COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
N° 99BX01111
M. Charles Emmanuel B.
M. Bélaval
Président
M. Zapata
Rapporteur
M. Chemin
Commissaire du gouvernement
Arrêt du 19 décembre 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX
(Formation plénière)
Vu la requête enregistrée le 11 mai 1999 sous le n° 99BXO1111 au greffe de la cour présentée pour M. Charles Emmanuel B. ; M. B. demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 février 1999 en tant qu’il n’a annulé que pour la période antérieure au 21 novembre 1996, la décision du 30 octobre 1996 par laquelle le maire de la commune de Latresne a prononcé le licenciement en fin de stage de M. B. ;
2°) d’annuler l’arrêté du maire de Latresne en date du 30 octobre 1996 ;
3°) d’ordonner à la commune de Latresne de réintégrer et de titulariser M. B., dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) d’assortir cette condamnation d’une astreinte de 6 000 F par mois ;
5°) de condamner la commune de Latresne à payer à M. B. la somme de 20 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 22 avril 1905, et notamment son article 65 ; Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; Vu le décret n° 87-1110 du 30 décembre 1987 ; Vu le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 décembre 2002 :
le rapport de M. Zapata, président-assesseur ;
les observations de Maître Laveissière, avocat de M. Charles Emmanuel B.
les observations de Maître Sussat, avocat de la commune de Latresne ;
les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la circonstance que la délibération du conseil municipal de Latresne en date du 5 septembre 1995 créant un emploi d’agent administratif n’aurait pas défini avec précision les fonctions et les tâches confiées à cet agent est sans influence sur la légalité de l’arrêté en date du 30 octobre 1996 par lequel le maire a licencié M. B. à la fin de son stage ; qu’ainsi, en s’abstenant de répondre à ce moyen inopérant, le tribunal administratif n’a pas entaché d’irrégularité son jugement ;
Considérant qu’il ne ressort pas du jugement attaqué que, pour rejeter la requête, le tribunal administratif s’est fondé sur les éléments contenus dans le mémoire de la commune de Latresne enregistré le 21 janvier 1999 ; que, par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir d’une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure suivie devant le tribunal administratif, faute pour lui d’avoir reçu communication de ce mémoire en temps utile pour y répondre autrement que par la note en délibéré qu’il a adressée au tribunal ;
Sur le licenciement de M. B. :
Considérant que M. B. a été nommé agent administratif territorial stagiaire, par arrêté du maire de la commune de Latresne du 24 octobre 1995 ; qu’il demande l’annulation de l’arrêté en date du 30 octobre 1996 par lequel le maire l’a licencié pour insuffisance professionnelle, à l’issue de son stage, avec effet au 1er novembre 1996 ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que la décision de licencier pour insuffisance professionnelle un agent en fin de stage, même si elle est dépourvue de caractère disciplinaire, constitue une mesure prise en considération de la personne ; que l’agent doit, dès lors, être mis à même de demander la communication de son dossier prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le licenciement de M. B., à la fin de son stage, a été prononcé pour insuffisance professionnelle, et non pour un motif disciplinaire comme le soutient le requérant ; que le maire de Latresne a, le 16 septembre 1996, au cours d’un entretien, fait part à l’intéressé de son intention de le licencier à la fin de son stage ; qu’ainsi, le requérant a été mis à même, par cet entretien avec le maire confirmé par une lettre du même jour, de faire connaître à l’autorité compétente ses observations sur la mesure envisagée, et, s’il le jugeait utile, de faire parvenir au maire des observations complémentaires, le cas échéant avec l’assistance d’un conseil, avant que n’intervienne la décision attaquée ; que dès lors, le moyen tiré de ce M. B. n’aurait pas été mis à même de prendre connaissance de son dossier doit être écarté ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :... - refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ;..." ; qu’eu égard aux conditions dans lesquelles intervient normalement la titularisation des agents stagiaires ayant vocation à en bénéficier, la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle en fin de stage d’un de ces agents, laquelle décision n’est pas différente d’un refus de procéder à sa titularisation, est au nombre de celles qui doivent être motivées sur le fondement des dispositions précitées ; mais que contrairement à ce qui est allégué, l’arrêté du 30 octobre 1996 prononçant le licenciement de M. B. comporte une motivation suffisante ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret n° 87-1110 du 30 décembre 1987 modifié portant statut particulier du cadre d’emploi des agents administratifs territoriaux : "Les agents administratifs et les agents administratifs qualifiés sont chargés de tâches administratives d’exécution. Ils peuvent seconder ou suppléer les adjoints administratifs. Ils peuvent être chargés d’effectuer les divers travaux de bureautique et être affectés à l’utilisation des matériels de communication. Ils peuvent être chargés d’effectuer des enquêtes administratives et d’établir des rapports nécessaires à l’instruction de dossiers. Ils peuvent être chargés de placer les usagers d’emplacements publics, de calculer et de percevoir le montant des taxes, droits et redevances exigibles de ces usagers..." ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les tâches assurées durant son stage par M. B. excédaient par leur importance ou leur niveau, celles pouvant être confiées à un agent administratif territorial, en application des dispositions précitées du décret du 30 décembre 1987 ;
Considérant que si M. B. se prévaut de ce que la COTOREP lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé, il ressort du certificat établi le 12 octobre 1995, à l’occasion de son recrutement, qu’il a été reconnu médicalement apte à occuper l’emploi concerné ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, durant son stage, M. B. a éprouvé des difficultés dans ses relations avec le personnel et certains élus de la commune de Latresne ; que sa manière de servir et son comportement général ne se sont pas révélés satisfaisants ; qu’ainsi, les motifs retenus par le maire de Latresne pour prendre la décision litigieuse, qui ne reposent pas sur des faits matériellement inexacts et qui ne sont pas entachés d’erreur de droit, étaient de nature à justifier la mesure litigieuse ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B. n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que le présent arrêt rejetant les conclusions de M. B. tendant à l’annulation du licenciement dont il a fait l’objet, il ne saurait être fait droit à ses conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de Latresne de le réintégrer et de le titulariser ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Latresne, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. B. la somme qu’il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Latresne tendant à la condamnation de M. B. à lui verser une somme au titre des frais du procès ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Latresne tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.