CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 308498
LA POSTE
Mlle Sophie-Justine Liéber
Rapporteur
Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement
Séance du 26 mai 2008
Lecture du 27 juin 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 13 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour LA POSTE, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard, à Paris Cedex 15 (75757) ; LA POSTE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 12 juin 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, d’une part, annulé le jugement du 3 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme Marie-José R. tendant à l’annulation de la décision du 21 décembre 1998 par laquelle le directeur des ressources humaines de la délégation Ile-de-France de La Poste a fait connaître à l’intéressée que son refus d’être nommée en Ile-de-France constituait un refus définitif de la titularisation qui lui avait été proposée, d’autre part, annulé cette décision et mis à la charge de La Poste la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) statuant au fond, de rejeter les conclusions d’appel présentées par Mme R. devant la cour administrative d’appel de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de l’intéressée la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, et la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée ;
Vu le décret n° 85-1158 du 30 octobre 1985 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mlle Sophie-Justine Liéber, Maître des Requêtes,
les observations de Me Haas, avocat de LA POSTE,
les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 3 mars 2005 et la décision du directeur des ressources humaines de la délégation Ile-de-France de LA POSTE en date du 21 décembre 1998 lui indiquant que son refus d’être nommée en Ile-de-France constituait un refus définitif de la titularisation qui lui avait été proposée, la cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par Mme R. à l’encontre de la note de service n° 179 en date du 25 juillet 1997 du directeur des ressources humaines de la direction générale de LA POSTE dont elle a estimé que la décision du 21 décembre 1998 attaquée faisait application, au motif qu’en subordonnant la titularisation des agents auxiliaires à l’acceptation d’une nomination sur " un poste, parmi les postes vacants ouverts au recrutement, en délégation Ile-de-France, dans le cadre des règles de comblement des postes mises en œuvre en 1997 ", cette note de service contredit les dispositions des articles 73 et 83 de la loi du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, et celles des articles 1er, 2 et 4 du décret du 30 octobre 1985 fixant les conditions exceptionnelles d’intégration de personnels du ministère des Postes et Télécommunications dans des corps de fonctionnaires de catégorie D en ce qu’elle énonce une règle générale d’affectation des agents intégrés à compter de la date de sa parution qui méconnaît la procédure prévue par l’article 83 précité de la loi du 11 janvier 1984 et le principe général selon lequel la situation de chaque agent doit faire l’objet d’une appréciation individuelle ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le grade est distinct de l’emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l’un des emplois qui lui correspondent. / Toute nomination (.) dans un grade qui n’intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d’exercer les fonctions correspondantes est nulle. (.) " ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 73 de la loi du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : " Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l’article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances (.) " ; qu’aux termes de l’article 83 de la même loi : " La commission administrative paritaire compétente est saisie des propositions d’affectation et des demandes de mutation des agents titularisés en vertu du présent chapitre. / Dans l’intérêt du service, des agents peuvent être titularisés sur place. " ;
Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 30 octobre 1985 : " Les auxiliaires du ministère des PTT qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et qui remplissent les conditions énumérées à l’article 73 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans un corps de fonctionnaires de catégorie D déterminé en application de l’article 80 de la loi du 11 janvier 1984 précitée, dans les conditions fixées par le tableau de correspondance annexé au présent décret " ;
Considérant que les dispositions précitées de la loi du 13 juillet 1983 prévoient que toute nomination dans un grade doit pourvoir à un emploi vacant et que celles de la loi du 11 janvier 1984 prévoient que la titularisation dans des corps de fonctionnaires de certains agents non titulaires s’effectue sur des postes vacants ou créés par les lois de finances, mais ne créent pas au bénéfice des intéressés un droit à être titularisé dans le poste qu’ils occupaient en qualité d’agents non titulaires ; que, dès lors, LA POSTE a pu légalement, par la note de service du 25 juillet 1997, prendre en compte les nécessités du service pour définir les emplois vacants à pourvoir prioritairement par l’affectation des agents susceptibles de bénéficier d’une titularisation à compter de sa date de parution et informer les agents concernés de ce que les postes vacants pouvant leur être offerts dans l’intérêt du service se situaient en Ile-de-France ; que, par suite, LA POSTE est fondée à soutenir que la cour administrative d’appel de Bordeaux a fait une inexacte application des dispositions combinées des articles 73 et 83 de la loi du 11 janvier 1984 pour conclure à l’illégalité de la note de service du 25 juillet 1997 et à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt du 13 décembre 2005 ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’affaire au fond ;
Sur la légalité de la décision du 21 décembre 1998 :
Considérant que, compte tenu de ce qui vient d’être dit, les dispositions précitées de l’article 83 de la loi du 11 janvier 1984 ne créent pas au bénéfice des intéressés un droit à être titularisés dans le poste qu’ils occupaient en qualité d’agents non titulaires ; que, dès lors, LA POSTE a pu légalement, par la note de service du 25 juillet 1997, prendre en compte les nécessités du service pour définir les emplois vacants à pourvoir prioritairement par l’affectation des agents susceptibles de bénéficier d’une titularisation à compter de sa date de parution et informer les agents concernés de ce que les postes vacants pouvant leur être offerts dans l’intérêt du service se situaient en Ile-de-France ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cette note au regard des dispositions précitées de l’article 73 de la loi du 11 janvier 1984 doit être écarté ;
Considérant que si l’article 83 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que : " La commission administrative paritaire compétente est saisie des propositions d’affectation et des demandes de mutation des agents titularisés en vertu du présent chapitre (.) ", Mme R. ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, qui ne concernent que les fonctionnaires titularisés ;
Considérant que si Mme R. invoque les dispositions d’une circulaire du 2 août 1995, qu’elle n’a pas versée au dossier, ce moyen n’est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué, tiré de ce que LA POSTE mènerait une politique délibérée de nomination des agents ayant vocation à être titularisés dans des affectations éloignées, n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme R. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 3 mars 2005 attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 21 décembre 1998 lui indiquant que son refus d’être nommée en Ile-de-France constituait un refus de la titularisation qui lui était proposée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme R. la somme de 500 euros au titre de ces dispositions ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’application de ces dispositions présentées par Mme R. devant la cour administrative d’appel de Bordeaux ne peuvent qu’être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 12 juin 2007 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme R. devant la cour administrative d’appel de Bordeaux et tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 3 mars 2005, ainsi qu’à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Mme R. versera à LA POSTE la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à LA POSTE et à Mme Marie-José R..