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Tribunal administratif de Paris, 3 juin 1999, n° 9703336/5, M. Jean-Philippe O.

Les faits impliquant l’ENSAM dans une activité hors du champ de la laïcité à laquelle une école nationale est nécessairement soumise, constituent un manquement au principe de neutralité qui régit le fonctionnement des services publics et au principe de laïcité qui s’impose aux établissements publics d’enseignement. Ainsi l’agent a commis une faute en faisant état de sa qualité de membre de l’Eglise de l’unification du christianisme mondial en tant qu’agent de l’ENSAM au travers de la diffusion de l’adresse de courrier électronique sur le site Internet de cette Eglise.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N° 9703336/5

M. Jean-Philippe O.

Mme Desticourt, Rapporteur

M. Bonhomme, Commissaire du Gouvernement

Audience du 6 mai 1999

Lecture du 3 juin 1999

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal administratif de Paris, (5ème section, 1ère chambre),

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 1997, présentée pour M. Jean-Philippe O. ; M. Jean-Philippe O. demande que le Tribunal :

1°/ annule la décision en date du 23 décembre 1996 par laquelle le ministre de l’éducation nationale et de la recherche lui a infligé la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois assortie d’un sursis partiel de trois mois ;

2°/ condamne l’Etat à lui verser une somme de 10.000 F en application de l’article L. 8-I du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu, enregistré le 22 février 1999, le mémoire produit par M. O. qui maintient ses précédentes conclusions par les mêmes moyens, et demande, en outre, au Tribunal de désigner un expert pour l’éclairer sur le fonctionnement du système informatique ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mai 1999 :
- le rapport de Mme Desticourt, conseiller ;
- les observations de Me Camenen, avocat au Conseil d’Etat, pour M. O. ;
- et les conclusions de M. Bonhomme, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’éducation nationale et de la recherche en date du 23 decembre 1996 :

Sur la légalité externe :

Considérant que, par décret du 12 février 1996, régulièrement publié au journal officiel de la République française du 14 février 1996, le Premier ministre a consenti une délégation de signature au profit de M. Claude Edelbloute, sous-directeur des personnels ITARF, à l’effet de signer au nom du ministre de l’éducation nationale de l’enseignement et de la recherche les actes, arrêtés et décisions dans la limite des attributions de la sous-direction des personnels ingénieurs, techniques et administratifs de recherche et de formation des personnels de bibliothèque, en cas d’absence ou d’empêchement du directeur des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche et du chef de service ; qu’ainsi le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’acte attaqué doit être rejeté ;

Considérant que, par lettre du 20 décembre 1996, le directeur du Centre de Paris de l’ENSAM a notifié à M. O. la lettre du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en date du 13 décembre 1996 faisant connaître à M. O., d’une part, le sens de l’avis émis par le Conseil de discipline dans la séance du il décembre 1996 et le caractère unanime du vote et, d’autre part, sa décision de prononcer la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de six mois dont trois mois avec sursis ; qu’ainsi, M. O. n’est pas fondé à soutenir qu’ont été méconnues les dispositions de l’article 10 du décret susvisé du 25 octobre 1984 aux termes duquel : “l’administration lors de la notification au fonctionnaire poursuivi de la sanction dont il a fait l’objet doit communiquer à l’intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de lEtat se trouvent réunies” ; qu’en outre, M. O. n’est pas davantage fondé à soutenir, en tout état de cause, que la notification de la sanction aurait été incomplète en l’absence de la mention des informations prévues à l’article 10 précité du décret du 25 octobre 1984 et que la mise en oeuvre immédiate de la sanction aurait, par suite, entaché celle-ci d’une rétroactivité illégale ;

Considérant que le requérant se borne à alléguer l’impossibilité de vérifier la régularité de la séance du Conseil de discipline en l’absence de notification du procès verbal de la séance du 11 décembre 1996 sans soutenir que cette séance serait entachée d’un vice de procédure ; que, toutefois, d’une part, aucune disposition légale ou réglementaire, et notamment aucune disposition du décret susvisé du 25 octobre 1984, n’impose la communication du procès verbal de la séance de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, et d’autre part, le requérant n’a produit aucun mémoire postérieurement à la production par le défendeur du procès verbal de la séance du il décembre 1997 ; que, dès lors, ce moyen ne peut qu’être rejeté ;

Sur la légalité interne :

Considérant que la décision en date du 23 décembre 1997 infligeant à M. O., adjoint technique de recherche et de formation affecté à l’Ecole nationale des arts et métiers, la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de six mois dont trois avec sursis a été prise au motif de l’utilisation abusive par M. O. de l’adresse de l’ENSAM sur INTERNET à des fins personnelles d’échanges entrepris en qualité de membre d’une secte, et utilisation d’une boîte aux lettres électronique d’un directeur de laboratoire de l’ENSAM à l’insu de ce dernier ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. O. a utilisé sa boîte aux lettres électronique à l’ENSAM, puis celle d’un autre agent, pour entrer en communication avec des correspondants en tant qu’adhérent de “l’Eglise de l’unification du christianisme mondial”, aux fins, notamment, d’institutionnaliser un serveur français pour celle-ci ;

Considérant que de tels faits impliquant l’ENSAM dans une activité hors du champ de la laïcité à laquelle l’école nationale est nécessairement soumise, ont constitué un manquement au principe de neutralité qui régit le fonctionnement des services publics et au principe de laïcité qui s’impose aux établissements publics d’enseignement ; qu’ainsi M. O., dont la faute consiste précisément à avoir manqué à ces principes en faisant état de sa qualité de membre de l’Eglise de l’unification du christianisme mondial en tant qu’agent de l’ENSAM, est particulièrement mal fondé à soutenir que l’école a commis une erreur de droit en le sanctionnant à raison de ces faits et en lui reprochant ainsi d’avoir fait mention de ses opinions philosophiques ou religieuses sur un serveur ENSAM alors même que l’article 18 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 garantit la liberté d’opinion aux fonctionnaires ; que le moyen tiré de l’erreur de droit, doit, par suite, être rejeté ;

Considérant qu’en portant une appréciation sur la légitimité de l’usage fait par ses agents de leur boîte aux lettres électronique professionnelle, l’ENSAM n’a fait qu’user de son pouvoir hiérarchique sans que M. O. puisse se plaindre de la tolérance dont elle a fait preuve à l’égard d’autres utilisations de boîtes aux lettres à des fins personnelles, qui au demeurant ne portaient pas atteinte aux principes de neutralité et de laïcité ; qu’ainsi M. O. n’est pas fondé à soutenir qu’il a été victime d’une discrimination constitutive d’une erreur de droit ;

Considérant que si M. O. soutient qu’il n’a fait que se servir d’une boîte aux lettres inutilisée dans le seul but d’interrompre la correspondance qui lui était reprochée, il ressort néanmoins des pièces du dossier que cette boîte a été utilisée à l’insu d’un autre agent ; qu’ainsi le motif tiré de l’utilisation frauduleuse de la boîte aux lettres électronique d’un directeur de laboratoire de l’ENSAM à l’insu de ce dernier n’est pas entaché d’inexactitude matérielle ;

Considérant qu’en prononçant, a raison des faits susrelatés, la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de six mois dont trois mois avec sursis à l’encontre de M. O., le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas retenu une sanction disproportionnée par rapport à la gravité de la faute commise par l’intéressé, laquelle contrairement à ce que soutient le requérant, était de nature à discréditer l’école dans le public ; que, par suite, et alors même qu’il était exceptionnellement bien noté et que sa manière de servir n’avait donné lieu à aucun reproche, M. O. n’est pas fondé à soutenir que la décision du 23 décembre 1996 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise sollicitée, que les conclusions susvisées de la requête de M. O. doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le Tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés àl’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. O. doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Jean-Philippe O. est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. Jean-Philippe O. et au ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

 


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