeon et Cie,
qui a rempli pour le compte de Sietra Provence un questionnaire émanant
du maître d’oeuvre destiné à la mise en conformité
des offres avec les spécifications techniques liées à
la réalisation de l’ouvrage, constitue également une pratique
concertée qui a eu pour objet et pu avoir pour effet de fausser
le jeu de la concurrence entre ces entreprises ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède
que les pratiques relevées tombaient sous le coup de l’article 50
de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 , qu’en l’espèce aucun
fait ne peut être invoqué aux fins de bénéficier
des dispositions de l’article 51 de l’ordonnance n°45-1483 du 30 juin
1945 , que de telles pratiques sont également prohibées par
les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre
1986 ,
Considérant qu’il y a lieu d’appliquer des sanctions pécuniaires
aux sociétés Bergeon et Cie et Sietra Provence, en raison
de leur comportement dans la présente affaire,