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Conseil d’Etat, 19 novembre 2008, n° 294317, Khemis B.

En jugeant que les dispositions de l’article 150 L précité se bornent à prévoir une majoration forfaitaire de quinze pour cent du prix d’acquisition du bien cédé au bénéfice des seuls contribuables dépourvus de toute pièce justifiant les dépenses dont ils demandent la prise en compte et qu’elles ne trouvent par suite à s’appliquer ni quand un contribuable a produit un certain nombre de justificatifs, ni quand les frais admis par l’administration excèdent l’évaluation forfaitaire de quinze pour cent, alors que les dispositions de cet article ouvrent à tout contribuable qui n’est pas en mesure de justifier tout ou partie des frais de travaux dont il se prévaut une option entre une évaluation forfaitaire des dépenses et le recours à une expertise aux fins d’établir le montant réel des frais engagés, la cour a commis une erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 294317

M. et Mme B.

Mme Anne Egerszegi
Rapporteur

M. François Séners
Commissaire du gouvernement

Séance du 15 octobre 2008
Lecture du 19 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 13 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme Khemis B. ; M. et Mme B. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 13 avril 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’ils ont formé à l’encontre du jugement du 30 décembre 2002 du tribunal administratif de Melun rejetant leur demande tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l’affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme B.,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B. ont acquis en 1991 un immeuble qu’ils ont revendu par lots en 1994 et 1995 après rénovation ; qu’ils se pourvoient en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 13 avril 2006 qui, confirmant le jugement du tribunal administratif de Melun du 30 décembre 2002, a rejeté leur requête tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu et de prélèvement social auxquels ils ont été assujettis en conséquence des redressements notifiés à leur encontre au titre des plus-values immobilières réalisées à l’occasion de ces ventes ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu’aux termes de l’article 150 H du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " La plus-value imposable en application de l’article 150 A est constituée par la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition par le cédant. //(.)/ Le prix d’acquisition est majoré (.) le cas échéant, des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement, de rénovation ou d’amélioration, réalisées depuis l’acquisition, lorsqu’elles n’ont pas été déjà déduites du revenu imposable et qu’elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives ; il est tenu compte également, dans les mêmes conditions, des travaux effectués par le cédant ou les membres de sa famille ; ces travaux peuvent faire l’objet d’une évaluation ou être estimés en appliquant le coefficient 3 au montant des matériaux utilisés ; /. " ; que l’article 150 L, alors en vigueur, du même code prévoit : " Lorsque le contribuable n’est pas en état d’apporter la justification des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement, de rénovation ou d’amélioration mentionnées au quatrième alinéa de l’article 150 H, ces dépenses sont fixées au choix du contribuable, soit à dire d’expert, soit forfaitairement à 15 % du prix d’acquisition. " ;

Considérant qu’en jugeant que les dispositions de l’article 150 L précité se bornent à prévoir une majoration forfaitaire de quinze pour cent du prix d’acquisition du bien cédé au bénéfice des seuls contribuables dépourvus de toute pièce justifiant les dépenses dont ils demandent la prise en compte et qu’elles ne trouvent par suite à s’appliquer ni quand un contribuable a produit un certain nombre de justificatifs, ni quand les frais admis par l’administration excèdent l’évaluation forfaitaire de quinze pour cent, alors que les dispositions de cet article ouvrent à tout contribuable qui n’est pas en mesure de justifier tout ou partie des frais de travaux dont il se prévaut une option entre une évaluation forfaitaire des dépenses et le recours à une expertise aux fins d’établir le montant réel des frais engagés, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite, l’arrêt du 13 avril 2006 doit être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant en premier lieu que la circonstance que certains actes de la procédure suivie au titre de l’année 1994 aient été adressés à " M. Rodolphe B. " et d’autres, à " M. Khémis B. " est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition, dès lors qu’il n’est pas contesté que M. B. a accusé réception de l’ensemble de ces documents ;

Considérant en second lieu que le vérificateur n’était pas tenu de faire référence à l’article 150 L du code général des impôts dans les notifications de redressements et dans les réponses aux observations du contribuable, dès lors que les redressements notifiés ne sont pas fondés sur cette base légale ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que M. et Mme B. contestent le montant des dépenses admises par l’administration fiscale au titre des travaux de rénovation réalisés sur l’immeuble cédé ;

Considérant que M. et Mme B. qui n’ont produit ni durant la procédure d’imposition ni devant le juge de l’impôt le rapport d’expertise prévu à l’article 150 L du code général des impôts, doivent être regardés comme ayant renoncé à recourir à ce mode de preuve ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les bulletins de salaires relatifs à des tiers ainsi que les mises en demeure d’acquitter des cotisations sociales qui sont produits ne sont pas susceptibles, en raison de leur imprécision, d’être regardés comme ayant un lien avec les travaux de rénovation réalisés sur l’immeuble cédé ; qu’il en va de même pour les factures rejetées par l’administration fiscale au motif qu’elles ne mentionnent pas l’immeuble sur lequel ont été réalisés les travaux de rénovation, dès lors qu’il n’est pas contesté que les contribuables faisaient également effectuer des travaux sur un autre immeuble situé dans la même rue ; que l’attestation établie le 14 juin 1996 par les établissements Thevenard pour les besoins de la cause certifiant que les matériaux de construction achetés par M. B. étaient destinés à la rénovation de l’immeuble en litige est dépourvue de valeur probante ; que la facture établie par un magasin d’électroménager le 9 août 1994 ne peut être prise en compte au titre des travaux de rénovation, alors même qu’elle concerne le bien cédé ; qu’en revanche, la facture établie par le magasin de bricolage le 1er octobre 1993 pour un montant de 3 203 F (576, 12 euros) mentionne l’adresse de l’immeuble cédé et porte sur du matériel relatif aux travaux de rénovation réalisés sur cet immeuble ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’ordonner de mesure complémentaire d’instruction, que M. et Mme B. sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 30 décembre 2002, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande de décharge des suppléments d’impôt sur le revenu et de prélèvement social au titre de l’année 1994 à raison d’une réduction de 576, 12 euros du montant de la plus value réalisée en 1994 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, sur le fondement de cet article, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B. et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 13 avril 2006 est annulé.

Article 2 : La base de l’impôt sur le revenu et du prélèvement social assignés à M. et Mme B. au titre de l’année 1994 est réduite de la somme de 576, 12 euros.

Article 3 : M. et Mme B. sont déchargés des suppléments d’impôt sur le revenu et de prélèvement social ainsi que des pénalités correspondantes résultant de la réduction de base définie à l’article 2.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 30 décembre 2002 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B. devant la cour administrative d’appel de Paris est rejeté.

Article 6 : L’Etat versera à M. et Mme B. la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Khemis B. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

 


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