LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,
Vu la lettre en date du 14 juin 1986 par laquelle le ministre d’Etat,
ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, a saisi
la Commission de la concurrence d’un dossier relatif à des pratiques
relevées dans le secteur de la distribution des produits surgelés
;
Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945
modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation,
la poursuite et la répression des infractions à la législation
économique ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative
à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée,
ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 pris
pour son application ;
Vu les pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire
du Gouvernement entendus ;
Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après
exposées :
I. - Constatations
a) Caractéristiques du marché
Les produits surgelés sont apparus sur le marché des produits
alimentaires vendus directement aux ménages dans les années
1960.
Ils sont offerts par la quasi-totalité des détaillants
en produits alimentaires ainsi que par des commerces spécialisés
( « freezer-centers » en zones urbaines et « home-services
» en zone rurale). Si le nombre des points de vente est ainsi
très élevé, la répartition des ventes traduit
une prédominance croissante des grandes et moyennes surfaces alimentaires
(environ 60 p. 100 du marché) au détriment des commerces
spécialisés (35 p. 100) et surtout du petit commerce traditionnel
(3 à 4 p. 100).
Le secteur de la production fait intervenir plusieurs centaines de fabricants
et d’importateurs, entre lesquels existe une situation de vive concurrence.
Les entreprises les plus importantes, qui sont celles visées dans
la saisine ministérielle (France-Glaces-Findus, Ortiz-Miko, Seges-Frigécrème
et Cogesal), représentent ensemble environ 50 p. 100 du marché
mais la part de chacune ne dépasse pas 20 p. 100.
Ces entreprises ont toutes opté, lors de la création du
marché, pour une distribution de leurs produits par l’intermédiaire
de dépôts leur appartenant et, pour les zones non couvertes
par ceux-ci, de grossistes avec lesquels elles ont conclu des conventions
de concession exclusive. Ces contrats réservaient toutefois
aux concédants la possibilité discrétionnaire de traiter
directement avec des clients situés dans les zones concédées.
Les fabricants ont ainsi pu retirer à leurs concessionnaires,
sans dénoncer les contrats passés avec eux, la clientèle
des grandes surfaces ainsi que celle des commerces succursalistes ou spécialisés
appartenant à des centrales d’achats. Dans un premier temps
(fin des années 1970), les grossistes ont été dépossédés
de leur fonction commerciale vis-à-vis de ces distributeurs.
Dans un second temps (à partir des années 1982-1984), ils
ont été également écartés de la fonction
logistique, l’approvisionnement s’effectuant directement par l’intermédiaire
de « plate-formes » appartenant aux chaînes de distribution.
Cette évolution a eu pour effet de réduire considérablement
le rôle et l’influence des concessionnaires, auxquels n’incombe plus
que la distribution de 10 à 15 p. 100 des produits de leurs concédants
destinés au marché des achats directs des ménages.
b) Les clauses des contrats de concession relatives à l’exclusivité
territoriale de vente et aux prix imposés
Les clauses relatives à l’exclusivité territoriale et
aux prix imposés ne sont pas générales. On ne
les retrouve pas dans tous les contrats passés par les sociétés
susdésignées avec leurs grossistes : certains ne les ont
jamais contenues ; dans les autres cas, elles ont été abandonnées
antérieurement à 1984 à la demande de l’administration.
II. - A la lumière des constatations qui précèdent,
le Conseil de la concurrence
Considérant que le marché des ventes directes aux ménages
de produits surgelés se caractérise par une situation de
vive concurrence, tant au niveau de la production, dont aucune entreprise
ne détient de position dominante et dont les produits respectifs
présentent un fort degré de substituabilité, qu’à
celui de la distribution, qui comprend de très nombreux commerces
de détail de dimensions diverses répartis sur l’ensemble
du territoire ;
Considérant que, durant la période couverte par la saisine,
l’approvisionnement du secteur du détail en produits de marque a
été assuré par deux circuits de distribution, constitués
l’un par une relation directe des grandes et moyennes surfaces avec les
producteurs, l’autre par un réseau de concessionnaires exclusifs
desservant essentiellement les formes traditionnelles du commerce de détail
; qu’ainsi l’exclusivité territoriale accordée à ces
concessionnaires n’était que très partielle sur le marché
considéré ;
Considérant que certaines des clauses des contrats de concession
peuvent être tenues comme n’ayant fixé que des prix maxima
; que de nombreux grossistes cocontractants étaient en fait des
agents commerciaux ; qu’enfin ces clauses, de même que celles qui
octroyaient une exclusivité territoriale de vente, ont été
abandonnées depuis 1984 , que, dès lors, les conditions normales
de la concurrence étant respectées, les comportements dont
il s’agit n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 50 de
l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ;