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Conseil d’Etat, 5 juin 2002, n° 232392, Société Havas Interactive

Même si, par son contenu homogène et son apport intellectuel, il est susceptible de contribuer à la diffusion de la culture et de la pensée, le disque numérique à lecture optique qui constitue un cédérom ne peut être regardé lui-même comme un livre, au sens des dispositions précitées de l’article 278 bis du code général des impôts et du point 6 de l’annexe H à la sixième directive modifiée, lesquels réservent cette qualification aux ouvrages imprimés, elle en a déduit que les opérations portant sur un tel support ne peuvent bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 232392

SOCIETE HAVAS INTERACTIVE

M. Vallée, Rapporteur

M. Bachelier, Commissaire du gouvernement

Séance du 15 mai 2002

Lecture du 5 juin 2002

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 9 avril 2001, présentée pour la SOCIETE HAVAS INTERACTIVE, venant aux droits de la société Havas édition électronique, dont le siège est 9/11, rue J. Braconnier à Meudon-la-Forêt (92366) ; la SOCIETE HAVAS INTERACTIVE demande au Conseil d’Etat

1°) d’annuler l’arrêt du 8 février 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation du jugement du 10 juin 1999 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté sa demande tendant au remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 462 635 F déclaré au titre du 3ème trimestre 1996 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vallée, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE HAVAS INTERACTIVE, venant aux droits de la société Havas Edition Electronique,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Havas Edition Electronique a fait l’objet, pour la période du 1er février 1995 au 30 septembre 1996, d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause le crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté à son bénéfice au titre du troisième trimestre 1996 à concurrence d’une somme de 462 635 F au motif que la société avait appliqué à tort aux opérations portant sur les livres-cédéroms qu’elle commercialisait le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livres et qu’à défaut de ventilation, les recettes afférentes à la vente de ce produit devaient être entièrement soumises au taux normal ; que la SOCIETE HAVAS INTERACTIVE, devenue société Vivendi Universal Interactive Publishing International, venant aux droits de la société Havas Edition Electronique, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 8 février 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 10 juin 1999 du tribunal administratif de Paris en tant qu’il a rejeté sa demande tendant au remboursement du montant susmentionné de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que le point 6 de l’annexe H de la sixième directive n°77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, qui fixe la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant être soumis au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. inclut dans cette liste "la fourniture de livres, y compris en location dans les bibliothèques (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou autres), les journaux et périodiques, à l’exclusion du matériel consacré entièrement ou d’une manière prédominante à la publicité" ; qu’aux termes de l’article 278 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : "1. Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20,60 p. 100" ; et qu’aux termes de l’article 278 bis du même code pris pour la transposition de la disposition de l’annexe H précitée : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5.50 p. 100 en ce qui concerne les opérations d’achat, d’importation, d’acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : (...) 6° Livres, y compris leur location" ;

Considérant, en premier lieu, que l’article 234 du traité CE fait obligation aux seules "juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne" de saisir à titre préjudiciel la cour de justice des communautés européennes en cas de difficulté sérieuse d’interprétation d’un traité ; qu’il suit de là qu’en s’abstenant de saisir la cour de justice des communautés européennes de la question de l’interprétation du point 6 de l’annexe H à la sixième directive précité, la cour administrative d’appel de Paris n’a fait qu’exercer la faculté qui lui est reconnue par les stipulations de l’article 234 du traité CE et a suffisamment motivé sa décision sur ce point ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la cour administrative d’appel de Paris a interprété la législation nationale à la lumière du point 6 de l’annexe H à la sixième directive modifiée ; qu’elle a, sur ce point également, suffisamment motivé son arrêt, sans méconnaître la hiérarchie des normes telle qu’elle découle de l’article 55 de la Constitution ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour a relevé, dans les motifs de son arrêt, que le produit commercialisé par la société Havas Edition Electronique, sous la dénomination de "livre-cédérom" se compose d’un livre conçu par des éditeurs d’art et d’un cédérom fourni par l’une de ses filiales, comportant l’un et l’autre des reproductions d’oeuvres d’art accompagnées de texte ; qu’après avoir jugé que même si, par son contenu homogène et son apport intellectuel, il est susceptible de contribuer à la diffusion de la culture et de la pensée, le disque numérique à lecture optique qui constitue un cédérom ne peut être regardé lui-même comme un livre, au sens des dispositions précitées de l’article 278 bis du code général des impôts et du point 6 de l’annexe H à la sixième directive modifiée, lesquels réservent cette qualification aux ouvrages imprimés, elle en a déduit que les opérations portant sur un tel support ne peuvent bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel n’a pas donné aux faits qu’elle a constatés une qualification juridique erronée au regard des dispositions de l’article 278 bis du code général-des impôts et n’a pas davantage méconnu la portée de la notion de livre à laquelle se réfère clairement le point 6 de l’annexe H à la sixième directive modifiée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice des communautés européennes d’une question préjudicielle, la société requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la société Vivendi Universal Interactive Publishing International la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Vivendi Universal Interactive Publishing International est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Vivendi Universal Interactive Publishing International et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

 


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