LE CONSEIL DE LA CONCURENCE,
Vu la lettre de saisine du ministre d’Etat, ministre de l’économie,
des finances et de la privatisation, en date du 4 mai 1987 ;
Vu l’ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à
la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble
le décret n°86-1309 fixant les conditions d’application de cette
ordonnance ;
Vu la lettre du 3 novembre 1987 par laquelle le président du
syndicat de la boulangerie et de la boulangeriepâtisserie de la Corse-du-Sud
a été informé de l’application des dispositions de
l’article 22 de l’ordonnance susvisée ,
Vu les pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du
Gouvernement et la partie intéressée entendus ;
Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après
exposées.
I. - Constatations
A la suite de la libération des prix du pain à compter
du 1er janvier 1987, les relevés effectués par la direction
départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes de la Corse-du-Sud ont permis de mettre en évidence
un mouvement de hausse concertée et généralisée
sur l’ensemble du département.
Ces hausses ont abouti à une uniformisation des prix de vente,
notamment des deux catégories de pain les plus vendues, le prix
du pain de 200 grammes s’établissant à 3,10 F et le prix
du pain de 400 grammes autour de 4,35 F.
Ala suite de ces constatations, la direction générale
a décidé une intervention locale dans le but de rechercher
les preuves éventuelles de pratiques destinées à empêcher
le libre jeu de la concurrence.
Une visite au siège du syndicat départemental de la boulangerie,
diligentée par le service départemental de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes en collaboration
avec la brigade interrégionale d’enquête à Marseille,
dans les conditions prévues par l’article 48 de l’ordonnance du
1er décembre 1986, a permis de saisir une circulaire adressée
par le président du syndicat le 15 décembre 1986 aux boulangers
du département. Aux termes de cette circulaire, une décision
paraît avoir été prise « après concertation
avec les partenaires concernés » de fixer à 7 p. 100
l’augmentation du prix des produits tant en boulangerie qu’en viennoiserie.
La circulaire conseillait en outre, à partir du 1er janvier 1987,
de tenir compte de cette proposition pour établir la liste des prix
à pratiquer.
Etaient également saisies des photocopies de tarifs des prix
du pain à compter du 1er janvier 1987 et des correspondances adressées
aux présidents des chambres départementales du Sud-Est de
la France, dont il ressortait que ces derniers avaient également
été destinataires des nouveaux tarifs des prix du pain conseillés
en Corse-du-Sud.
La plupart des boulangers de la Corse-du-Sud auxquels les enquêteurs
ont rendu visite ont confirmé qu’ils avaient eu connaissance du
« tarif syndical », qu’ils l’aient reçu ou qu’ils soient
allés eux-mêmes le chercher au siège du syndicat, et
qu’ils pratiquaient en outre les prix qui leur avaient été
indiqués. Plusieurs déclarations recueillies ont fait
par ailleurs apparaître le caractère impératif, ou
ressenti comme tel, des consignes syndicales.
II. - A la lumière dà constatations qui précèdent,
le Conseil de la concurrence
Considérant que les faits ci-dessus décrits, postérieurs
à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre
1986, doivent être appréciés au regard de l’article
7 de ladite ordonnance ;
Considérant que le fait pour le syndicat départemental
des boulangers de la Corse-du-Sud d’avoir indiqué à ceuxci
des hausses de prix à appliquer à différentes catégories
de pain constitue une pratique concertée qui a eu, en l’espèce,
pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en favorisant
la hausse artificielle des prix ,
Considérant que le syndicat départemental des boulangers
de la Corse-du-Sud est ainsi sorti des limites de sa mission de défense
des intérêts professionnels de ses membres ;
Considérant que la circonstance que le président du syndicat
ait adressé à ses adhérents, après que l’enquête
a été effectuée, une lettre circulaire leur demandant,
pour les deux types de pain les plus vendus, de revenir aux prix pratiqués
au 1er décembre 1986, est sans incidence azur le caractère
anticoncurrentiel des pratiques constatées ; qu’au surplus, en dépit
de cette lettre, aucun mouvement de retour n’a été observé
dans les boulangeries situées en dehors du chef-lieu du département
; que pour tous les produits autres que les pains de 200 et 400 grammes,
l’ensemble des boulangers a maintenu les prix résultant de la directive
syndicale ; que, contrairement à ce qui est allégué,
il ne ressort pas du dossier qu’un représentant de l’administration
ait donné son aval quant à la hausse de 7 p. 100 dénoncée
;
Considérant que les pratiques constatées tombent sous
le coup des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°86-1243 du
1er décembre 1986 ; qu’il n’est ni établi, ni allégué
que les dispositions de son article 10 soient applicables,